Alliance inédite pour sortir de l’endettement

Afin de soutenir la sortie de la spirale du surendettement, Caritas Suisse et la Banque Alternative Suisse proposent des prêts sans intérêt à des personnes concernées. Interview de Marie Bitumba-Bousfield, responsable de projet.

Marie Bitumba-Bousfield © Caritas Suisse(REISO) Marie Bitumba-Bousfield, depuis quand le projet « Nouveau départ » est-il existant ?

(Marie Bitumba-Bousfield, Caritas Suisse) Le contact avec la société bancaire concernant une éventuelle collaboration a déjà eu lieu il y a plusieurs années. Le projet pilote a été mis en œuvre en 2024.

Comment avez-vous réussi à convaincre une banque de s’engager dans un tel projet ?

Pour le projet pilote, il n’a pas été nécessaire de convaincre la Banque Alternative Suisse (BAS). Cette société et Caritas partagent en effet de nombreuses valeurs et principes. Par leur engagement, elles entendent remplir leur mission fondamentale de solidarité et d’action sociopolitique dans l’intérêt des personnes défavorisées, et contribuer efficacement à l’amélioration de leurs conditions de vie en Suisse.

La mise en place de « Nouveau départ » a certainement rencontré d’importants défis. Quels ont-ils été ?

Les ajustements nécessaires des contrats et des règlements étaient assez délicats et ont pris un peu du temps. Avant le lancement officiel du projet, une phase de test de prêt a été réalisée. Cette étape a suscité des questions telles que le compte à utiliser pour les prêts (paiements via les organisations individuelles ou un compte commun), ou par quelle partie les prêts devaient être versés aux créanciers.

Quels sont les points forts et innovants de ce projet ?

Ses forces et avantages sont nombreux. Tout d’abord, mentionnons l’approche collaborative, puisqu’il s’agit d’une initiative conjointe des deux porteurs de projet. Cette collaboration est renforcée par la combinaison des ressources et des expertises des deux organisations. Ensuite, le projet a un objectif clair et socialement pertinent : il vise à aider les personnes surendettées à trouver une solution durable à leur situation financière, en leur offrant des prêts pour assainir leurs dettes et défendre leurs droits.

L’impact sociétal positif du projet est également notable. En réduisant le nombre de ménages surendettés, il améliore non seulement les conditions de vie individuelles, mais il réduit également les dépenses sociales et de santé, bénéficiant ainsi à la société dans son ensemble. Enfin, la mise en réseau et la collaboration avec les services de conseil en matière de désendettement via Caritas Suisse sont bien établies, car cette coopération existe déjà dans divers autres projets liés à la problématique du surendettement.

Quelles sont les restrictions pour accéder à un tel prêt ?

Il existe de nombreux critères à remplir. Ce projet n’est pas un laissez-passer pour les personnes surendettées. Les demandes ne peuvent être soumises que par des professionnel·les des centres de conseil en matière de dettes, membres de l’Association faîtière Dettes Conseils Suisse. Ainsi, Caritas Suisse et la BAS veillent à ce que seules les personnes déjà engagées dans un conseil professionnel puissent bénéficier de l’aide, et que les offres de « Nouveau départ » soient considérées comme une option possible par les professionnel·les des centres de conseil. Par exemple, un prêt pour assainissement n’est pas adapté à toutes les personnes surendettées. Un assainissement est possible lorsque certains critères sont remplis, comme le fait que le taux d’assainissement doit être suffisamment élevé, ou encore que les créanciers ont accepté la proposition d’assainissement et que le remboursement peut être effectué en 36 mois.

Le projet « Nouveau départ » ne se contente pas de fournir des prêts, mais vise à transformer durablement la situation des personnes concernées.

Lorsque les procédures standard ne peuvent être accomplies, les professionnel·les des centres de conseil soutiennent les personnes surendettées dans leur vie avec leurs dettes, les aidant à stabiliser leur situation financière et à éviter de nouvelles dettes.

Pour endiguer la spirale du surendettement avant qu’il ne soit trop tard, pourquoi ne pas accepter des personnes qui appelleraient à l’aide plus tôt, c’est-à-dire avant que des professionnel·les des centres de conseil doivent être sollicité·es ?

Le projet « Nouveau départ » ne se contente pas de fournir des prêts, mais vise à transformer durablement la situation des personnes concernées. Dans cette optique, les services de conseil en matière de dettes jouent un rôle crucial grâce à leur expertise et leur vue d’ensemble des situations de surendettement.

© Moondance / PixabayIls évaluent les possibilités disponibles et rassemblent les documents nécessaires, ce qui représente une aide indispensable pour les personnes souvent trop occupées à gérer leur situation précaire. La discussion avec plusieurs créanciers se révèle régulièrement complexe, non seulement en raison du nombre élevé de personnes impliquées, mais aussi parce qu’il est difficile de parvenir à un accord. Les statistiques de 2023 de l’association faîtière Dettes Conseil Suisse montrent qu’un quart des personnes qui demandent conseil présentent des signes de surmenage administratif ou cognitif, rendant la soumission d’une demande particulièrement complexe. Ainsi, « Nouveau départ » propose des solutions aux services de conseil en matière d’endettement pour aider leurs clients à sortir de leur situation d’endettement.

Il est vrai que de nombreuses personnes laissent leur situation financière se dégrader de manière excessive avant de demander de l’aide...

Les personnes concernées se rendent en effet souvent beaucoup trop tard dans les centres de conseil, lorsque leurs dettes sont déjà trop élevées. Les recherches empiriques montrent que la honte et la peur d’être stigmatisées empêchent souvent les personnes surendettées de chercher de l’aide à temps. Il est important de noter que la détresse financière peut toucher tout le monde, que ce soit en raison d’une séparation, d’un divorce, d’une perte d’emploi, d’une maladie ou d’un accident.

En collaboration avec des organisations partenaires régionales et l’association faîtière Dettes Conseils Suisse, Caritas s’engage dans la prévention ainsi que dans l’information et le conseil juridique. Cet engagement comprend des offres variées, en grande partie gratuites, allant des visites dans les écoles pour la prévention aux entretiens de conseil personnalisés, en passant par la publication de guides et de matériel d’information pour les autorités.

Outre l’amélioration des conditions de vie des personnes surendettées qui auront accès à un prêt, d’autres bénéfices sont-ils attendus de ce projet ?

« Nouveau Départ » vise à aider ceux qui ne disposent pas des ressources suffisantes à trouver une solution durable à leur situation et à sortir de la précarité. Mais il permet également de renforcer la solidarité et de sensibiliser le public aux sujets du surendettement.

(Propos recueillis par Céline Rochat)

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