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Entretien avec Robert Castel sur le précariat

Mercredi 10.11.2010
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Le célèbre sociologue français Robert Castel explique pourquoi le « précariat » se généralise et esquisse de nouvelles pistes sociales. Entretien réalisé en octobre 2010 à Lausanne.

Propos recueillis par Julien Debonneville et Sabina Petrucci, assistant·e·, Sciences sociales et politiques, Université de Lausanne

Robert Castel, penseur éminent de la question sociale [1], a livré sa lecture de la précarité et du rôle de la protection sociale dans le cadre du colloque « Regards croisés sur les pauvretés », en octobre 2010 à Lausanne. Invité d’honneur de la manifestation, il revient dans cette interview sur l’évolution de la précarité en Europe, l’impact de la crise économique et financière de 2008 et dessine quelques solutions qui placent les droits sociaux au cœur des dispositifs de protection sociale.


 

Le « précariat » encore et toujours : diagnostic de l’évolution de la précarité

En 1996, vous avez reçu le titre de Docteur honoris causa de l’Université de Lausanne, juste une année après la publication de votre œuvre « Les métamorphoses de la question sociale » dans lequel il est notamment question de précarisation de la condition salariale. Quel est votre regard sur cette question, quatorze ans plus tard ?

Je crains que la situation ne se soit guère améliorée. Ce phénomène de précarisation reste quelque chose de très important qui semble avoir été occulté par la problématique du chômage. Je ne dis pas cela pour sous-estimer le drame que peut représenter le chômage. Mais dans le processus de précarisation, les deux phénomènes sont liés. Il n’y a pas seulement des gens qui n’ont pas de travail, mais des gens qui continuent à travailler dans des conditions de plus en plus précaires en deçà de ce qui était, et de ce qui est encore, le statut de l’emploi ; c’est-à-dire, un certain nombre de prestations sociales fortes attachées au fait de travailler, en termes de salaires, de protection sociale, de droit du travail, etc.

On observe malheureusement une multiplication de situations d’activités en deçà de l’emploi. J’ai donc proposé d’utiliser le terme de « précariat » pour désigner une condition nouvelle qui constitue une couche de la division du travail au-dessous de l’emploi. En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on serait amené à penser qu’une partie importante du chômage se résorberait au travers de la multiplication des situations en deçà de l’emploi. A la limite, on pourrait aboutir à une société de pleine activité, pour reprendre le mot d’ordre de l’OCDE, qui ne serait pas une société de plein emploi au sens propre du terme. Cela constitue un changement fondamental par rapport à ce qu’on appelait la société salariale, construite autour de l’emploi.

La crise financière et économique de 2008 a frappé l’Europe de façon importante. Certains espéraient qu’elle allait permettre une relégitimation de l’Etat social. Quel regard portez-vous sur cette crise et les enseignements qui en ont été tirés ?

Lorsque ce séisme financier de l’automne 2008 est arrivé, il est vrai, je l’avoue, j’ai pensé qu’il allait ouvrir les yeux de certains. Cela paraissait une démonstration assez claire du danger d’une situation où les forces du capital financier sont livrées à elles-mêmes. D’ailleurs, dans un premier temps, le président de la République s’est félicité de notre modèle social, car il atténuait les effets de la crise, alors que lui-même avait tout fait pour l’affaiblir. Mais il semble que les choses sont reparties comme avant en attendant le prochain épisode de la crise. La dynamique de ce nouveau capitalisme est très forte. Pour s’y opposer, il faudrait donc une aussi forte volonté politique et des mesures énergiques de renforcement du social. A l’heure actuelle, à l’échelle européenne, la tendance est plutôt à l’inverse. Le mot d’ordre consiste à réduire les déficits publics et faire des économies sur ces dépenses pour réguler les marchés.

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Perspectives et solutions : l’importance des droits sociaux

Face aux dynamiques que vous venez de décrire qui mènent à ces situations de précariat, comment envisagez-vous les nouvelles formes de protection sociale ?

Il y a une tendance, non à la suppression, mais à ce que j’appelle l’« effritement des protections sociales ». Ce n’est pas le vide, mais la fragilisation des protections. Qu’est-il possible de faire ? Je ne sais pas, je ne suis pas prophète. D’ailleurs, mon dernier livre, je l’ai justement appelé « La montée des incertitudes », parce qu’il m’a semblé que ce sentiment d’incertitude face à la vie était devenu un trait fort de la conjoncture actuelle.

L’éventualité se dessine que la société se dirige vers une marchandisation complète. Si on réfléchit aux solutions pour contrer ce processus, je pense qu’il ne serait pas réaliste de conserver les protections sociales et le compromis social que nous avons eu à la fin du capitalisme industriel. En effet, depuis trente ans, une irréversibilité s’est produite. On ne va pas retourner à la situation de 1970, car il y a eu la mondialisation, les évolutions technologiques… Le monde est beaucoup plus mobile. La question à résoudre est donc de savoir comment attacher de la protection à ces situations de plus grande mobilité. Une piste consisterait à attacher des droits à la personne, au travailleur, et non au statut de l’emploi. De cette manière, si on est conduit à changer d’emploi, si on perd son emploi, on garderait quand même des droits forts. Cette réponse est séduisante et elle pourrait être une réponse satisfaisante pour les salariés confrontés à de nouvelles situations de mobilité et de plus en plus individualisés.

Quels sont les risques dans ce genre de solutions « individualisées » ?

Je propose une individualisation des droits sociaux. Et pour les droits, je dirais tant mieux qu’ils soient individualisés. Le risque serait le décrochage par rapport aux droits, c’est-à-dire se diriger vers une contractualisation croissante des rapports de travail, vers un retour aux anciennes formes de négociation entre employeurs et employés dans un rapport de force en défaveur du salarié, comme c’était le cas au XIXe siècle. Il y a donc effectivement un risque. Il serait conjuré si l’individualisation des droits sociaux est vraiment de l’ordre des droits. C’est-à-dire si les salariés ont des droits garantis par l’Etat. Le droit qui s’individualise et qui s’adapte aux situations les plus concrètes des individus n’est pas une régression du droit.

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Eclairage sur les réformes des retraites et du Revenu de solidarité active

En France, l’actualité tourne autour de la réforme des retraites, alors que la France, par rapport au reste de l’Europe a un âge de départ à la retraite des plus bas. En Suisse, nous venons de voter une loi sur le chômage qui précarise un peu plus les jeunes face à l’emploi. Quel regard portez-vous sur l’équité entre les générations ?

Pour ce qui concerne les retraites, le critère pertinent du départ à la retraite n’est pas l’âge. Entre des ouvriers, qui ont des travaux pénibles et qui commencent à travailler jeunes, et un cadre supérieur, un fonctionnaire ou un chercheur, il y a une différence de quasi « nature ». De sorte qu’il faut repenser l’âge de départ à la retraite sans se fixer sur les 60 ans. On pourrait redéfinir un âge légal de départ à la retraite qui s’échelonnerait entre 50 et 70 ans, voire plus. A 50 ans, les gens qui ont eu un travail pénible n’ont plus envie de bosser. Ils devraient avoir un véritable droit. Dans des métiers comme le mien, nous bénéficions de situations privilégiées, avec des satisfactions et des bénéfices non seulement salariaux et nous pourrions travailler plus longtemps.

Cela résoudrait le problème du financement, car des personnes paieraient pour celles qui partiraient pus tôt. Techniquement plus ou moins difficile à réaliser, l’idée serait de construire une typologies des emplois, en quatre ou cinq catégories, en fonction de ce qu’est réellement le travail pour ceux qui travaillent. L’âge de départ à la retraite devrait être repensé en fonction des variables fondamentales de la pénibilité et de la gratification du travail. Je ne sais pas si le problème intergénérationnel serait complètement résolu, mais dans le système actuel, l’augmentation homogène de la durée du travail pénalise surtout les jeunes, et encore plus certaines catégories de jeunes qui travaillent de manière précoce dans des conditions pénibles. Une des injustices les plus importantes du système actuel se traduit donc dans le rapport entre les générations. En France, actuellement, les gens qui vivent dans des situations relativement confortables sont plutôt du côté des vieux que du côté des jeunes. D’un certain point de vue, cette situation est inquiétante.

Comment interprétez-vous la réforme du Revenu de solidarité active face à la précarité croissante ?

C’est un peu délicat. Si j’avais été député, j’aurais été très embarrassé de voter cette loi qui a remplacé le RMI il y a deux ans. Il est toutefois un peu facile de faire une critique radicale. En regardant la situation de près, des gens ont vraiment besoin de ce revenu et dans des sociétés relativement riches comme la France ou la Suisse, un véritable droit à l’assistance est nécessaire. Le Revenu de solidarité active va dans cette direction. Il faut cependant souligner que ce revenu n’est pas conçu comme une étape qui devrait déboucher sur un emploi durable, sinon ce serait parfait. Cette réserve est d’autant plus valable dans le contexte actuel du chômage. Avec cette nouvelle situation sociale, un peu curieuse et inquiétante, on est à moitié assisté et à moitié travailleur. Ce brouillage des frontières entre travail et assistance est une régression par rapport à ce qu’était devenu le travail. On peut dire que le RSA risque de devenir une machine, ou en tout cas un dispositif qui institutionnalise la précarité.

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Une « Europe sociale » ? Oui, mais sans nivellement vers le bas

L’Union européenne consacre cette année à la « lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ». Dans quelle mesure pensez-vous que l’attention croissante d’une institution telle que l’Union européenne à cette problématique puisse être un moteur positif pour les pays membres ?

Les systèmes de protection forts ont été construits en Europe dans un cadre national. Aujourd’hui, on est obligé de constater que l’Etat nation n’est plus la base exclusive à partir de laquelle le contrôle des dynamiques économiques et financières internationales s’opèrent. Ce nouveau régime du capitalisme a pour conséquence qu’un Etat nation ne fait pas le poids. En ce sens, l’idée d’une Europe sociale, c’est-à-dire d’une instance plus large de régulation transnationale, me semble nécessaire. Elle serait construite pour avoir une force de résistance aux lois du marché ou à la folie des banques. Mais l’Europe actuelle n’en est pas là et ce qu’on appelle les politiques sociales européennes apparaissent à l’heure actuelle très limitées. On a d’ailleurs élargit l’Europe trop rapidement. Homogénéiser les conditions entre la Bulgarie et l’Allemagne… cela risque de se faire plutôt par le bas que par le haut. Donc ma réponse est nuancée. Autant l’ambition d’une Europe sociale me séduit, autant la façon dont elle est mise en œuvre à l’heure actuelle n’est pas convaincante avec son regard tourné vers le marché et la libéralisation économique plutôt que vers le social.

[1] Les métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat, Robert Castel, 1995. Disponible en Folio essais, 813 pages.

La montée des incertitudes, Robert Castel, Seuil, 2009, 458 pages.

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