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Coupables d’être vieux?

Vendredi 01.05.2020
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Dans une société qui tend à les considérer comme une charge, les seniors se sentent parfois de trop, en dépit de leurs contributions économiques et de leur important rôle social. Comment ces représentations se sont-elles développées ?

Par Marion Repetti, sociologue, professeure, Haute école de travail social, HES-SO Valais-Wallis, Sierre

Aujourd’hui, en Suisse, les femmes et les hommes âgé·e·s de 65 ans ont encore respectivement 22.5 et 19.7 années à vivre en moyenne [1]. En 1950, ces chiffres étaient de 14 et 12.3 ans. Ainsi, la population qui a atteint l’âge d’accès à l’assurance vieillesse et survivants (AVS) a gagné sept ans d’espérance de vie au cours des septante dernières années. Jamais dans le passé, les humains n’ont pu espérer vivre si longtemps ; jamais non plus les générations plus jeunes n’ont profité d’un tel soutien de la part de leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents. Nous sommes ainsi face à une nouvelle configuration démographique offrant des opportunités inédites d’échanges intergénérationnels. Le prolongement de l’espérance de vie est donc une bonne nouvelle pour les individus eux-mêmes, ainsi que pour la communauté tout entière qui bénéficie des contributions sociales, économiques, politiques et culturelles des seniors.

Pourtant, les personnes âgées se sentent parfois de trop [2]. Elles ont l’impression de ne pas avoir de place dans la société, de lui coûter trop cher, même si certaines d’entre elles sont en réalité confrontées à une grande précarité économique. Cette contradiction entre les opportunités que représente le vieillissement pour la société et le doute de certaines personnes âgées quant à leur place sociale interroge. Elle invite en particulier à analyser le traitement politique et social réservé aux personnes âgées aujourd’hui en Suisse. De fait, les perceptions négatives que certaines d’entre elles ont de leur propre statut reflètent des ambiguïtés tant dans les représentations sociales de la vieillesse que dans la politique dont elles font l’objet.

Consommateurs et contributeurs

S’ils et elles ne représentent qu’un cinquième de la population (en 2018, 18.5% de la population étaient âgée de 65 ans et plus), les seniors contribuent pourtant fortement à l’économie de la Suisse. Ils et elles le font d’une part en consommant. À titre d’exemple, entre 2012 et 2014, les couples âgés de 65 ans et plus ont dépensé en moyenne 5355 frs par année en frais de santé, alors que ce chiffre était de 2914 frs chez les plus jeunes. Les personnes de 75 ans et plus sont celles qui ont investi le plus d’argent dans ce secteur, soit 5880 frs par année. Sachant que le secteur de la santé (notamment l’industrie pharmaceutique) constitue l’un des marchés phares de l’économie suisse, cette consommation n’est pas anodine. Le secteur de la culture présente un phénomène moins marqué mais similaire. Les dépenses annuelles des couples pour la consommation de services culturels augmentent en effet légèrement avec l’âge, passant d’une moyenne de 1053 frs avant 64 ans, à 1133 frs dès 65 ans.

Les seniors fournissent de surcroît un important travail bénévole, permettant ainsi à la communauté de réaliser des économies substantielles, que ce soit au niveau des individus, des entreprises privées ou de l’Etat. En 2017, la Confédération estimait que la valeur du travail non rémunéré effectué par l’ensemble de la population en Suisse (tous âges compris) se montait à 400 milliards ; la même année, le nombre d'heures de travail rémunéré se montait  à 7.9 milliards et à 9.2 milliards pour celui du travail non rémunéré [3]. Une part mineure de ces contributions gratuites prend la forme de bénévolat, c’est-à-dire des activités que les personnes effectuent pour une organisation formelle, ou des services qu’elles rendent à des ménages tiers. Les personnes âgées de 55 à 74 ans forment le groupe le plus engagé dans ce domaine, y consacrant plus de deux heures hebdomadaires.

Ce travail gratuit au profit de la communauté est majoritairement composé d’heures de travail domestique effectuées dans la sphère privée du ménage (soins prodigués aux membres de la famille, entretien de l’habitat, etc.). En 2016, si les femmes âgées de 25 à 54 ans étaient les plus actives dans ce domaine avec une moyenne de 31 heures par semaine, après 65 ans, leur contribution était encore de 23.1 heures hebdomadaires. Pour les hommes de 65 ans et plus, cette moyenne se montait à 17.2 heures. Pourtant, le travail non rémunéré, en particulier domestique, manque de reconnaissance sociale [4].

Les stigmates de l’âgisme

Une autre ambiguïté concerne les représentations sociales du vieillissement qui sont généralement âgistes. L’âgisme constitue une forme de discrimination sociale basée sur le critère de l’âge qui tend à dévaloriser les personnes vieillissantes, les désignant systématiquement comme un problème et les excluant d’une pleine participation à la société [5]. Tout comme le sexisme ou le racisme, l’âgisme marque les rapports sociaux, économiques, politiques et culturels, tant dans les espaces publics que privés.

Reflétant cette culture, les discours sur le vieillissement tendent à présenter les personnes âgées comme une charge pour la société, bénéficiaires de prestations et de soutien, tout en omettant leurs contributions dans la production de richesse et de cohésion sociale. Par exemple, le thème des coûts du vieillissement démographique pour les caisses d’assurance maladie est davantage présent dans l’environnement médiatique que celui des emplois qu’il génère [6]. De même, en matière d’occupation du temps, les personnes âgées sont plutôt perçues comme bénéficiaires de temps libre que fournisseuses de soutien.

L’ambivalence de l’AVS

À cette première contradiction entre les contributions des seniors et le manque de reconnaissance sociale à leur égard s’ajoute une tension liée aux choix politiques concernant les risques sociaux qu’ils encourent, notamment en matière de santé et de pauvreté. Un rapide survol de la genèse de l’AVS permet d’en donner une illustration.

Entrée en vigueur en 1948 et défendue tant par les partis radicaux que socialistes et les syndicats [7], cette assurance est présentée par les autorités fédérales comme le fondement et l’emblème de l’Etat social helvétique. Elle a pour double fonction de limiter la pauvreté des personnes âgées et de renforcer la solidarité entre les générations. Les groupes en âge d’être actifs sur le marché de l’emploi assurent ainsi par leurs contributions un repos mérité aux personnes âgées dont l’espérance de vie est plus courte qu’aujourd’hui. En même temps, l’AVS doit demeurer suffisamment limitée pour ne pas empiéter sur le marché privé de la prévoyance qui s’était développé depuis le début du XXe siècle, et dont les intérêts étaient particulièrement bien représentés au Parlement fédéral [8].

L’ambivalence entre un souhait politique de soutenir la population âgée par un système de solidarité tout en donnant la priorité à la prévoyance individuelle est renforcée avec l’émergence d’une rhétorique de crise internationale au sujet du vieillissement démographique. Celle-ci survient au cours des années 1980, période marquée par la diffusion de pensées et de politiques néolibérales qui remettent en question notamment la légitimité du rôle de l’Etat dans la régulation des risques sociaux [9]. Les personnes âgées deviennent alors l’objet de discours politiques et médiatiques parfois culpabilisants, les présentant comme un problème pour l’économie publique du fait de leur nombre, de leur besoin de soutien et de leur statut de non-actifs.

Ainsi, en 1985, prenant position contre une initiative populaire visant à abaisser l’âge d’accès à l’AVS pour les hommes et les femmes, le Conseil fédéral affirmait : « La contribution de l'Etat et celle des assurances sociales ne peuvent pas être majorées indéfiniment. [...] Il convient de maintenir un certain équilibre entre le coût du travail et celui des loisirs » [10].

Les nouveaux tours de vis politiques

La diffusion de cette perception des personnes âgées comme une population bénéficiant d’une vie de loisirs à la charge de la société touche également les représentations des relations intergénérationnelles. En effet, de l’avis de certain·e·s responsables politiques et d’une partie du monde scientifique, le vieillissement de la population est la cause de potentiels conflits intergénérationnels majeurs du fait des besoins des personnes âgées en matière de sécurité économique et sanitaire [11]. Ainsi par exemple, la Commission fédérale de la vieillesse affirmait en 1995 : « Le droit à un revenu, à une rente, est certainement l’expression de la libération de l’homme du travail, mais non pas [...] son affranchissement de la responsabilité envers le régime de sécurité qui la caractérise. » [12]

En 2011, les autorités fédérales réforment le système de financement des soins, en limitant les soins remboursés aux personnes âgées aux actes dits « médicaux » [13]. Elles réforment également la politique vieillesse. La 10e réforme de l’AVS adoptée en 1994 rehausse de 62 à 64 ans l’âge de la retraite des femmes [14]. Le projet de repousser encore cette limite est toujours d’actualité, bien qu’un nombre croissant de personnes de plus de 50 ans peinent à percevoir un revenu. A titre d’illustration, en 2016, le taux de chômage de longue durée variait de 1.5% à 18.3% entre 15 et 49 ans, et de 20.1% à 39.9% entre 50 et 65 ans [15]. Il donc est probable qu’un rehaussement de l’âge de la retraite entraînerait un prolongement de la précarité économique en fin de carrière, malgré le projet de rente pont discuté au Parlement au début 2020 qui pourrait légèrement améliorer la situation des chômeurs et chômeuses âgé·e·s.

Penser la vieillesse autrement

Pour conclure, il serait souhaitable de réfléchir autrement à la vieillesse. Certes, les personnes âgées ont besoin de soutien ; mais elles ne constituent pas à ce titre une exception. Tout comme les autres membres de la communauté, elles sont inscrites dans des relations d’interdépendances dont elles bénéficient en même temps qu’elles y participent. Il est dommage que les préoccupations politiques – et souvent scientifiques – portent avant tout sur les « coûts » du vieillissement. Il serait également intéressant d’en mieux comprendre les apports pour notre vie sociale, en Suisse. À ce titre, relevons l’intérêt de recherches menées dans le domaine du travail social notamment et qui s’intéressent à mieux comprendre les rôles économiques, mais aussi sociaux, politiques et symboliques que les seniors jouent dans les rapports intergénérationnels, et dans la société en général. Nous ne pouvons que souhaiter que ces enquêtes continuent à se développer et bénéficient d’un intérêt croissant dans le public et dans les milieux politiques.

 

Bibliographie en format pdf

[1] NDLR Une autre version de cet article a paru dans Paroles - La revue du travail social en Valais, avril 2020. Cet article a été écrit avant la pandémie et semble encore plus pertinent en temps de lutte contre le coronavirus. A ce propos, lire aussi: Marion Repetti, «L’âgisme dans la lutte contre le coronavirus», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 4 mai 2020.

Les données statistiques en référence dans cet article sont majoritairement issues du site internet de l’Office fédéral de la statistique.

[2] Voir par exemple Coutaz et Morisod 2012 et 2007

[3] Office fédéral de la statistique 2017.

[4] Palazzo-Crettol et al. 2018

[5] Calasanti 2016, Repetti et Calasanti 2018

[6] Merçay, Burla et Widmer 2016

[7] Pour un retour sur la genèse de l’AVS de la fin du XIXe siècle à 1948, voir Repetti 2018

[8] Leimgruber 2008 et 2013

[9] Estes et Phillipson 2002 

[10] Conseil fédéral, 1985, p. 613-614.

[11] Hummel et Hugentobler 2007; Repetti 2018

[12] Commission fédérale, 1995, p. 704-705

[13] Dallera, Hugentobler et Anchisi 2014

[14] Henchoz 2017 ; Rosende et Schoeni 2012

[15] Secrétariat d’Etat à l’économie, Rapport 2018.

Comment citer cet article ?

Marion Repetti, «Coupables d’être vieux?», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 1er mai 2020, https://www.reiso.org/document/5872

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