Faire le lien favorise l’engagement des jeunes
Pour impliquer davantage les adolescent·e·s dans la vie de leur commune, le travail des professionnel·le·s chargé·e·s de faire le relais avec les collectivités publiques est essentiel. Une recherche éclaire ce pan peu étudié.
Par Dominic Zimmermann, adjoint scientifique, Institut de développement socioculturel, Haute école spécialisée, Lucerne
La grande majorité des études sur la participation des jeunes se concentre surtout sur les adolescent·e·s et les jeunes adultes ou sur le travail avec ce groupe cible. « Comment motiver ce public à participer ? » ou « quelles sont les structures de participation qui fonctionnent bien ? », sont les questions principalement abordées.
Pour éclairer un angle peu exploré, un projet mené à Lucerne, en coopération entre la Fédération suisse des parlements des jeunes et l'Institut de développement socioculturel, s'est penché sur les professionnel·le·s chargé·e·s de promouvoir la participation des jeunes dans les communes. Elle a étudié leurs besoins, leurs attitudes, leurs méthodes et leurs conditions de travail. Cela a mis en évidence des domaines peu considérés jusqu’ici, des travaux qui ne sont pas en contact direct avec les jeunes, mais qui se déroulent en arrière-plan.
Les résultats de cette étude scientifique, « Jugendpartizipation in der Gemeinde ermöglichen » [1], ont contribué à la publication d’une nouvelle brochure intitulée « Permettre la participation des jeunes dans les communes » [2].
Trois postures à adopter
Ce document s'adresse à des publics ouevrant pour la promotion de la jeunesse et dans la politique communale. Il présente certains des résultats de la recherche en utilisant l'image de différentes casquettes que les facilitateur·trice·s portent métaphoriquement.
La première de ces trois casquettes représente le travail de fond que les promoteur·trice·s effectuent dans leur commune. Celui-ci comprend la création des structures nécessaires et une compréhension partagée de la participation des jeunes dans la politique communale.
La deuxième casquette symbolise les animations effectuées directement avec le public cible. Il s’agit ici d’inciter les jeunes à participer, en créant des conditions aussi peu contraignantes que possible ou en reconnaissant et valorisant la participation déjà existante.
Enfin, la troisième casquette représente le travail de médiation. Celui-ci est nécessaire pour faire le lien entre le monde des adolescent·e·s et le système politico-institutionnel de la commune.
Chacune de ces trois postures fait appel à des compétences, sensibilités et attitudes différentes.
Pour mener l'étude, des animateur·trice·s et des délégué·e·s à la jeunesse, des politicien·ne·s communaux et d'autres personnes de vingt communes de Suisse alémanique, de Suisse romande et du Tessin ont été interviewé·e·s et intégré·e·s dans des groupes de discussion. Ces échanges ont mis en évidence que celles et ceux qui souhaitent promouvoir la participation des jeunes sont confronté·e·s à une série de tensions.
Processus administratif et réalité de terrain
Les résultats de l’étude indiquent que la promotion de la participation relève en grande partie d’une activité relationnelle. Celle-ci nécessite des ressources importantes de la part des adultes et des jeunes. Dans ce contexte, les facilitateur·trice·s sont confronté·e·s à différentes exigences et logiques. D'une part, le travail avec les adolescent·e·s et les jeunes adultes doit être à bas seuil et relativement ouvert. Il ne peut souvent impliquer que des obligations limitées. D'autre part, les processus administratifs et politiques des communes se caractérisent par une formalisation et un caractère obligatoire plus prononcés, ce qui tend à les éloigner de la réalité des adolescent·e·s.
Pour répondre à ces multiples contraintes, les personnes chargées de la promotion doivent servir d'intermédiaires entre les différentes réalités, ce qui requière d’importantes ressources.
Alors que tout va très vite dans la vie des adolescent·e·s et que les résultats des projets de participation sont rapidement visibles, le travail des autorités communales s’étale souvent sur des périodes plus longues, ce qui peut limiter la marge de manœuvre à court terme. Pour y remédier, les facilitateur·trice·s essaient, en contact direct avec les acteur·trice·s compétent·e·s des communes, d'accélérer les processus administratifs tout en expliquant aux bénéficiaires pourquoi les démarches prennent du temps et en les motivant à rester dans le coup.
Favoriser l’autodétermination
Les facilitateur·trice·s sont au clair sur les objectifs des projets de participation qu'ils·elles accompagnent. Par contre, les politicien·ne·s n’ont pas forcément les mêmes attentes que les jeunes.
Les personnes interviewées ont ainsi expliqué que pour compter sur une vraie participation, il est essentiel de placer les jeunes au premier plan et de les préserver d'une trop forte ingérence ou d'une instrumentalisation par les édiles. Il s’agit de défendre leur autonomie, leur garantir qu’ils·elles peuvent choisir et créer leurs propres formes d'action.
Trop souvent, seul·e·s les adultes décident de la manière dont les personnes concerné·e·s devraient participer à la vie publique. Ils·elles créent fréquemment un conseil des jeunes et imposent des procédures formelles. Une telle structure risque d'être trop éloignée de la vie des adolescent·e·s et d'être trop exigeante pour une majorité de la jeunesse. En revanche, si les jeunes peuvent décider eux·elles-mêmes de la forme de leur engagement dans la commune, ils·elles adoptent plus souvent des cadres informels ou plus directs. Cela s’est constaté par exemple dans la réalisation de stations de recyclage par de adolescent·e·s à Lenzburg, en Argovie.
Ainsi, les facilitateur·trice·s doivent veiller à ce que la participation des jeunes ne se limite pas à une implication politique formelle.
Par ailleurs, pour éviter de trop grandes déceptions, les personnes en charge de la facilitation doivent signaler suffisamment tôt à tou·te·s celles et ceux qui sont impliqué·e·s les éventuelles limites de la participation.
Enfin, les critères de réussite sont à mesurer davantage à la qualité du processus, plutôt qu'à celle des résultats. Le nombre de participant·e·s n’est pas l’unique paramètre à prendre en compte.
Établir des réseaux engagés
Pour que cela fonctionne, il s’avère nécessaire de mettre en place, au sein de l’entité politique, des réseaux destinés à aborder les préoccupations des adolescent·e·s. Ceux-ci peuvent prendre la forme de tables rondes mensuelles ou de chats internes à la commune, comme le fait déjà l'une de celles impliquées dans l'étude. Cet échange régulier favorise la sensibilisation des acteur·trice·s important·e·s à la participation des jeunes.
Cette amélioration du flux d'informations permet également aux facilitateur·trice·s d'être impliqué·e·s suffisamment tôt dans des développements potentiellement importants et de disposer de temps pour préparer des processus participatifs. La promotion de la participation des jeunes devient ainsi une tâche transversale.
Commencer à petite échelle
En principe, la participation des adolescent·e·s est connotée positivement dans le discours social. De ce fait, son utilité est facile à démontrer, par exemple, par la promotion de la relève pour le système de milice, central en Suisse.
Néanmoins, pour lancer la participation des jeunes dans l’espace public, il convient de débuter par des événements spécifiques et concrets. Il peut s'agir de les impliquer dans une procédure de planification pour la transformation d'un bâtiment scolaire ou dans l'organisation d'un événement important, entre autres. De tels projets pilotes se révèlent souvent nécessaires pour obtenir des premières ressources de la part de la commune.
Ces premières expériences sont alors susceptibles de convaincre les individus sceptiques de l'administration et de la politique communale. Cela aide à constituer la base d’une institutionnalisation ultérieure.
Lors d’un entretien de recherche, un délégué à la jeunesse de Suisse romande a indiqué : « Cela m'aide beaucoup d'entendre que la promotion de la participation des jeunes n'est pas seulement une animation socioculturelle, mais aussi nécessairement une animation des politiciens et des membres des autorités communales. Je dois expliquer cela dans ma commune, afin d'obtenir finalement les ressources nécessaires pour les autres domaines de travail de la promotion de la participation ». Cette remarque démontre que la participation des jeunes dans la commune n'est pas seulement une question de travail réussi avec les concerné·e·s. Elle est aussi un travail réussi avec les politicien·ne·s, les directeur·trice·s d'école, les jardinier·e·s municipaux·ales ou les responsables de la voirie. Un constat qui devrait favoriser une autre allocation des ressources.
[1] Zimmermann, Dominic; Schmutziger, Alina. « Jugendpartizipation in der Gemeinde ermöglichen : Forschungsbericht », LORY, Lucerne Open Repository (Novembre 2021).
[2] Fédération Suisse des Parlements des Jeunes. « Permettre la participation des jeunes dans les communes: Coup d’œil sur la pratique : les défis et les facteurs de réussite de l’enabling de la participation des jeunes dans les communes » (Janvier 2022)
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Dominic Zimmermann, «Faire le lien favorise l’engagement des jeunes», REISO, Revue d'information sociale, publié le 11 juillet 2022, https://www.reiso.org/document/9283