Enfance: faire rimer activité physique et sécurité
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Élément majeur au maintien d’une bonne santé des enfants, l’activité physique des plus jeunes, tant au sein de la famille que dans un contexte extrafamilial, doit tenir compte de la prévention des accidents, laquelle est aussi un enjeu d’éducation.
Par Alexandra Bersier-Balz et Carine Vuitel, collaboratrices scientifiques, Bureau de prévention des accidents, Berne
Escalader, courir, ramper, faire des roulades... La journée de beaucoup d’enfants s’apparente à une longue séance de gymnastique, et c’est très bien ainsi. Seules des possibilités d’activité physique variées permettent en effet de développer les compétences motrices de base et, avec elles, la santé physique, cognitive et sociale. Il est important d’encourager les enfants le plus tôt possible à bouger, car ils et elles font ainsi des expériences qui favorisent, peu à peu, une meilleure connaissance de leurs propres compétences, leurs limites et leur environnement.
Cependant, là où les enfants grimpent, courent, rampent ou font des roulades, il arrive de temps à autre qu’ils ou elles se blessent. Une activité ne peut exister sans risques et les accidents mineurs ne peuvent jamais être totalement évités. Si cela peut représenter une source d’insécurité pour les adultes, cela ne devrait néanmoins pas conduire à restreindre leur liberté de mouvement. C’est au niveau des accidents graves [1] qu’une attention particulière doit être accordée.
En effet, chaque accident grave impliquant un ou une enfant est un événement particulièrement tragique et douloureux, qu’il s’agit d’éviter coûte que coûte. Conscient de l’importance de cette mission, le BPA, Bureau de prévention des accidents, a placé la sécurité des enfants ainsi que des adolescentes et des adolescents au centre de ses préoccupations. Il s’engage donc à promouvoir concrètement des mesures de prévention comportementales et structurelles dans ses trois principaux domaines d’activité : la circulation routière, l’habitat et les loisirs, ainsi que le sport et l’activité physique.
Des acquis nécessaires à long terme
Si l’activité physique et l’entraînement de l’équilibre sont insuffisants durant l’enfance, de gros efforts seront nécessaires à l’âge adulte pour combler les déficits. Or, une bonne coordination et notamment un bon équilibre sont essentiels pour éviter les chutes, aussi à l’âge adulte. La promotion de l’activité physique chez les enfants revêt ainsi une grande importance dans une optique de prévention des accidents, et ce dès le plus jeune âge.
Prévention comportementale
Afin d’éviter les accidents, les mesures de prévention comportementale ont pour objectif d’influencer les actions des individus par le biais de l’information, de la formation, d’exercices et d’entraînements. Bien que le comportement humain puisse être optimisé, il est rare d’atteindre l’idéal. En raison de leur développement, les jeunes, et en particulier les enfants, ne sont pas encore capables de prendre des mesures préventives et d’éviter les situations dangereuses. C’est pourquoi le comportement de l’adulte responsable de l’enfant, qu’il s’agisse des parents ou des personnes qui l’entourent, se révèle également crucial en termes de sécurité.
Le BPA sensibilise les adultes qui s’occupent d’enfants aux précautions à prendre pour les protéger, notamment au travers d’initiatives telles que des courriers aux parents ou des recommandations accessibles en ligne [2]. Il offre en outre des formations aux multiplicatrices et aux multiplicateurs s’occupant d’enfants.
Compétences en matière de risques
Les compétences en matière de risques se composent de la prise de conscience des dangers et de la maîtrise de soi. Les enfants doté·es de telles compétences comprennent ce qu’ils ou elles peuvent accomplir dans des situations familières sans compromettre leur propre sécurité ni celle des autres. Grâce à l’apprentissage par la découverte, aux succès et aux échecs, les enfants découvrent peu à peu comment évaluer correctement les situations. Cultiver ces compétences est un processus progressif qui peut être encouragé par des expériences adaptées.
Il ne faut cependant pas confondre les compétences en matière de risques avec les compétences motrices. Les enfants moins agiles sur le plan moteur sont aussi en mesure d’évaluer une situation de manière appropriée et de (ré)agir de manière compétente face aux risques. À l’inverse, il est possible qu’un ou une enfant agile sur le plan moteur se surestime et prenne un trop grand risque.
Il est possible de favoriser les compétences en matière de risques en examinant avec les enfants de nouvelles possibilités d’activité physique, en leur montrant les dangers qui peuvent en résulter, ainsi que la manière dont ces derniers peuvent être contrôlés. En fixant des règles simples et claires, on peut ainsi enseigner aux enfants à gérer les risques. Si ceux-ci sont souvent thématisés, il devient très probable qu’au sein d’un groupe, les enfants se signalent mutuellement les situations qui semblent dangereuses.
Les compétences en matière de risques impliquent aussi d’agir de manière autonome et adaptée à ses possibilités. Il s’avère donc essentiel d’inculquer dès l’enfance le courage de prendre des décisions impopulaires, telles que refuser de participer à une activité encouragée par les pair·es. Les enfants doivent par ailleurs pouvoir puiser dans un répertoire de modèles de comportements adaptés pour être capables d’agir correctement dans des situations à risque modéré. Dans ce contexte, le matériel pédagogique « SafetyTool » [3] est conçu pour sensibiliser le personnel enseignant et les élèves à la prévention des accidents dans le milieu scolaire. Cet outil didactique et ludique couvre les principaux domaines d’accidents en fonction des différentes tranches d’âge des élèves.
Prévention structurelle
Les mesures de prévention structurelle portent sur la conception de l’environnement ou sur les infrastructures. Étant donné que les enfants sont en plein développement de leurs compétences en matière de risques, la prévention structurelle joue un rôle particulièrement important. L’enfant est appelé·e à reconnaître et à maîtriser les dangers inhérents à son environnement. La prévention des accidents et la sécurité jouent un rôle capital dans la planification, afin que les dangers soient identifiables et puissent être surmontés par l’enfant.
De nombreux dangers cachés, tels que des coins, bords et parties saillants et/ou des points de coincement de la tête peuvent être éliminés ou du moins atténués par des mesures techniques ou architecturales. Dans ce domaine, un vaste réseau de déléguées et délégués à la sécurité est actif auprès des communes. Ces personnes veillent par exemple à ce que les normes de sécurité soient respectées et à ce que la population soit informée des risques d’accident et des mesures de sécurité qu’elle peut prendre. Ce sont les interlocutrices et les interlocuteurs des autorités, des propriétaires immobiliers, des comités associatifs, des directions scolaires, des parents et bien d’autres personnes ou organismes.
Par ailleurs, sur mandat du SECO, le BPA exerce une activité de surveillance du marché et veille à la sécurité des produits mis en circulation en Suisse. Enfin, dans le cadre de son activité de conseil, des informations concernant les produits destinés aux enfants [4] sont émises.
Hauteur de chute, espaces de chute et surfaces d’impact
Les équipements d’activité physique peuvent être installés sans mesure de protection particulière s’ils ne font pas plus de 0,6 mètre de haut. Au-delà, des tapis amortissants sont à prévoir. Le risque de blessures graves augmente considérablement à partir de 1,5 mètre de chute. Limiter la hauteur de chute des équipements d’activité physique constitue donc une mesure simple et efficace pour éviter les accidents graves. Les espaces de chute et les surfaces d’impact doivent assurer une certaine protection aux enfants. De plus, il importe de maintenir les espaces de chute (idéalement d’une largeur minimale de 1,5 mètre) libres de tout obstacle, qu’il s’agisse de jouets, de cailloux, de personnes, ou autres.
Selon l’extrapolation actuelle du BPA (Status 2023), environ la moitié des accidents touchant les enfants dans l’habitat, durant les loisirs ou à l’école sont des chutes de toutes sortes. Les autres accidents incluent des collisions (avec des personnes ou des objets), des coupures et des membres coincés, qui peuvent donner lieu à des écorchures, des contusions, des écrasements et, dans les cas graves, des fractures ou des commotions cérébrales.
Le rôle de l’adulte au quotidien
La promotion de l’activité physique doit s’accompagner d’une réflexion sur la sécurité. Si les activités sont planifiées et organisées au préalable, les risques d’accident diminuent. Il est important dès lors d’évaluer la situation et de s’adapter en conséquence. Trois questions, à se poser en amont des activités, contribuent à une prévention efficace : que peut-il arriver ? Pourquoi cela peut-il arriver ? Comment cela peut-il être évité ?
La question des risques de blessures est très importante pour que les adultes puissent (ré)agir préventivement et de manière efficace. Elle doit guider leur attention et contribuer ce faisant à la prévention des accidents. Les activités susceptibles d’entraîner des blessures graves doivent être exclues dès le départ.
Afin d'éviter les accidents, on dénombre trois facteurs à prendre en considération. Premièrement, l’environnement, comme le matériel ou l’activité choisie. Deuxièmement, les enfants ou le groupe d’enfants : le risque d’accident encouru par chacun·e dépend largement de ses propres aptitudes, mais aussi de ses compétences en matière de risque. La dynamique de groupe joue aussi un rôle non négligeable. Troisièmement, la personne responsable influence la sécurité par son comportement, la qualité de sa préparation et de son organisation.
Si un accident peut survenir malgré une préparation rigoureuse et un encadrement adéquat, la préparation préalable, l’observation constante et l’évaluation a posteriori du moment vécu contribuent à améliorer la sécurité et à minimiser les risques d’accident grave. À tout moment, l’activité devrait être interrompue si les conditions ne répondent plus à son bon déroulement.
La question de la responsabilité
Si, malgré toutes les mesures de précaution, un ou une enfant a un accident, il peut y avoir des conséquences juridiques. Cela dépend des circonstances concrètes [5]. Les enfants doivent être protégés avant tout contre les dangers qu’ils n’identifient pas — ou que difficilement — et qui sont susceptibles de causer de graves blessures. Pour respecter le développement libre et individuel des enfants, la sécurité revêt ainsi une importance primordiale dans le cadre de la promotion de l’activité physique.
Attention particulière envers les enfants
Conformément à la Constitution fédérale, la prévention des accidents doit accorder une importance particulière à la protection des enfants. Ces jeunes personnes ne sont, en effet, pas encore capables de se comporter de manière responsable. Du fait de leur développement, les enfants ne perçoivent pas correctement les risques d’accident et ne réagissent pas toujours de manière appropriée dans des situations dangereuses. Ils et elles dépendent donc de la protection de la société. Les accidents graves impliquant des enfants engendrent des souffrances particulièrement grandes et peuvent avoir des conséquences tout au long de la vie. Le BPA a ainsi fait de la protection des enfants un de ses principes d’action.
Sources
- Schürch B, Thüler H, Baeriswyl S. Faire rimer activité physique des enfants et sécurité. Berne : Bureau de prévention des accidents BPA ; 2019. Documentation technique 2'082 du BPA
- Meile S, Eschmann C, Schmid R. Aires de jeux : conception et planification d’aires de jeux sûres dans l’espace public extérieur. Berne : Bureau de prévention des accidents BPA ; 2020. Documentation technique
- Niemann S, Achermann Stürmer Y, Ellenberger L, Meier D. Status 2023: statistique des accidents non professionnels et du niveau de sécurité en Suisse. Berne : BPA, Bureau de prévention des accidents ; 2023.
Lien vers la page du BPA contenant les documentations techniques « Faire rimer activité physique des enfants et sécurité », « Aire de jeu » et Status 2023, à télécharger ou à commander en version imprimée. Le site contient en outre de nombreuses pages dédiées à la prévention spécifique à certaines activités, comme les balance discs, les aires de jeux, ou des recommandations générales sur le Sport et loisirs avec les enfants. Des ressources sont destinées aux communes, ainsi qu'aux enseignant·es.
[1] Blessé·es graves et invalides : entraînant une absence de trois mois et plus, ou rente d’invalidité
[2] Voir la plateforme OUUPS
[3] Cet outil fait l’objet d’une réactualisation en 2024.
[5] Plus d’informations sur le devoir de garde et le devoir de surveillance
Lire également :
- Laura Beauverd, «L’équilibre, un sixième sens à choyer», REISO, Revue d'information sociale, publié le 1er juillet 2024
- Dominik Hugi, «Un parcours pour redonner goût au mouvement», REISO, Revue d'information sociale, publié le 6 mai 2024
Cet article appartient au dossier Sport et mouvement
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Alexandra Bersier-Balz et Carine Vuitel, «Enfance: faire rimer activité physique et sécurité», REISO, Revue d'information sociale, publié le 29 août 2024, https://www.reiso.org/document/13002