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L’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss s'exprime longuement sur les addictions et le travail dans le milieu social dans le bulletin de février de la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme.
Dans son cinquième bulletin d’information qui vient de paraître, la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme publie une longue interview de Ruth Dreifuss. La présidente de la Global commission on drug policy y aborde évidemment la notion de dépendance. En ce qui concerne la consommation d’alcool, elle estime qu’« il ne s’agit pas de mener une campagne anti-plaisir, mais [de] rappeler un certain nombre de dangers ».
Evoquant le rôle de la politique, l’ex-ministre du Département fédéral de l'intérieur estime que « ce n’est pas par les interdictions et la prohibition qu’on arrive » à améliorer la santé des gens. Pour permettre à toutes et à tous de prendre des bonnes décisions, les mesures de prévention et de réduction des risques pour l’alcool et le tabac sont indispensables. Et si la politique s'est améliorée ces dernières années en la matière, elle regrette la vitesse du processus : « On a quand même progressé mais avec une lenteur toute helvétique à mon goût. »
L’ancienne Conseillère fédérale, aujourd'hui âgée de 81 ans, relève l’antagonisme existant entre les habitudes de consommation et les connaissances scientifiques. « Dans les lois et les habitudes sociales, il y a une absence totale de logique et de base scientifique. C’est pourquoi je m’efforce de mener un débat qui soit basé sur la personne et non la substance. En plus, souvent, on peut passer d’une addiction à l’autre. » Mais le contexte suisse rend la prévention compliquée. « Ce qui me frappe le plus c’est la différence du discours entre les substances psychoactives légales et celles qui ne le sont pas, affirme-t-elle. On diabolise ces dernières et l’on fait la promotion des autres, au nom d’intérêts économiques. »
Ancienne assistante sociale, Ruth Dreifuss reste encore très engagée sur le terrain, notamment contre les trafiquants de drogue liés au crime organisé ou à la peine de mort. Cette interview est l’occasion, pour celle qui fut la première femme à présider la Confédération, de préciser quels sont, à ses yeux, les luttes à mener pour combattre la drogue dans la société et s’étonne que la Suisse ne se donne pas « tous les moyens d’être efficace ». Elle affirme : « il y a ceux pour qui [la] consommation signifie perte d’équilibre, dépendances, avec les conséquences que l’on sait sur leur vie familiale, sociale et professionnelle. Dans ce cas, il faut pouvoir les aider. Le discours absolutiste qui prévaut depuis un demi-siècle est voué à l’échec. Il stigmatise ceux qui ont besoin d’aide et n’en reçoivent pas. » Et de dénoncer, finalement, le manque d’implication des victimes d’addiction. « C’est aux patients de dire : « Voilà ce que j’ai envie d’atteindre. Toi, médecin, thérapeute, assistant social, es-tu capable de m’aider à le réaliser ? Si oui, faisons un contrat. »
(croc)
Lire l’interview entière dans le bulletin de la Fondation vaudoise contre l'alcoolisme