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Changer de regard sur les troubles mentaux

Jeudi 27.06.2024
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Maladie mentale ou différence psychique ? Il est urgent d’en finir avec une pensée dominante normative qui oppose le normal et le pathologique. Plaidoyer.

Par Richard Best, psychiatre et psychothérapeute, Genève

Pour penser de façon moderne les troubles psychiques, il s’agit de dépasser la distinction entre normal et pathologique. Dans cet article à mi-chemin entre le témoignage et le plaidoyer, l’auteur propose de penser en termes de différence psychique.

La différence psychique, c’est ce qui fait qu’une personne ne se sent pas comme les autres dans sa nature, son essence, son être ou son genre. Il s’agit d’une distinction existentielle. La personne se sent différente par sa nature, comme si sa couleur de peau était dissemblable de celle des autres. Sauf que, dans le cas de la différence psychique, il s’agit de sa « couleur de cerveau ». L’individu peut se sentir si différent qu’à l’extrême, il va s’imaginer être d’origine extraterrestre. Ici, le symptôme est une tentative de guérison (Freud) pour lui permettre de supporter l’insupportable, vivre avec le sentiment d’être un·e étranger·ère dans un monde étrange.

Cet homme à qui je demande : « pour quelle raison bénéficiez-vous d’une rente de l’Assurance invalidité ? » « Parce que je suis extraterrestre. AI ça veut dire extra-terrestre »

La topographie de la différence psychique se dessine à travers les convictions que l’on porte sur soi ; des croyances souvent limitantes, enfermantes et réductrices : « J’ai l’impression que quand je rentre dans le bus, tout le monde me regarde » ; « Je ne peux pas rentrer dans un café parce que tout le monde voit que je suis à l’AI ».

Cette différence psychique, elle existe dans plusieurs dimensions et à de multiples intensités. Elle se manifeste en général par des entraves dans certains domaines de la vie : cela peut être des difficultés d’apprentissage, des difficultés relationnelles, une intolérance à toute forme de stress, le sentiment d’être beaucoup plus intelligent que les autres, un besoin de stimulation, un empêchement dans les relations intimes.

Parfois, à l’inverse, la différence psychique peut se traduire par des facilités : certains troubles hyperactifs compensés facilitent le travail multitâche, la créativité ou l’action.

Mais la plupart du temps, la différence psychique est associée à une souffrance significative dont le noyau dur est le sentiment d’isolement et la solitude. Les vécus dominants sont ceux de rejets dans les contacts avec les autres, d’échecs de formation ou dans le monde du travail et de relations intimes malheureuses.

Abandonner le concept de guérison

Le concept habituel de continuum entre normal et pathologique est limitant par sa dimension unique et sa linéarité. Le chemin qui va de la maladie à la guérison est un chemin à oublier. Dans le monde des troubles psychiques, il ne mène nulle part. Que signifie la guérison pour une personne atteinte d’une schizophrénie, d’une dépression résistante ou d’un trouble de personnalité. Il s’agit plutôt de vivre avec, en l’acceptant comme une partie de soi-même et avec l’idée qu’on peut être « malade en bonne santé [1] ». 

L’image de la mosaïque rend mieux compte de l’organisation mentale que des points sur une ligne. Par exemple, dans ce qu’on appelle le trouble borderline, un fonctionnement névrotique dit normal emprunte au registre psychotique dans les moments de surcharge émotionnelle ou de crise. Dans ces périodes, le lien avec la réalité se fragilise. Celle-ci est perçue de façon distordue et la transformation a lieu au détriment de la personne. Les angoisses primitives font surface, et le monde et les autres deviennent des menaces. Le danger est partout et il est imminent.

De l’utilité des diagnostics

Dans la réalité de la dimension matérielle, le trouble psychique correspond à un diagnostic qui donne droit, ou pas, à des aides et/ou à la reconnaissance d’une invalidité par l’Assurance invalidité (AI). C’est ainsi que fonctionne le monde des assurances sociales : avec des chiffres, des codes diagnostiques, des données dures.

L’aide financière est conditionnée à des critères mesurables, en nature et en intensité. On veut savoir si la personne concernée est malade, quelle est l’intensité de cette maladie et quelles sont les limitations fonctionnelles associées.

Le diagnostic est utile pour mettre un nom sur une différence mentale qui pose problème ; tant qu’elle n’est pas nommée, elle n’existe pas. Le diagnostic permet un traitement, il donne une explication pour soi et aussi pour les autres, il ouvre le droit à des prestations de l’AI ou d’une assurance perte de gain et, souvent, il contribue à se sentir moins seul.

Les diagnostics sont comme des étiquettes sur les vêtements, qui donnent des indications de taille, de composition ou de lavage. Mais elles ne sont pas le vêtement. Quand on porte un habit, on ne pense pas à l’étiquette ; on s’y sent au chaud ou pas, à l’aise ou serré, trop couvert ou un peu nu. Mais on ne devient pas le vêtement.

Les assurances traitent des dossiers alors que les acteurs de la relation d’aide (thérapeutes, travailleurs et travailleuses sociales, éducateurs et éducatrices, proches) s’occupent d’humains. Le·a médecin, psychiatre et encore moins les professionnel·les du travail social ne sont des garde-barrières entre le normal et le pathologique. Ils et elles sont dans une relation d’accompagnement.

La différence psychique ou comment apprivoiser l’altérité

En passant d’une notion de trouble psychique à celle d’une différence psychique, l’autre se trouve déstigmatisé, dans le sens où il ou elle n’est pas réduit·e à être un·e porteur·se d’une maladie psychique (« un·e schizophrène »). La personne est reconnue dans son essence humaine, avec un trouble psychique qui est inclus dans cette différence et qui fait partie de lui, d’elle.

En d’autres termes, lorsque l’on s’adresse aux assurances ou à un médecin traitant, il s’agit d’évoquer un trouble psychique avec un code diagnostic ; à toutes les autres personnes, aux amis et à la famille, la personne est simplement Jeanne ou Pierre, qui est à sa façon, avec sa propre vie et ses propres besoins, et qui fait les choses « à sa main ».

Ce mouvement vers un regard humain des troubles mentaux est essentiel. Il permet d’apprivoiser l’altérité. Il invite à regarder l’autre sans jugement de valeur sur qui il ou elle est.

Il faut constater que souvent, la maladie mentale enlève, vole. Elle prend des capacités à se concentrer, à éprouver du plaisir, ou à se souvenir. Pensons aux démences, à la disparition des souvenirs, partis dans le vent. La personne âgée avec une démence peut oublier jusqu’à son prénom. Mais elle est là, et, si elle est bien entourée, son sourire peut revenir. Et parfois, la maladie empêche tout simplement de vivre.

Dans certaines cultures, la personne avec un trouble délirant ou une psychose est considérée comme ayant « quelque chose en plus » : un contact avec les esprits, une faculté que les autres n’ont pas. On la consulte pour lui demander son avis, des conseils ou un oracle.

Peur de l’autre, peur de soi ?

« L’autre, c’est moi » [2], écrivait Jean-Paul Sartre. Le concept de différence psychique aplani le fossé creusé par les représentations de la maladie. Ce qui est inquiétant, c’est ce que renvoie l’autre à propos de soi-même ; il y a une « inquiétante étrangeté » dans l’humain atteint d’une maladie mentale. Ce qui est perçu comme une maladie chez l’autre fait peur. « Il fait peur comme s’il était contagieux et d’une certaine manière il l’est puisqu’il nous force à voir jusqu’où notre humanité peut aller se terrer » [3], écrit Lallich-Domenach (1999).

Je me souviens de mon premier matin dans un hôpital de jour pour personnes atteintes de troubles cognitifs avancés ; à mon arrivée, le choc fut brutal. Je n’étais pas préparé et je ne comprenais pas comment j’allais travailler un an avec des personnes qui avaient perdu le langage. Le premier matin au groupe de patients, particulièrement silencieux ce matin-là, j’ai exprimé ce que je ressentais, en le projetant sur les participants ; j’ai dit : « peut-être qu’ils ont peur du nouveau médecin ? ». Après le groupe, ma collègue me dit : « ce ne serait pas toi qui aurais peur ? »

Cela m’a fait peur car je me sentais directement menacé par l’image qu’ils me renvoyaient, de l’âge, de la perte des facultés, du besoin d’assistance. Je n’en voulais pas. J’avais envie de partir. Pourtant, ce fut une année riche, et ce que j’écris ici, ce sont elles et eux qui me l’ont appris.

Restaurer l’humain

Accepter l’autre avec sa différence mentale, c’est le, la reconnaître comme un individu à part entière, c’est-à-dire avec son individualité particulière.

Supposons que mon frère soit diagnostiqué d’une schizophrénie ; je peux le bannir mentalement de ma représentation familiale, de mes objets internes investis, sous prétexte qu’il n’est plus fonctionnel comme ce que j’attends d’un frère.

Je peux aussi le reconnaître dans sa différence, et m’intéresser à ce qui le rend particulier, essayer de comprendre son monde interne ; je vais peut-être découvrir ce qu’il a « en plus ».

Ce faisant, je restaure mon frère dans sa qualité d’humain [4]. La maladie déshumanise, le lien social humanise. Il restaure l’humain. 

Le wabi-sabi de la maladie

Pour changer de posture, et changer de regard sur les troubles mentaux, inspirons-nous du wabi-sabi, une esthétique et une philosophie japonaise qui valorise l’imperfection, le transitoire et la beauté du vieillissement naturel. La beauté réside dans l’imparfait, l’impermanent et l’incomplet. Le vase fêlé n’est pas jeté. La fissure réparée d’un trait d’or d’une tasse en céramique raconte son histoire et sa résilience.

Cette fêlure raconte une histoire de courage face à la lutte intérieure, à l’adversité, aux symptômes et à la pulsion de mort. Et tout cela dans une authenticité complète.

À l’image de ces vase embellis de ciselés d’or, à notre tour d’en finir avec une forme de maltraitance et d’accepter l’autre avec sa différence psychique. Son liseré d’or.

[1] Pollet Jean Daniel, L’Ordre, (1973). Documentaire accessible en ligne

[2] Sartre Jean-Paul, L’être et le néant (1976)

[3] Lallich-Domenach, D. Familles et malades d’Alzheimer :un chemin difficile à parcourir ensemble. Gérontologie et société 89, 135-148 (1999)

[4] Fédida Pierre, Humain, déshumain. La parole de l'oeuvre, PUF (2007)


Lire également :

Comment citer cet article ?

Richard Best, «Changer de regard sur les troubles mentaux», REISO, Revue d'information sociale, publié le 27 juin 2024, https://www.reiso.org/document/12669

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