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A propos des attentats parisiens : l’impensé social de ce que procurent les femmes au monde commun
Article de Françoise Bloch, sociologue retraitée du CNRS, 6 pages
Cet article tente d’analyser l’absence apparente des femmes dans les premiers articles et émissions concernant les attentats parisiens. Cherchant cette présence dans les interstices, l’auteure montre en quoi les témoignages de femmes sont multiples dans toute leur diversité mais révèlent combien ce que procurent les femmes au monde commun est loin de toute médiatisation et est un impensé social. Quelle place occupent-elles dans le monde social s’agissant de ce qui est en premier lieu impliqué dans ces assassinats, à savoir les vulnérabilités et fragilités humaines dont celles des enfants dans un monde devenu si inhumain où la violence des rapports sociaux prédominent et se manifestent dans des gestes individuels de désespérance voire suicidaires ? Et en outre, quelle reconnaissance est faite des « mémoires et blessures cachées » de l’enfant qu’elles furent et que furent ces jeunes devenus tueurs ? Ces « blessures cachées » telles que celles vécues durant leur enfance et/ou vues vivre par leurs parents manifestent de l’absence de considération, de bienveillance et de limites dont auraient besoin les enfants dans tous les actes pédagogiques qui accompagnent leur advenue au monde social dans lequel ils sont, pour beaucoup d’entre eux, devenus surnuméraires.
En s’appuyant sur ses travaux de recherche sur la transmission intergénérationnelle et sur la prise en charges des enfants, Françoise Bloch analyse certains de ces témoignages ou récits - comme le parcours de vie des trois jeunes, devenus tueurs - et dévoile la difficulté de toute transmission dès lors que celle-ci est marquée par l’absence de considération et par l’expérience du mépris et de l’humiliation que vivent beaucoup de jeunes dont ceux des classes populaires françaises, entre autres issues de l’immigration, reléguées socialement et « racialement » dans les banlieues.
Au delà, elle s’interroge sur la désespérance sociale à l’heure du capitalisme financier et pose en préambule cette question : A quoi répondent ces assassinats perpétués par ces jeunes hommes, devenus tueurs, et par les policiers qui les ont abattus ? Il semblerait bien que nous soit renvoyé un écho foudroyant entre la violence suicidaire de ces jeunes – provoquant leurs exécutions – et le vide abyssal de sens qu’ont à l’heure actuelle la financiarisation du monde et la guerre de tous contre tous. Echo foudroyant aussi entre le monde virtuel dans lequel vivent les financiers et autres traders, un monde sans limite, et celui dans lequel vivaient ces jeunes, qui ne connurent de limites que celle des armes qui les abattirent.
L’analyse en format pdf