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Le sociologue et statisticien Pierre Gilliand est décédé au début de cette année. Le conseiller national Stéphane Rossini, qui fut son disciple, rend hommage à cet homme dont la préoccupation a toujours été la solidarité sociale.
Sociologue, démographe et statisticien, professeur de politique sociale aux Universités de Lausanne et Genève et à l’Institut de hautes études en administration publique de Lausanne, après avoir exercé la profession d’horticulteur, Pierre Gilliand n’est plus. Il a quitté subitement ce monde, début janvier.
Pour les sciences sociales de ce pays, mais aussi pour la gauche et son action en faveur de la solidarité, c’est une page qui se tourne, tant Pierre Gilliand a marqué de son empreinte la construction de l’Etat social. Avec son départ, nous perdons celui que de nombreux médias qualifiaient justement de « Chantre de la politique sociale ».
Comme directeur de l’Office statistique de l’Etat de Vaud, puis comme chercheur et professeur, il a constamment utilisé la science pour servir la société. Ses travaux, nombreux et interdisciplinaires, ses recherches, fondamentales et appliquées, et tous ses ouvrages n’avaient qu’une finalité : l’intérêt général et le mieux-être de la population, plus particulièrement des vieux, des malades, des pauvres.
Il fut le premier, à la fin des années 1960, à placer la question du vieillissement démographique au centre des défis à relever par les politiques sanitaires et les assurances sociales. Il fut un des rares, dans le monde scientifique suisse, à lutter contre l’aberration de la concurrence et le règne du marché dans le système de santé. Planifications hospitalières ou soins à domicile, transparence, budget social de la Suisse et indicateurs sociaux, démographie médicale et réformes de l’assurance-maladie, tels furent ses sujets de prédilection. Sans oublier l’AVS et son combat pour lutter contre la pauvreté des rentiers de ce pays. Ses thèses resteront pour plusieurs années encore d’une redoutable pertinence ! Pour une meilleure répartition des richesses
Les apports de la science devaient, pour lui, non seulement alimenter la théorie, mais surtout améliorer les conditions de vie de la population, permettre une allocation optimale des ressources publiques et réaliser une juste redistribution des richesses. Le Conseil fédéral, de nombreux gouvernements cantonaux, commissions parlementaires et extra-parlementaires fédérales ou cantonales et institutions ont bénéficié de ses savoirs, analyses et visions prospectives. Sans oublier les milliers d’auditeurs qui, à l’Université ou au cours des centaines de conférences qu’il a prononcées, ont découvert ce scientifique engagé et critique, à la rigueur implacable ! La contribution de Pierre Gilliand à la compréhension des phénomènes sociaux et à la construction des solidarités est indéniable.
Rendons hommage à son engagement et à sa passion. Nous lui devons beaucoup. « Ajouter de la vie aux années et non seulement des années à la vie », telle était la devise qui concluait fréquemment son propos. Telle était aussi, ainsi résumée, sa capacité à décortiquer et à faire parler les chiffres, leur donnant ainsi une âme et une noble finalité : la solidarité. Forts de son exemple et de ses enseignements, nous poursuivrons cet engagement, par la science, pour la société, par la politique !
Stéphane Rossini