Quand les enfants et les jeunes s’ouvrent au monde
Comment sensibiliser les enfants de 5 à 13 ans à la solidarité internationale ? Un projet pédagogique a été développé dans les classes genevoises et des milliers de jeunes passent à l’action le jour de la Marche de l’espoir.
Par Michel Vacheron, bénévole à Terre des Hommes Suisse, membre du comité
Comment aborder avec des enfants de 5 à 13 ans les notions de solidarité internationale et de déséquilibre nord-sud ? Comment leur permettre, s’ils le souhaitent, de jouer un rôle actif dans ce domaine, de développer une ouverture au monde et de contribuer à l’instauration d’un monde plus équitable et solidaire ? Tel est le défi auquel Terre des Hommes Suisse (TdH) s’est attelée en organisant la Marche de l’espoir, persuadée que les graines semées durant l’enfance portent de beaux fruits à l’âge adulte.
Au fil de ses 23 ans d’existence, cette manifestation, qui a lieu le second dimanche d’octobre, a pris de l’ampleur, au point de devenir l’événement le plus important [1] de Suisse où des enfants manifestent concrètement leur solidarité avec d’autres enfants défavorisés. Le grand public ne connaît de cette manifestation que la partie visible : participation de près de 5000 enfants, nombreux public le long du parcours, ambiance festive et chaleureuse dans un cadre idyllique (au bord du lac Léman), animations qui mettent en valeur la culture d’un pays du Sud.
Mais derrière cette réalité immédiate, largement relayée par les médias locaux, il existe une importante logistique indispensable pour en assurer la réussite. Le cadre de cet article ne permet pas de détailler l’ensemble de cette infrastructure ; nous allons donc nous concentrer sur les actions de sensibilisation menées auprès des enfants.
L’intervention dans les classes primaires
Chaque année, la Marche de l’espoir met en évidence un pays, un partenaire de Terre des Hommes Suisse intervenant dans ce pays et un domaine d’action. En 2014, ce sera le Brésil, l’association Secoya qui agit au côté de communautés yanomami (un peuple amérindien) et le droit à l’éducation.
Une fois ces éléments déterminés (au moins une année à l’avance), une équipe constituée de professionnels et de bénévoles se met au travail pour réunir le matériel nécessaire, déterminer les grandes lignes de l’animation, produire les divers supports didactiques et mettre au point la formation des intervenants.
Il est vrai que l’enjeu est important puisque, durant les cinq semaines qui précèdent la Marche, ce sont près de 27’000 enfants qui sont sensibilisés ! En effet, grâce à la confiance du Département de l’instruction public genevois et de la grande majorité des enseignants, nos intervenants peuvent proposer aux classes de 2P à 8P qui le souhaitent une animation de 30 à 45 minutes (selon l’âge des élèves) sur la thématique retenue. Est également concerné un nombre toujours plus grand d’écoles privées, ainsi que certaines classes de 9e du Cycle d’Orientation.
Cette animation a pour but de sensibiliser les élèves, de manière interactive, à la réalité vécue par des enfants dans d’autres régions du monde et confrontés à un contexte souvent très différent, en mettant en évidence les aspects positifs de cette réalité, mais aussi les difficultés qui justifient l’intervention des partenaires de Terre des Hommes Suisse.
Le groupe de travail commence par rassembler un maximum d’éléments qui permettront de cerner, de manière la plus large possible, la réalité qui sera mise en évidence. Les sources sont diverses : notre partenaire, bien entendu, notre coordinateur national, nos divers contacts sur place et à Genève, les documents et sites internet pertinents. Puis commence un long travail de transposition didactique, qui consiste à rendre la situation accessible à des enfants de 5 à 13 ans, en retenant les éléments clés, en créant un fil rouge cohérent, en adaptant le langage au niveau de compréhension des élèves, en faisant en sorte que l’animation soit attractive et mobilisatrice. Un canevas de l’animation est ensuite élaboré, assez précis pour soutenir correctement les intervenants, mais aussi suffisamment ouvert pour que chacun puisse l’adapter à sa dynamique propre et à celle des diverses classes qui l’accueilleront.
Au fil du temps, nous avons constaté que, si les grandes lignes du message pouvaient rester les mêmes, quel que soit l’âge des élèves, il fallait adapter la forme de l’animation au niveau scolaire concerné. Ainsi, l’animation pour les élèves de 8-13 ans repose sur la projection d’images et de courtes séquences filmées, avec une place importante laissée aux questions et remarques des jeunes, dans des séances qui regroupent de 2 à 4 classes, alors que celle destinée aux plus jeunes concerne une seule classe et fait appel à du matériel concret que les enfants peuvent manipuler.
L’intégration du projet pédagogique
L’autre facette du travail de l’équipe concerne le recrutement et la formation des animateurs qui interviennent dans les écoles. Ces personnes, la plupart recrutées pour l’occasion, doivent disposer en pré-requis d’un solide bagage pédagogique, d’une connaissance de la réalité des pays en développement et d’une personnalité ouverte, capable de s’intégrer rapidement dans la dynamique de la Marche. Trois journées de formation intensive, dans lesquelles elles sont amenées à s’impliquer de manière active, accompagnées d’un travail personnel à la maison, leur permettent de disposer de tous les outils nécessaires pour réussir les animations dans les écoles. De plus, lors de leurs premières interventions, les animateurs sont coachés par les membres de l’équipe TdH qui s’assurent ainsi de la qualité des prestations et apportent un complément de formation personnalisé. Ces dernières années, un important renforcement de cette dynamique de formation a permis de créer un véritable esprit d’équipe entre les animateurs et les formateurs.
Concernant les animations elles-mêmes, il faut reconnaître que l’impact sur le moyen terme d’une intervention de 30 à 45 minutes est assez limité si elle ne s’inscrit pas dans un réel projet pédagogique. C’est la raison qui nous a conduits à créer un matériel pédagogique varié qui devrait permettre aux enseignants de poser quelques bases avant l’intervention, puis d’approfondir la thématique à la suite de celle-ci. Ce matériel consiste en une fiche pédagogique, distribuée gratuitement aux enseignants qui s’engagent à l’utiliser, comportant des exercices et des sujets de réflexion directement utilisable en classe, complétée de divers éléments qui figurent sur le site internet de la Marche et auxquels les enseignants et les élèves ont facilement accès : exercices complémentaires, galerie de photos, quizz, textes et renvoi à d’autres sites qui permettent une meilleure maîtrise de la thématique.
Ainsi, l’ensemble de ce matériel permet à l’enseignant ou à l’établissement scolaire qui le souhaitent d’inscrire l’animation dans un projet pédagogique qui correspond pleinement à certains objectifs du PER (Plan d’étude romand). Les enseignants trouvent sur le site de la Marche les références précises au PER, ainsi que la liste des 12 bonnes raisons de participer à la Marche.
De futurs citoyens activement solidaires
Ce processus est maintenant bien rôdé, mais le risque est grand de se contenter des acquis et de sombrer dans la routine. Au terme des interventions, un questionnaire détaillé est donc remis à chaque enseignant, qui permet de mettre en évidence les points forts et les faiblesses de l’intervention et de recueillir les suggestions pour l’améliorer. Cette « démarche qualité » crée une dynamique extrêmement positive au sein du groupe de travail, qui se sent stimulé à améliorer constamment la qualité de l’offre.
La Marche de l’espoir est devenu un événement incontournable de l’automne genevois. Les échos que nous en avons, tant des enfants que des enseignants et des parents, sont très positifs. Nous sommes persuadés que le fait de participer de manière active et responsable à une telle action de solidarité contribue à former de futurs citoyens qui contribueront à l’instauration d’un monde plus juste et plus respectueux des besoins de chacun.
[1] Par l’ampleur de la participation : 27’000 enfants sensibilisés dans les classes et environ 5000 jeunes et leurs familles le jour de la Marche.