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Socio-esthétique: redonner corps à l’estime de soi

Lundi 23.09.2024
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© Anete Lusina / Pexels

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© Anete Lusina / Pexels

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En Suisse, le métier de socio-esthéticien·ne reste peu connu et sans formation dédiée. Cette approche contribue pourtant à améliorer l’estime de soi des personnes en situation de handicap ou de précarité. Réflexion issue du terrain.

Par Sophie Lionetto, socio-esthéticienne et travailleuse sociale, L’arcade sensorielle, Genève

« Mais pourquoi laver les pieds d’un SDF, manucurer un handicapé, mettre du mascara à une détenue ? Ce n’est pas seulement parce que, même en situation de précarité, on a le droit aux petits plaisirs et au superflu. Cela permet surtout une réappropriation de l’individu par lui-même, dans un moment où la maladie, la vieillesse, la misère, la détention lui ont fait perdre, précisément, son individualité. » Ivan Jablonka, Le corps des Autres, Paris, Seuil, 2015.

Lors de situations de vulnérabilité(s), tant du point de vue de la santé que de l’insertion sociale, un désinvestissement corporel est régulièrement observé. Ce corps oublié, perdu, parfois blessé par des actes de consommations ou de mutilations s’avère cependant un élément essentiel à inscrire dans le processus d’accompagnement. L’exclusion du corps semble mettre en exergue des problématiques complexes, telles que « le rôle et la place du corps » (Dambuyant, 2006), qui peuvent être remises en mouvement par des approches telles que la socio-esthétique.

La socio-esthétique est un accompagnement à médiation corporelle dans lequel le soin sensoriel, l’esthétique et le toucher massage sont proposés comme outils. Les séances, collectives ou individuelles, favorisent un état de bien-être et agissent comme médiateur dans le développement de compétences sociales, personnelles et émotionnelles. Les soins sont adaptés en fonction de la situation de santé et du contexte de vie. La socio-esthétique est pratiquée dans de nombreux contextes d’accompagnements, tels que les soins palliatifs, la santé mentale, l’oncologie, ou encore le domaine des addictions.

Cet accompagnement débute dans les années 1970, à l’étranger, principalement en France. Esthéticienne, Jenny Lascar propose des massages et des soins esthétiques à l’une de ses amies, hospitalisée pour dépression au sein d’un établissement psychiatrique lyonnais [1]. Si, dans un premier temps, son amie est la seule bénéficiaire des soins, l’offre s’étend petit à petit aux autres patient·es par leur propre sollicitation. De son côté, Renée Rousière accompagne bénévolement des patient·es en psychiatrie et en maison d’arrêt, dans la région de Tours, pendant dix ans puis crée, en 1978, un « cours d’esthétique à option humanitaire et sociale » (CODES), reconnu par l’État et inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles » [2].

En Suisse, le métier de socio-esthéticien·ne apparaît dans les années 1990, notamment au sein de l’hôpital psychiatrique de Bâle avec Régine Schuh [3]. Bien que peu connue, cette profession est désormais représentée dans l’ensemble de la Suisse romande, avec un nombre croissant de professionnel·les formé·es.

La formation, proposée actuellement uniquement à l’étranger, est nécessaire pour permettre un accompagnement sécuritaire et adapté à chaque personne bénéficiaire [4]. La socio-esthétique ne se résume en effet pas à une simple juxtaposition de l’accompagnement social et de pratiques esthétiques, mais à une approche centrée sur le corps et l’investissement de celui-ci par le bénéficiaire. Ainsi, la formation permet le développement de compétences spécifiques, adaptées aux complexités observées sur le terrain : outils diversifiés, spécificités de la séance dans le cadre des différentes pathologies, contre-indications à l’usage de certains cosmétiques ou pratiques, cadre de pratique…

Le corps, illustration de la vulnérabilité

La situation de vulnérabilité peut être identifiée par des signes visibles sur le corps. Manque d’accès à l’hygiène, désinvestissement, apparition de stigmates : le corps devenu « objet de signification » (Dambuyant, 2006) se révèle marqueur des circonstances. D’autres aspects peuvent exprimer une certaine vulnérabilité ; soumis à des contraintes sociales de plus en plus exigeantes (Marzano, 2002), le corps vient fragiliser l’état de santé physique ou mental. En effet, la recherche d’un idéal — calqué sur des normes socioculturelles dominantes — peut nécessiter une possible transformation de l’image aux prix d’efforts considérables (Bordo 1990, 1993, 1998) et perturber l’équilibre mental et physique (HUG — 2006).

La psychiatrie a, durant de nombreuses années, mis en avant l’aspect psychique de la maladie, aux dépens de l’aspect corporel ou en le confrontant à des techniques « chocs » (Pous, 1985). Cependant, le corps semble central dans le fait psychiatrique, par l’impact que la maladie a sur lui ou par l’altération du ressenti.

Situation : le soin des mains de Monsieur M.

Prenons pour exemple une séance proposée à Monsieur M. Cet homme habite au sein d’une structure sociale dans laquelle des logements sont proposés à des personnes en situation de grande précarité. L’accompagnement en socio-esthétique vise à soutenir sa capacité d’agir afin de favoriser une stabilisation de son état de santé.

Cette séance individuelle est réalisée à sa demande. Le soin débute par un échange, afin de définir ses souhaits : Monsieur M. désire découvrir le soin des mains. Son contexte de vie semble amener une baisse importante de son estime, associée à un investissement corporel codifié par des polyconsommations. Il exprime « avoir abandonné tout soin de lui-même, car à quoi bon, en étant dans la rue ». Dans cette situation, le désinvestissement corporel impacte l’ensemble des démarches que peut effectuer Monsieur M. Il évoquera principalement la recherche d’un emploi avec l’absence de perspective et le rejet systématique de sa candidature. Monsieur M. identifie une problématique d’estime de lui-même associée à une image stigmatisante. Ici le soin des mains est choisi pour différentes raisons ; s’il permet d’entrer en contact avec un toucher toléré et perçu comme peu intrusif, ce soin favorise la relaxation et apporte un soin à la peau des mains.

Le corps en tant que donnée « est ce qui permet (…) de vivre dans le monde et de rencontrer les autres » (Marzano, 2002). Si la dimension sociale ne peut être évincée du quotidien, elle peut, selon l’estime de soi et l’altération de l’image de soi, être peu tolérée ou admise dans une stratégie d’évitement. La confrontation au regard de l’Autre peut apparaitre comme difficilement envisageable ou permettre à l’Autre une lecture de soi non souhaitée. Ici, l’attention est portée sur une auto-évaluation de ce regard.

La recherche d’une harmonie entre le corps et le mental soutient l’acceptation d’une potentielle nouvelle image de soi et la mise en relation avec l’Autre. Ce cheminement suppose un accompagnement afin d’oser (re-)prendre un miroir et de s’y regarder.

Socio-esthétique et parcours de réhabilitation

Le ou la socio-esthéticienne peut intervenir dans différents lieux, intra ou extrastructures : sociales ou médicales, au sein de cabinets privés ou d’instituts inclusifs. La demande de suivi est effectuée par l’équipe d’accompagnement, par la ou le bénéficiaire, ou par les proches. Elle peut prendre la forme d’une prescription médicale, « une prescription de bien-être ». Par une approche non médicalisée, la socio-esthétique apparait comme une bulle sensorielle, durant laquelle le corps transmet au cerveau d’autres émotions que celle de la souffrance. L’accompagnement est intégré dans un processus : ainsi, une étroite collaboration se met en place entre le ou la socio-esthéticienne et le réseau instauré.

Loin de toute futilité, la socio-esthétique convoque les sens pour aider la personne à les retrouver et à se reconnecter autrement à son enveloppe corporelle : par exemple, l’application d’une crème aux odeurs agréables, par un mouvement doux et sûr, éloigné des gestes médicaux, semble soutenir la réappropriation du corps.

Il ne s’agit ainsi pas de véhiculer une image idéale du corps, d’une conformation, mais bien de soutenir ce processus de réappropriation d’une image altérée par la situation de vulnérabilité, qui impacte l’accès aux soins de bien-être pour des raisons financières, de sécurité ou d’une absence d’intérêt. De nombreux·se bénéficiaires témoignent, lors de leur première séance de socio-esthétique, de leur découverte des soins de bien-être ou de leur incapacité à les intégrer dans leur quotidien. Ce moment s’inscrit comme une parenthèse qui contribue à atténuer les stigmatisations parfois ressenties comme honteuses, dans un contexte bienveillant et personnalisé, favorisant le bien-être, le pouvoir d’agir et l’autodétermination.

Bien que les perceptions de l’esthétique et du contrôle de l’image puissent apparaitre comme superficielles, l’absence de contrôle, en lien avec la situation de vulnérabilité, semble accentuer la stigmatisation et l’exclusion du bénéficiaire (Marzano, 2002). Dans le cadre d’un soin auprès d’une personne présentant des troubles psychotiques par exemple, le rapport au corps peut ne pas être perçu comme prioritaire. Cependant, la sensation corporelle et la délimitation de soi peuvent soulager certaines anxiétés (André, Benavidès, Giromini, 2004). Le toucher — lorsqu’il est toléré, parfois après plusieurs séances — par le biais d’un massage reconnecte notamment à la globalité du corps. Il représente ainsi un outil intéressant face au morcellement observé lors de psychoses ou de traumatismes sévères. Il permet aussi l’interrogation de la personne face aux manifestations corporelles ressenties, témoins de la pathologie.

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© Sophie Lionetto
La stimulation sensorielle portée dans le cadre d’une séance de socio-esthétique soutient deux principes : d’abord, permettre au corps en souffrance d’être perçu avec douceur et bienveillance et, ensuite, contribuer à la diminution des effets secondaires ou stigmatisations liées à la pathologie (Dambuyant-Wargny, 2023). L’acceptation de soi repose sur un regard bienveillant envers soi-même, qu’il est parfois nécessaire d’accompagner. Ainsi, lorsque des marques sur un visage sont vécues comme discriminantes ou sources de malaise, le ou la professionnel·le peut encourager la personne bénéficiaire à accorder de l’importance à certaines zones appréciées ou à d’autres éléments du visage, comme la carnation. L’utilisation d’un outil de colorimétrie permet alors d’observer une mise en valeur du visage grâce à l’influence de la couleur sur celui-ci. Dans cette situation, le ou la socio-esthéticienne soutient l’évolution du regard sur soi et l’acceptation d’aller à la rencontre de soi. L’accompagnement en socio-esthétique soutient l’humanisation du soin et offre un accompagnement holistique.

La socio-esthétique, garante d’inclusion

Ainsi, la socio-esthétique participe à l’élaboration d’une estime de soi positive. Elle soulage le corps endolori par la vulnérabilité et participe à l’écoute des ressentis. Le principe de beauté semble alors régi par l’harmonie permise à chacun·e, de manière inclusive.

Cette valeur d’inclusion se base sur un accès pour toutes et tous à l’ensemble des actes de la vie quotidienne. Cette dimension d’inclusivité se révèle essentielle dans l’approche socio-esthétique, discipline dévouée à rendre accessibles les soins de bien-être, de beauté, là où ces principes pourraient apparaître comme peu essentiels.

Références bibliographiques

  • ANDRE Pierre, BENAVIDES Thierry, GIROMINI Françoise, Corps & psychiatrie, Heures de France, 2004
  • MARZANO Michela, Penser le corps, PUF, 2002
  • DAMBUYANT Gisèle, Quand on n’a plus que son corps, Armand Colin, 2006
  • DAMBUYANT-WARGNY Gisèle, La socio-esthétique — Prendre soin soulager et embellir le corps vulnérable, Eres, 2023
  • FRANCK Nicolas, Outils de la réhabilitation psychosociale, Editions Elsevier Masson, 2016
  • POUS Georges, Thérapies corporelles des psychoses, Editions L’Harmattant, 1995
  • Infirmières spécialistes cliniques du groupe Image corporelle, L’image corporelle, un concept de soins, HUG, 2006
  • JABLONKA Ivan, Le corps des Autres, Seuil, 2015

[1] « Une Goutte d’eau dans la mer », Maurice Dugowson, 1971, 54 minutes

[2] Ginette Francequin. C’est pas obligé d’être moche..., in « Cancer du sein : une féminité à reconstruire ». Ed. érès, 2012, pp. 143-152.

[3] Information issue d’une rencontre personnelle entre la sous-signée et Régine Schuh.

[4] Une présentation réalisée le 14 mai 2024 à la HETS - Genève auprès d’étudiant·es en travail social, sous la responsabilité de Gosia Trilles, met en évidence la spécificité du métier et la nécessité d’une formation aboutie.

Comment citer cet article ?

Sophie Lionetto, «Socio-esthétique: redonner corps à l’estime de soi», REISO, Revue d'information sociale, publié le 23 septembre 2024, https://www.reiso.org/document/13111