Avec appareil photo et stylo, aller vers l’autre
Entrer en lien : c’est l’expérience à la fois personnelle et sociale vécue par les étudiant·e·s d’un module de formation en travail social à Genève. Aleksandr Thibaudeau et Denis Huc ont permis à REISO de montrer ces portraits en images et en mots.
Une simple consigne a été imposée aux étudiant·e·s de la Haute école de travail social · HETS · Genève dans le module « Outil de médiation photo » 2014-2015 : utiliser une focale fixe standard à ouverture constante. Cette contrainte pédagogique et artistique incite le·la photographe à aller « chercher » son sujet, à se déplacer vers lui et à établir une relation de confiance. Cette focale de prédilection des photographes humanistes comme Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Willy Ronis interdit de « voler » une photo ou de tricher avec un zoom.
Dans ce module de médiation photo, les étudiant·e·s ont appris à repérer les fonctions, les usages sociaux et la place de la photographie dans le champ du social. Ils ont mis en œuvre les conditions favorables pour que les personnes photographiées, citoyen·ne·s, usager·ère·s, accèdent à une position d’acteur et d’actrice de changement. Dans leur démarche, ils ont aussi expérimenté une façon de renforcer l’estime de soi des hommes et des femmes avec lesquels ils travaillent ou travailleront. Le portrait comporte une photo accompagnée d’un texte qui met le sujet en mots avec sa personnalité et son parcours. Ces deux approches s’enrichissent l’une l’autre pour véhiculer un fragment d’humanité ou un récit de vie. Des histoires qui racontent les migrations, les minorités opprimées, l’interculturalité et de très belles facettes de notre société contemporaine.
- Contacter les enseignants : Aleksandr Thibaudeau, DEL-UKS, info (at) del-uks.com, et Denis Huc, HETS, denis.huc (at) hesge.ch, qui ont aimablement obtenu les droits pour cette reproduction des photos et des textes dans la revue REISO
- Une exposition de ces portraits a eu lieu en 2015 dans le hall de la HETS Genève.
Silvana : « Le cimetière n’est pas un endroit sombre pour tous. »
Silvana et Louis se sont rencontrés à Arezzo en Toscane. Silvana a quitté sa famille, ses amis et son travail de couturière pour venir s’établir en Suisse et rejoindre Louis qui était typographe. Ensemble, ils ont élevé Gabriel. Louis ne voulait pas que Silvana travaille, elle devait s’occuper de la maison ainsi que de leur enfant. Ne parlant qu’italien, c’est son fils qui lui a appris la langue française.
Lorsque mon grand-père est tombé malade et qu’elle ne pouvait plus le prendre en charge seule à la maison, il a séjourné dans différents EMS. Chaque jour de l’année, Silvana se rendait sur ce nouveau lieu de vie et le promenait pendant des heures, lui donnait à manger et s’occupait de sa chambre. Quand il est mort, mon grand-père Louis a été enterré au cimetière Saint-Georges à Genève. Depuis lors, les samedis de Silvana sont consacrés à ses visites au cimetière, une sorte de retrouvailles entre elle et son époux. En entretenant sa tombe, elle lui rend hommage. Même s’il est toujours présent dans ses pensées, la pierre tombale est une des seules choses qui lui reste de son époux.
On parle souvent des stéréotypes ou des préjugés qui touchent des personnes mais il y en a aussi sur des objets ou des endroits. Le cimetière n’est pas un endroit sombre pour tous. La tombe fait un peu office d’outil de médiation, elle permet aux personnes en deuil de maintenir un lien avec leurs proches décédés.
Marine Pasquier
Andrada : « Avant, j’apprenais sous les ponts ou dans l’abri. Maintenant, c’est à l’école ! »
Notre rencontre a eu lieu dans l’abri de protection civile de Richemont (GE). Elle y est bénéficiaire et j’y suis travailleuse sociale. Andrada fait preuve d’une grande ténacité : une étiquette de gel douche à déchiffrer, un règlement affiché au mur pour enrichir son vocabulaire, etc. Elle attend patiemment que je sois libérée de mes tâches (vers minuit) pour poursuivre son apprentissage du français : conjugaison, grammaire, tout y passe.
A la fin de l’hiver, elle me raconte son arrestation par la police pour mendicité. « Gardez-moi aussi longtemps que vous voulez, mais laissez-moi aller à mes cours de français. » Interpellés par cette requête, les policiers lui demandent de raconter son histoire. « J’ai tout raconté. La Roumanie, la rue, la mendicité, mon ex et mon fils. J’ai même porté plainte contre mon ex pour tout ce qu’il m’a obligée à faire. » Les agents la conduisent dans un foyer.
Andrada farfouille dans son sac pour en sortir un bien précieux, son classeur d’école. Elle le tient comme un trésor et fait défiler les pages pour me montrer tout ce qu’elle apprend. Elle est intégrée dans une classe du service de l’accueil post-obligatoire pour quinze jeunes âgés de 16 à 19 ans. Elle s’y rend cinq fois par semaine. Elle m’emmène là où elle a dormi de nombreux mois. « Ça, c’est l’entrée » ironise-t-elle avec simplicité. L’avenir, elle y croit. « Travailler dans un supermarché comme caissière, puis un jour dans une association pour pouvoir aider à mon tour. »
Cécile Dubée
Joëlle : « Cette balade, c’est le moment de la semaine où je me sens vivre. »
Joëlle M. a 29 ans. Après un Master en biologie à l’Université de Genève, elle effectue actuellement un complément de mathématique pour obtenir le diplôme qui lui permettra d’enseigner ces deux branches dans le secondaire.
Depuis quelques années, comme une sorte de rituel : elle fait une sortie tous les dimanches. Promenade dans les bois, tour à vélo, balade au bord du lac ou encore séance en rollers : elle insiste lourdement auprès de son époux afin qu’ils « ne gâchent pas leur dernier jour de week-end ». La Gavotte à Plan-les Ouates est un lieu qu’elle apprécie particulièrement, avec des animaux de campagne à moins de 20 minutes de marche de chez eux.
Joëlle n’a pas eu un parcours post-académique de tout repos : après avoir décroché son master, elle a essuyé refus et échecs lors de toutes ses postulations. La recherche en biologie est un domaine très sélectif et son arrivée sur le marché du travail s’est faite lors du licenciement de nombreux employés de la firme Merck Serono. Elle était en concurrence avec des centaines de professionnels expérimentés. Cette balade, c’est le moment de la semaine où elle ne se laisse pas envahir par le stress du travail où l’angoisse des examens.
Snoussi Laddi
Dina : « Je souris à la vie même si elle n’a pas toujours été facile. »
« Je suis née en Italie en 1929 dans un petit village. J’ai grandi dans une famille aisée avec mon frère et ma sœur. Quand la guerre a éclaté, je n’avais que 10 ans. Se nourrir était un problème, aller à l’école était presque impossible sans parler de la douleur des familles qui perdaient un fils, un père, un mari.
Après la mort de mon frère en 1950, ma cousine m’a proposé de venir travailler avec elle à l’hôtel Richemond en tant que lingère. J’ai accepté sur le champ. Vivre à Genève n’était pas facile, j’essayais de m’intégrer mais la discrimination était très présente. En 1954, j’ai fait la connaissance de mon mari, Giancarlo. Une année après, nous avons eu notre premier fils : Pierangelo, puis deux filles : Silvana et Roberta. Le travail de mon mari était difficile. Il travaillait sur les chantiers dans la boue et l’humidité. Il est tombé malade mais continuait de travailler tous les jours malgré les médecins qui lui conseillaient le repos. Nous voulions repartir et faire notre vie en Italie. Tout était prêt. Malheureusement, en 1982, mon mari est décédé à l’âge de 54 ans.
Je ne suis pas rentrée vivre en Italie. Je me rappelle de mes balades au coucher du soleil avec mon mari et des souvenirs que j’ai partagés avec lui ici à Genèe. J’ai pris la même photo il y a cinquante ans avec lui, au même endroit. Je ne regrette rien, j’ai souri à la vie même si elle n’a pas toujours été facile. Sourire à la vie… Voilà le secret d’une vie belle et épanouie. »
Lisa Moschella
Émilie : « Maintenant, c’est une de mes plus grandes forces »
À l’âge de 13 ans, Émilie a remarqué qu’une quantité importante de cheveux tombait lorsqu’elle se coiffait. Rapidement, des plaques de peau nue sont apparues sur son crâne. Quelques mois après, il lui a fallu se résoudre à raser le peu de cheveux qui lui restaient et à porter une perruque.
« Au début, je ne voulais plus sortir de la maison, je voulais rester là et que les gens ne me voient plus. À 15 ans, c’est plus joli pour une fille d’avoir les cheveux longs, c’est un peu le but. Tout le monde juge sur les cheveux des autres. Ce qui est dur ce n’est pas la maladie, c’est le regard des autres. Je me suis sentie jugée tout le temps ces trois dernières années. Si quelqu’un me le dit vraiment en face, je lui réponds : « Ben écoute, j’ai une maladie, je suis désolée que ça te gêne. » Pendant longtemps, j’ai été en colère contre tout le monde et tout le monde l’a ressenti. Puis je me suis dit que je devais vivre avec et en faire une force.
Maintenant, je suis un peu fière, quand même. J’ai réussi à me dire que, ma foi, c’était la vie et ça m’a rendu plus forte. Ça m’a fait grandir peut-être plus vite que les autres mais au moins, ça m’a fait me rendre compte de ce qui peut se passer dans la vie et ça m’a rendue plus mature. Si, demain, je re-perds mes cheveux ? Je me lève, je reprends une perruque et je re-continue. »
Cécile Poulaillon
Hélène : « C’est une maladie qui ne se voit pas. »
« Au début de ma première grossesse, en 1989, j’ai demandé une consultation car je venais d’apprendre que ma sœur aînée était atteinte de la maladie de Steinert. A l’époque, les médecins supposaient que j’étais porteuse de ce gène mais à un degré non défini et je voulais savoir si cela avait des conséquences pour le futur bébé. Les symptômes de cette affection héréditaire sont plus ou moins forts : d’une simple cataracte à la perte totale de force et une grande probabilité de se retrouver en fauteuil roulant. C’est ce qui est arrivé à ma sœur et à mon frère qui sont décédés à 58 et 45 ans.
Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai décidé d’emmener mes enfants à une nouvelle consultation génétique afin de savoir où en était la recherche. Bien qu’il n’y ait aucun moyen de guérison, une prise de sang permet aujourd’hui de connaître le degré d’atteinte. J’ai appris que mes deux enfants sont porteurs du gène mais heureusement à un faible degré.
Aujourd’hui, ma plus jeune sœur, la dernière qu’il me reste, commence à avoir des pertes d’équilibre de plus en plus fréquentes. De mon côté, pour l’instant, à part un problème de cataracte, je n’ai eu aucun autre symptôme. J’espère que cela continuera ainsi pour moi et que mes enfants n’auront pas de problèmes plus graves plus tard car je ne veux pas laisser la maladie prendre le dessus. Elle a déjà fait trop de dégâts dans la vie de ma famille. Je souhaite également que la recherche progresse. »
Daniel Valente
Anna : « J’aimerais retrouver les gestes et les aptitudes d’antan. »
Mon premier souvenir d’Anna date d’il y a 8 mois : une femme souffrante, avançant assise sur un tabouret et refusant de l’aide, déterminée. Au cours des semaines, nous nous sommes apprivoisées ! Après son « truc », Anna a dû s’installer avec trois autres femmes dans un appartement protégé dont je suis la référente dans le cadre de mon travail.
Elle est fine, sensible et bienveillante pour la maisonnée et les visiteurs. Fidèlement assise sur sa chaise à la table de la cuisine, sa journée se passe là. Avec une volonté sans faille, Anna a entrepris un immense travail : dompter son corps afin de retrouver les gestes et les aptitudes d’antan ; réapprendre à s’exprimer ; mettre de l’ordre dans son esprit. Un travail rigoureux, consciencieux et de longue haleine. Depuis des mois, elle écrit méthodiquement la suite des nombres, sur des feuilles à carreaux avec un stylo. « Complétement inutile », me dit-elle, malicieuse ! Pas tant que ça, me dis-je ! Petit à petit, sa main forme des chiffres de plus en plus domptés. « Quand je serai arrivée à mon but, j’arrêterai et je mettrai tout à la poubelle. » Ensuite ? « Je commencerai à écrire des mots… »
J’ai pensé sans hésiter à Anna pour ce projet photo : à ma grande surprise, elle a tout de suite accepté d’être mon modèle. J’ai rêvé un instant d’un portrait d’elle dans le hall de la Haute école de travail social à Genève, au milieu du monde, parmi les autres projets afin de lui donner une chance d’être vue « après son truc » !
Corine Wild-Martin
Noémie : « La musique fait partie de ma vie. »
La musique est en mouvement, la photographie reste statique ; ils s’opposent mais sont tous deux des outils de communication. Le reflet de son visage dans le piano symbolise l’émotion qu’elle transmet à travers son instrument. Noémie a 18 ans, cela fait maintenant dix ans qu’elle a découvert la passion du piano. Dans sa famille, tout le monde joue d’un instrument : son frère aime le saxophone, sa sœur ainsi que sa maman jouent du piano et chantent, son père joue de la trompette.
Elle aime jouer du piano à n’importe quel moment, pour se détendre ou se défouler. Lors de périodes de stress, avant un examen, concert ou audition, il lui arrive de jouer sur un piano imaginaire pour se mettre en confiance et réviser une dernière fois ses notes. Elle a peu confiance en elle et n’aime pas forcément jouer en public. Collégienne, le temps lui manque parfois pour travailler ses gammes. Les relations qu’elle partage avec les autres élèves de son cours de piano sont magnifiques car, en plus de l’amitié, ils partagent une même passion.
Le piano fait à présent partie de sa vie, elle en a même fait le sujet de son Travail de Maturité au Collège qui a consisté à composer une méthode pour apprendre les bases du piano. Co-écrite avec une amie pianiste, leur méthode de piano s’inspire des livres existants auxquels elles ont ajouté leur touche personnelle. Elles ont composé elles-mêmes les mélodies de leur méthode ainsi que les exercices. Noémie ne sait pas encore si elle en fera son métier.
Maeva Cazorla
Daniel : « Ces montagnes signifient toutes les difficultés de notre vie. »
« Mon histoire commence à ma naissance. Ma maman m’a d’abord abandonné mais est finalement revenue me chercher à l’orphelinat, mais sans mon père. Je ne l’ai jamais connu. J’ai grandi seul avec ma maman qui n’était pas très présente. Elle travaillait beaucoup. J’ai été livré à moi-même et j’ai appris à me débrouiller seul. Même si ma maman a toujours fait ce qu’il fallait pour moi, ce n’était pas toujours facile. Notamment quand il s’agissait de l’école. Et puis j’ai rencontré ma femme à 17 ans. Nous étions très jeunes. Nous avons grandi ensemble et, avec le temps, son père a pris la place du mien je pense.
Ma femme m’a soutenue dans les cours du soir que j’ai suivis avec mon beau-père. Je l’en remercie aujourd’hui : grâce au diplôme obtenu, j’ai pu créer mon entreprise de monteur électricien. Ma femme s’occupe de la comptabilité. Voilà, la famille de ma femme est devenue ma famille également.
Même si je me demande qui est mon papa, je n’ai jamais essayé de le retrouver. Mes filles sont curieuses de savoir d’où elles viennent mais, malheureusement, nous n’avons aucune information sur lui. Ma mère est décédée il y a dix ans. Nous n’avons aujourd’hui plus aucun moyen de savoir qui est mon père et d’où il vient. »
Christelle Lefèvre
Delphine : « La danse m’apporte l’équilibre et un sentiment de fierté personnelle. »
Delphine a commencé la danse classique à l’âge de 6 ans puis s’est initiée à d’autres styles d’abord en Valais, puis à Genève. En 2014, l’école de danse genevoise a fermé ses portes et Delphine a dû trouver un autre emploi en tant que professeure. Elle travaille aujourd’hui en tant qu’indépendante dans deux écoles à Nyon et à Genève. La danse ne lui suffisant pas à gagner sa vie, elle a également occupé différents postes notamment dans le secrétariat et l’administration. Elle remplace actuellement un poste de conseillère aux études suppléante au sein de l’Université de Genève.
La danse représente beaucoup pour elle, la stabilité en premier lieu. C’est également un exutoire, une possibilité pour elle de se décharger de son stress et de ses soucis. Elle y puise de l’énergie qui l’aide à gérer son quotidien. La danse lui procure aussi une dimension artistique. Grâce à cette activité, Delphine a développé un sentiment de fierté personnelle. Elle se sent sûre d’elle et de ses compétences, notamment pédagogiques. Ce sentiment est appuyé par le fait que certains de ses élèves suivent ses cours depuis douze ans.
Aude Rosselet
Leen : « Je veux réveiller les consciences. »
Qui mieux que Céline pour parler de son histoire, après moult échanges autour d’une bière, d’un sirop ou d’une deuxième bière, voici ce qui pourrait en ressortir.
« J’ai choisi aujourd’hui d’en faire la priorité de ma vie, après une dizaine d’années dans le social en parallèle, et une indépendance de vie prise très jeune. Partageant mon temps avec différentes populations que les gens ne préfèrent pas voir, misant sur le fond plus que la forme, j’ai décidé de prendre des risques au travers des clichés véhiculés par cette musique dont je me sers pour dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Je tente de me démarquer des stéréotypes et de dénoncer des injustices, à l’inverse de la femme-objet, je veux réveiller les consciences. Afin de me canaliser, j’écris et j’apprends à allier franchise et diplomatie avec une pointe de sarcasme, pour dénoncer une forme d’hypocrisie. J’espère de tout cœur que la génération future se servira de la technologie et de cette liberté d’expression, tant qu’on le peut, car le savoir est une arme… accessible qu’à une minorité ».
Leen C est une femme, chanteuse de rap, suisse, qui œuvre dans son quotidien pour celles et ceux qui peine à trouver une place dans notre société. Que ce soit lors d’atelier de libre expression ou de cours d’autodéfense, de boxe chinoise, elle vit les maux de notre société en leur cœur et offre des moments de répit à ceux qui viennent la voir, qui l’appellent, qui la suivent ou qui comptent sur elle.
Sandrine Fleuret
Silvain : « Le sport, c’est bon pour l’estime de soi. »
C’est son meilleur ami qui lui a fait découvrir ce sport. Au départ, ils jouaient à l’école pendant les récréations. Tous deux voulaient s’inscrire dans un club mais ils étaient trop timides pour s’y engager seuls. Ensemble, cela devenait possible. Ils se sont inscrits au club de Versoix, à l’âge de 8 ans.
Ce sport aide Silvain à surmonter sa timidité car la communication est essentielle pour avoir un bon jeu d’équipe. « Au basket, on apprend à être ouvert et attentif aux autres. On est uni. On est une équipe, on ne fait qu’un et c’est pourquoi chaque joueur compte. Si un joueur a des soucis, c’est toute l’équipe qui en pâtit. Cela enseigne à chacun à accepter les erreurs des autres, à être plus tolérant mais aussi à s’enrichir de leurs conseils et leurs critiques. » Le sport lui permet de se vider la tête, d’évacuer son stress et ses problèmes.
« C’est bon pour l’estime de soi. Malgré les nombreux affrontements physiques durant les matchs, les joueurs ne sont pas pour autant agressifs. Il y a énormément de fair-play et de respect sur le terrain mais également de la part des spectateurs. » Silvain explique que son équipe est comme une seconde famille pour lui. À force d’être avec ses coéquipiers et de vivre des moments intenses avec eux, une forte complicité s’est créée. Il garantit d’ailleurs qu’il n’y a que sa propre famille qui passe avant ses entraînements ou ses matchs.
Sarah Zumstein
Pierre : « Passe ton bac d’abord ! »
Dans 6 mois, Pierre quitte le lycée. Il vient de fêter ses 18 ans. Il prépare un dossier d’entrée pour EMLYON Business School, à Saint-Etienne, en France. Après un séjour aux USA, il veut poursuivre avec des études bilingues français et anglais et un double diplôme franco-américain.
Pierre a besoin de créer, d’inventer, d’imaginer, me dit-il, les yeux qui pétillent, en bougeant les doigts, comme pour mimer la fabrication de quelque chose. C’est pour cette raison qu’il choisit le management. La dernière année d’étude, il veut se spécialiser en sociologie, c’est ce qu’il aime. Mais on lui a dit qu’il n’y avait pas de débouché dans cette discipline. Alors il a réfléchi. Il est allé dans des forums d’étudiants et à des portes ouvertes d’écoles.
L’histoire de Pierre est ordinaire. C’est l’histoire d’un jeune à qui la société dit qu’il n’y a pas de boulot après les études, de toute façon. L’histoire d’un jeune qui révise pour le bac, un diplôme dont on lui dit qu’il n’a pas de valeur, de toute façon. C’est l’histoire de plusieurs milliers, de centaines de milliers de jeunes chaque année. C’est l’histoire de millions de jeunes chaque année dans le monde qui sont projetés dans un avenir qu’ils doivent construire, comme ils peuvent avec les moyens qu’ils ont. Avec leurs 18 ans.
Et cette année, c’est aussi l’histoire de Pierre, mon frère.
Magali Bonnet
Pétri : « Je rencontre les habitants du village de toutes les générations. »
Pétri est patrouilleuse scolaire depuis trois ans. Elle a décidé de faire ce métier pour avoir un contact avec les enfants. Dans son travail, elle aime veiller à la sécurité des enfants. Elle apprécie aussi de papoter avec les parents qui passent avec leurs enfants et avec les habitants du village qui traversent la route à son passage pour piéton. Elle aime beaucoup le contact avec les gens, elle trouve sympathique que tout le monde lui dise bonjour.
Ce travail lui apporte, sur le plan social, un contact privilégié avec les habitants du village. Grâce à son métier, elle connaît beaucoup de monde. Chaque année, elle découvre les nouvelles générations.
Emérancienne Maret
Cristina : « Après treize ans d’efforts, notre enfant était là. »
Cristina et son mari n’arrivaient pas à avoir un enfant naturellement. Ils se sont tournés vers l’insémination artificielle et ont fait seize tentatives, en vain. Ils ont ensuite essayé d’avoir un enfant grâce à l’adoption. Leur dossier a été accepté et il était prévu qu’ils adoptent une petite fille colombienne âgée de 0 à 2 ans. Malheureusement, une nouvelle convention venait d’entrer en vigueur et leur dossier n’a plus correspondu aux exigences. Ils ont abandonné cette piste.
Après plusieurs premières tentatives infructueuses de fécondation in vitro à Lausanne, alors âgée de 41 ans, Cristina a retenté sa chance à Genève, mais le médecin a annoncé qu’elle n’avait plus d’ovules et leur a conseillé le don, technique interdite en Suisse.
En juillet 2009 à Barcelone, la fécondation a été un succès dès la première tentative et, le 15 avril 2010 à 15h16, l’heureux événement tant attendu a lieu. Naya a pointé le bout de son nez pour le plus grand bonheur de ses parents. Après treize ans d’efforts, elle était là…
Laurine Pagliotti