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Outil de cohésion sociale par excellence, mais aussi précieux allié pour la santé, la musique passionne le journaliste et pianiste québécois Michel Rochon qui a écrit plusieurs livres sur le sujet. Interview.
Michel Rochon © Pierre Tonietto(REISO) Michel Rochon,votre dernier ouvrage « Comment la musique transforme notre cerveau » passe en revue un nombre incroyable d’études sur la question. Pourquoi cet art est-il si étudié par le monde scientifique ?
(Michel Rochon) La musique est le premier langage de l’humanité. Bien avant de construire une langue, les êtres humains ont utilisé leurs cordes vocales pour émettre des sons plaisants et communicatifs. Ils et elles utilisaient leur voix — et par la suite des percussions, pour tous leurs rituels : pour se donner du courage avant de la partir à la chasse, pour avoir de bonnes récoltes, pour la guerre, l’amour, les religions, etc. La musique est un excellent outil de cohésion sociale, mais aussi un moyen unique pour stimuler le cerveau. D’une part, son écoute déclenche la libération d’un grand nombre de messagers chimiques qui affectent l’humeur et le développement ; et d’autre part, elle active plus de trente régions cérébrales. C’est un véritable feu d’artifice pour le cerveau ! Les autres formes d’art n’ont pas cet effet. Un grand nombre de chercheur·euses à travers le monde se sont donc intéressé·es à la musique tout simplement parce qu’elle permet d’étudier en détail le fonctionnement du cerveau.
Dans votre livre, vous expliquez comment la musique apporte des bienfaits de la naissance à la vieillesse. Pouvez-vous détailler ?
La première musique que l’être humain entend est celle perçue dans le ventre de la mère. Écouter un vaste choix de styles musicaux est important pour le bon développement de l’enfant et pour sa plasticité cérébrale. À l’adolescence, le ou la jeune va chercher à rejeter ses parents et va se tourner vers des formes musicales qui lui sont propres. Cette période est très importante, car des études ont démontré que la musique écoutée entre l’âge de 15 et 25 ans détient un pouvoir intéressant bien plus tard. En effet, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à qui l’on propose des chansons qui leur plaisaient à cette période de la vie parviennent à retrouver de l’entrain et à s’éveiller aux sons de ces mélodies. La musique stimule leur mémoire associative. Les effets de la musicothérapie en tant que médecine de compassion sont nombreux.
Quels sont ces effets plus précisément ?
Que ce soit pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, pour celles qui souffrent de Parkinson ou celles qui se remettent d’un accident vasculaire cérébral, la musicothérapie est une aide précieuse. Les malades de Parkinson réussissent à se mouvoir avec moins de tremblements en pratiquant des mouvements rythmés sur de la musique. Ces personnes arrivent alors à marcher de manière plus fluide. Quant aux victimes d’un AVC, le fait de combiner les approches habituelles de rééducation avec de la musicothérapie contribue à accélérer les progrès. Dans le cas de démence, de maladies mentales, d’autisme, entre autres, l’écoute de la musique a des effets apaisants. Elle ne soigne pas, mais elle améliore le quotidien.
Des études ont démontré que la musique écoutée entre l’âge de 15 et 25 ans détient un pouvoir intéressant bien plus tard
Nous avons beaucoup parlé des effets de la musique sur les personnes malades, mais qu’en est-il pour celles qui sont en bonne santé ?
Chaque personne réagit différemment vis-à-vis de la musique. Pour certaines, elle est indispensable, pour d’autres c’est juste un agréable passe-temps. Tout cela dépend de composantes héréditaires, prénatales, sociales, des choix des parents également. Une chose est sûre, en période de confinement pendant la pandémie de covid, la musique a apporté beaucoup de soulagement. Le fait d’en écouter véhicule de nombreuses émotions et active le cerveau. Mais ce qui lui est encore plus bénéfique, c’est la pratique d’un instrument. Cela améliore la mémoire et la concentration, aide à l’apprentissage d’une langue et à la réussite scolaire, entre autres.
A contrario, la musique peut-elle nuire à la santé ?
À ma connaissance, aucune étude ne s’est penchée sur cette question. Assurément toutefois, la musique ne possède pas le pouvoir de rendre malade. Une personne qui a des idées suicidaires ne va pas passer à l’acte à cause d’une mélodie en particulier. A l’inverse, lors des différents Salons du livre auxquels j’ai participé, plusieurs lecteur·trices sont venu·es me voir pour partager à quel point écouter certaines chansons les ont aidé·es à sortir de leur dépression.
(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)
Michel Rochon, « Comment la musique transforme le cerveau », Ed. Quanto, 2024, 216 page