Des mesures concrètes contre l’homophobie
Deux ans après les Premières Assises contre l’homophobie à Genève, une série d’initiatives intéressantes ont vu le jour dans les écoles et les administrations. Mais les mesures concrètes sont encore timides.
Par Delphine Roux, coordinatrice du suivi des assises genevoises contre l’homophobie
Les services de l’Etat et de la Ville, les associations lesbiennes, gaies, bi et trans (LGBT) et les autres organisations œuvrant dans les domaines de la jeunesse, du social ou des droits humains, tous les acteurs présents en 2009 lors des premières Assises contre l’homophobie à Genève, se sont retrouvés le mercredi 5 octobre 2011 à Uni Dufour pour présenter et discuter les mesures mises en place durant l’intervalle. La Journée de Suivi a compté près de 200 participant-e-s et plus de 30 intervenant-e-s.
Homophobie et éducation
Depuis 2009, le Service de Santé de la Jeunesse a mis en place une formation continue pour les éducateurs et le personnel de la santé. Il a également rappelé sa volonté d’inclure la diversité sexuelle lors des cours d’éducation sexuelle au cycle d’orientation et dans le post-obligatoire.
Côté associatif, Dialogai a présenté un premier bilan de son Réseau d’Alliés, un ensemble de personnes sensibilisées aux questions LGBT dans les écoles, soulignant la très grande variabilité d’accueil et de mise en œuvre du projet dans les établissements, en l’absence de directive claire de la part de la direction du DIP.
Les organisations de parents d’élèves (FAPECO) ont assuré l’auditoire de leur plein soutien aux initiatives engagées, rappelant toutefois la nécessité pour elles de distinguer « apprentissage de la sexualité » et « sensibilisation au respect de la différence ».
Les enseignants, à travers la FAMCO, se sont montrés également très ouverts, même si certains témoignages ont fait état des difficultés rencontrées quand surviennent des cas concrets de discrimination et de souffrance, notamment le manque de ressources à disposition dans les écoles et la crainte d’une réaction négative de la part des directions d’établissements.
Charles Beer, magistrat en charge du Département de l’Instruction Publique (DIP), a présenté la circulaire qui vient d’être envoyée aux directions générales de l’enseignement primaire, du cycle d’orientation et du post-obligatoire. Cette circulaire rappelle clairement l’attachement du DIP à la lutte contre l’homophobie, d’ailleurs inscrite dans les objectifs de la magistrature en cours. M. Beer a également réitéré son soutien au Réseau des Alliés dont il a dit vouloir faire une des priorités de son département et rappelé la création d’un poste d’attachée aux questions d’homophobie et de diversité cofinancé par les Etats de Genève et de Vaud.
Joaquim Dolz, président de la Section des Sciences de l’Education de l’Université de Genève, et Bernard Schneuwly, directeur de l’Institut Universitaire de Formation des Enseignants, ont rappelé la nécessité d’inclure une sensibilisation aux thématiques LGBT dans les programmes de formation, initiale et continue, des professionnel-le-s de l’éducation et ont assuré de leur soutien, sans toutefois proposer de mesures concrètes.
Yann Boggio, secrétaire générale de la FASe, s’est montré plus précis en proposant que, dans chaque équipe d’animation socio-culturelle, une personne soit formée sur les questions LGBT, assurant la continuité des compétences de la FASe en la matière.
Le service des sports, par la voix de son magistrat Sami Kanaan, s’est également engagé à prendre des mesures, sans toutefois préciser lesquelles.
Elisabeth Thorens-Gaud, nouvelle attachée aux questions d’homophobie pour les cantons de Genève et de Vaud, a annoncé le lancement d’une plateforme Web, réalisée par et pour les jeunes à la recherche d’informations sur les thématiques LGBT. Par ailleurs, le premier prix du concours d’affiches contre l’homophobie organisée par son association Mosaic-info fera l’objet d’un affichage public dans les rues de Genève et Lausanne. Les quinze affiches finalistes seront visibles dans une exposition itinérante qui parcourra les universités, puis les établissements scolaires de l’Arc lémanique. Cette exposition sera accompagnée de matériel pédagogique.
Les associations Lestime et Dialogai et l’organisation nationale LGBT Youth Suisse ont présenté des actions concrètes pour l’éducation aux effets de l’homophobie sur la santé des jeunes LGBT dans les Ecoles de Culture Générale, d’une part, et pour promouvoir la solidarité participative auprès des jeunes -LGBT ou non-, d’autre part. Les associations nationales Familles Arc-en-ciel et Transgender Network ont évoqué quant à elles des aspects parfois méconnus ou négligés de l’homophobie : le rejet des enfants issus de familles homoparentales et la discrimination des personnes transidentitaires.
Sandrine Salerno, magistrate en charge du Département des finances et du logement, a rappelé l’engagement de la Ville de Genève dans la lutte contre l’homophobie, notamment à travers l’Agenda 21, et annoncé la mise au budget 2012 d’un poste de chargé-e des questions LGBT.
La question des droits humains
Fabienne Bugnon, directrice générale de l’Office des Droits Humains, a présenté les résultats de son audit des services de l’Etat. Devant le peu de cas d’homophobie et de transphobie rapportés, elle a mentionné l’idée, émanant du Département de l’Instruction Publique (DIP), de la diffusion d’un questionnaire anonyme qui permettrait de récolter des informations plus fiables. Elle s’est félicitée de la récente tenue d’une journée d’information et de sensibilisation aux discriminations, avec l’intervention de Joëlle Rochat, coordinatrice de Lestime, sur les problématiques homophobe et transphobe, ainsi que la promotion de la Charte de la Diversité signée par l’Etat.
La cheffe de la Police genevoise Monica Bonfanti, accompagnée du vice-président de l’association de policier-ière-s LGBT Pink Cop, Petrik Thomann, a dressé un constat nuancé des violences à l’égard des homosexuel-le-s, s’interrogeant sur les chiffres plutôt modestes dans notre canton en regard de l’augmentation constatée partout ailleurs dans le monde. Elle a rappelé que les plaintes pouvaient lui être adressées directement par courrier, ainsi qu’au procureur général, sans passer par les bureaux de la police.
De son côté, Marguerite Contat-Hickel, co-présidente de l’Assemblée Constituante, a rassuré l’auditoire en annonçant la réintégration du principe de non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle dans le projet de nouvelle constitution genevoise, en ajoutant toutefois que l’identité de genre n’y figurerait vraisemblablement pas.
Quelques points négatifs
Si la journée a été riche en initiatives heureuses, plusieurs points négatifs ont tout de même été soulevés par de nombreux intervenants. Philippe Scandolera et Catherine Gaillard, co-présidents de la Fédération genevoise des associations LGBT, ont ainsi fustigé, dans leur discours d’ouverture, la lenteur administrative et la difficulté d’obtenir les soutiens financiers promis, l’obstruction de certains services et l’aspect aléatoire de leur coopération, laissée au bon vouloir des personnes en l’absence de directives claires de la part des plus hauts niveaux hiérarchiques. Les acteurs de terrain et les responsables associatifs ont parlé d’innovations timides et lentes, trop souvent uniquement individuelles ou lancées sans concertation avec les organisations LGBT. Enfin, Caroline Dayer, chargée de résumer cette journée a rappelé la nécessité de travailler davantage avec les associations et de fédérer les expertises à tous les niveaux d’élaboration des projets.