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Recension de «Addiction et spiritualité» de Jacques Besson

Vendredi 24.11.2017

Addiction et spiritualité. Spiritus contra spiritum, de Jacques Besson

Toulouse : Editions érès, 2017, 159 pages.

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien


Jacques BessonJacques Besson est professeur de psychiatrie communautaire à la Faculté de médecine de Lausanne et au CHUV. Intéressé dès le début de sa carrière à l’alcoologie et aux addictions en général, il est également très attentif la dimension spirituelle de la santé.

Pour planter le décor. « L’intuition que nous vivons dans une société addictogène se vérifie au quotidien. Nous sommes dans une civilisation d’addiction générale au quantitatif, au numérique, à l’avoir et au prendre, dans un matérialisme étanche aux fraternités indispensables. » L’auteur définit la spiritualité comme un besoin naturel et universel de sens et de cohérence avec soi-même, autrui et l’univers, qui peut être profane ou religieux. « Des études canadiennes et suisses sur les facteurs de rétablissement d’alcooliques ont permis de trouver une pluralité de facteurs protecteurs, au premier rang desquels figurait la spiritualité (Jésus, Bouddha, Mahomet) mais aussi des facteurs profanes. »

Un diagnostic holistique doit se demander si « le patient possède des ressources potentielles, tant groupales que culturelles, incluant la spiritualité […] Quel sens donne-t-il à sa destinée ? » Les psychiatres américains se voient recommander d’effectuer une anamnèse spirituelle. En Europe, sommes-nous capables d’affronter notre difficulté à poser ces questions ?

Médecine et spiritualité/religion. C.G. Jung avait la conviction que la spiritualité est au cœur du rétablissement de l’alcoolique et que notre monde va à sa perte s’il ne reconnaît pas les besoins spirituels. « Bien évidemment, un tel positionnement nous place aux confins de la médecine. Ses détracteurs y voient la mainmise possible de groupements fondamentalistes, en rupture avec la science. Ils craignent le passage d’une aliénation à une autre. » Pourtant : « s’il apparaît que la dimension spirituelle est bénéfique pour les patients, c’est un devoir pour la médecine d’intégrer ce champ dans ses préoccupations cliniques. » Pas simple… Surtout en psychiatrie qui est en tension affichée avec la religion depuis ses débuts.

Les apports des neurosciences. Besson traite des neurosciences de l’addiction, notamment de la plasticité neuronale, et poursuit avec la neurothéologie : « Pour elle, science et religion n’ont aucune raison d’être incompatibles. Les questions spirituelles et religieuses sont naturelles, inscrites dans la biologie. » Sont abordées les dimensions génétiques et épigénétiques avec une question sur les mèmes, vus comme équivalents des gènes, mais pour la sélection des idées dans l’évolution culturelle. « La psychologie évolutionniste affirme que la spiritualité chez l’humain provient de mécanismes adaptifs, en vue de la survie. »

Névrose de civilisation. Dans la conclusion, l’auteur fait référence aux travaux de Viktor Frankl sur l’inconscient spirituel qui, lorsqu’il est refoulé, devient source de névrose de civilisation, avec les trois symptômes que sont l’addiction, l’agression et la dépression. « L’addiction fonctionne comme une automédication, au prix d’une attaque des liens et du sens. La spiritualité, elle contribue au contraire à la nécessaire cohérence. » Et l’auteur de terminer sur une note écologique: « Nous consommons les ressources de notre planète sur un mode parfaitement addictif. C’est sans doute pour cette raison qu’apparaît un mouvement d’écospiritualité, aspirant à un rapport équilibré entre humains et Terre nourricière. »

Aujourd’hui, après des décennies marquées par la science « dure » et un certain scientisme, c’est une démarche très estimable mais aussi délicate, y compris pour un académique de plein droit, d’investiguer les interfaces, les interactions, entre spirituel et médico-thérapeutique. Démarche pourtant nécessaire.

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