Enfants en mouvement, avenir en santé
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Le mouvement est vital pour le développement des enfants, mais les modes de vie modernes limitent leurs opportunités. Pour une santé durable, des initiatives soutiennent un mode de vie actif dès le plus jeune âge.
Par Magali Grossenbacher et Louisa Sang, cheffes de projet, RADIX, Fondation suisse pour la santé, Lausanne
Le mouvement joue un rôle essentiel dans la vie des enfants. Dès la naissance, ceux-ci doivent pouvoir bouger librement pour assurer leur bon développement. Ainsi, durant leurs premiers mois de vie, les nourrissons doivent pouvoir explorer leur environnement par le mouvement. Les tout-petits (0-4 ans) ont besoin d’être actifs au moins trois heures par jour et, dès 4 ans, il est recommandé de bouger « plus d’une heure par jour et [de] pratiquer des activités qui […] essoufflent »[1].
Quand ils en ont la possibilité, les enfants bougent naturellement : c’est un besoin fondamental qui renforce leur santé physique et psychique. En se mouvant, les enfants font des expériences variées, acquièrent une meilleure perception de leur corps et développent leurs compétences en matière de risque.
Or, si la Suisse se montre plutôt active, avec 59% des personnes âgées de 15 ans ou plus pratiquant une activité sportive environ une fois par semaine [2], une part de la population utilise une grande partie de son temps dans des activités sédentaires. En 2019, les jeunes âgé·es de 6 à 16 ans passaient par exemple plus de 90% de leur temps quotidien en position assise, couchée ou ne pratiquaient qu’une activité physique de faible intensité [3]. De manière générale, l’activité physique en plein air, pratiquée librement, a diminué d’environ un tiers ces 50 dernières années [4]. Ce constat est lié notamment à l’environnement moderne où écrans, voitures et poussettes limitent les opportunités de mouvement libre pour les enfants.
Ce mode de vie sédentaire a des implications sur le développement des enfants qui sont 33%, en Suisse, à présenter des déficits moteurs au cours de la première année d’école [5]. De plus, le surpoids est l’une des conséquences d’une enfance sédentaire et représente un facteur de risque connu de maladies non transmissibles (diabète, hypertension artérielle, problèmes articulaires) [6]. À l’inverse, promouvoir un mode de vie actif dès le plus jeune âge impacte les habitudes de mouvement, la santé et la qualité de vie à long terme [7].
Aménager des espaces favorables au mouvement
En agissant sur le milieu de vie des enfants, il est possible de créer plus d’opportunités de bouger. Dès lors, mener une réflexion systématique sur l’aménagement des espaces contribue à promouvoir l’égalité des chances en matière d’activité physique. Car si le mouvement est inhérent aux enfants, tous les environnements ne permettent pas à chacun·e — selon leur genre, âge, possibilités — de bouger librement et en sécurité. Il est alors parfois nécessaire d’intervenir par des approches de promotion du mouvement en contribuant à la création de conditions favorables grâce à des projets déployés là où se trouvent les enfants.
Entre 0 et 4 ans, les enfants passent de nombreuses heures dans des lieux d’accueil de jour. Pensé pour intégrer le mouvement dans ces espaces, le programme Youp’là bouge [8] (Purzelbaum en Suisse alémanique) s’adresse au personnel de ces lieux, afin de les encourager à penser les espaces et les activités de façon à promouvoir le mouvement des tout-petits.
Dans les espaces dédiés aux familles dont l’objectif est de favoriser la rencontre et le jeu, Bouge en famille [9] propose une réflexion autour de l’aménagement, de l’utilisation de l’espace et du matériel pour encourager une variété de mouvements.
C’est ensuite l’école qui accueille de manière quasi universelle les enfants. Cour verte [10] souhaite profiter du potentiel de l’espace de récréation, où les enfants passent de nombreuses heures, en l’aménageant de manière que toutes et tous trouvent leur place et qu’elle soit un lieu favorable à la découverte et au mouvement. D’autres démarches visent à intégrer le mouvement à l’école avec des idées pour des cours ou des pauses actives (L’école bouge).
Enfin, l’espace public représente également un lieu qui peut soutenir le mouvement. Les communes jouent un rôle clé dans la planification et l’aménagement de leur territoire, en offrant notamment des rues sécurisées pour que les enfants puissent se déplacer à pied, ainsi que des parcs et places de jeux accueillants et espaces adaptés aux besoins des enfants. Elles peuvent mettre en place des mesures spécifiques sur le chemin de l’école, comme Pédibus [11], ou valoriser l’infrastructure existante, par exemple en rendant les salles de sports accessibles aux familles (La Salle Ouverte [12] et les offres d’IdéeSport[13]).
Ces démarches se complètent et visent à faire du mouvement un élément naturel et central du quotidien.
La cour verte de Villeneuve
Pour des raisons pratiques, la cour de récréation est souvent bétonnée et laisse peu de place aux aménagements. À Villeneuve, des enseignantes ont réaménagé la cour de leur école dans le cadre du projet Cour verte : à la suite d’une analyse des besoins des enfants, des cheminements, une arène et des cabanes en saule y ont fait leur apparition. Dans la cour réaménagée, les enfants sautent de pierre en pierre, se cachent dans les arbustes ou rampent. Les activités des élèves sont plus diversifiées, et les filles sont davantage en mouvement. C’est également le cas à Lausanne, où les enfants de Prélaz « sont affairés de tous les côtés, grimpent, se couchent, grattent… » [14], depuis le réaménagement du préau [15].
Des aménagements polyvalents et une réorganisation de l’espace favorisent le mouvement et donnent des opportunités aux petits, aux grands, aux filles et aux garçons de bouger [16]. Cour verte encourage les adultes à investir la cour en intégrant le mouvement aux enseignements : chaque occasion de bouger est mise à profit.
Sensibiliser les adultes
Pour que ces démarches soient efficaces, il est essentiel de sensibiliser tant les familles que les professionnel·les de l’éducation. Comprendre l’importance du mouvement pour les enfants aide les adultes à réaliser que leurs attitudes influencent directement la santé des plus jeunes, et les encourage à adopter un rôle actif dans ces initiatives. Les démarches de RADIX et d’autres organismes, décrites ci-dessus, s’accompagnent ainsi de formations et d’outils de sensibilisation.
Dans le cadre de Bouge en famille, les adultes encadrants sont sensibilisé·es à l’importance du mouvement et à l’utilisation du matériel du quotidien pour favoriser la motricité globale des tout-petits. Des affiches, vidéos et brochures avec des idées pratiques sont à disposition des professionnel·les et des familles. Cour verte propose une formation de tous les enseignant·es des écoles réaménagées ; ils y expérimentent des activités dans la cour avec comme objectif de favoriser l’enseignement dehors. Dans le cadre de l’ouverture des salles de sport, les bénévoles reçoivent une formation qui les renforce dans leurs compétences (La Salle Ouverte).
La sensibilisation permet de valoriser les mesures structurelles, de les expliquer en donnant aux personnes les arguments qui sous-tendent les actions. Cela contribue aussi à leur donner une légitimité et de la confiance pour mettre en place de nouvelles pratiques. Les personnes encadrant ces offres sont en contact direct avec les enfants et leurs familles et peuvent ainsi agir comme des ambassadrices du mouvement. Si demandé, elles peuvent leur donner des pistes concrètes pour bouger davantage.
Bouge en famille : une offre flexible et participative
Une éducatrice sociale vaudoise a utilisé les vidéos et affiches proposées par Bouge en famille pour transmettre des idées concrètes à son équipe. L’utilisation de matériel simple du quotidien, comme des chiffons ou des éponges qui offrent une variété de possibilités de mouvement insoupçonnées, a ainsi été renforcée. Ces objets peuvent facilement être utilisés à leur tour par les familles et ont l’avantage de favoriser le jeu symbolique, l’imagination et la créativité. Pour l’éducatrice, montrer l’exemple aux familles est crucial : en jouant avec les enfants et en se mettant en scène, elle met les parents en confiance pour expérimenter à leur tour et faire avec leur enfant, de façon très libre. Dans ce lieu d’accueil, aucune activité n’est imposée et la notion de plaisir doit rester centrale : les familles peuvent venir boire un café, discuter, faire une activité avec leur enfant ou le·la regarder jouer. Pour l’éducatrice, le respect du rythme (de développement) des enfants et des familles est primordial. L’objectif n’est pas d’amener des injonctions aux parents, mais de rendre le mouvement attractif, plaisant et accessible grâce à des aménagements simples et une posture adéquate.
Renforcer le pouvoir d’agir
Lutter contre la sédentarité peut se faire avec des mesures simples : aménager et organiser avec soin les espaces fréquentés par les familles pour répondre au besoin de bouger des enfants. Par ailleurs, informer et sensibiliser les professionnel·les au contact des enfants et des familles favorise l’intégration du mouvement dans toutes les sphères du quotidien.
Donner envie aux enfants et à leurs parents de bouger en partant de leurs ressources est essentiel : l’activité physique ne doit pas être une injonction, mais une manière de prendre du plaisir et d’améliorer son bien-être. De plus, la sensibilisation des familles et des professionnel·les doit passer par la transmission d’outils pratiques leur permettant d’intégrer le mouvement dans leurs activités sans nécessité d’espace ou de matériel spécifique.
Le principe d’empowerment des professionnel·les et des familles, ainsi que la promotion de démarches et d’outils à bas seuil, résident au cœur des actions évoquées dans cet article. Celles-ci visent toutes à instaurer de bonnes habitudes dès l’enfance et à contribuer à un changement de culture durable autour du mouvement.
[1] PAPRICA Petite enfance, Comment bouger avec son enfant, 4 à 6 ans, 2022. Disponible en ligne.
[2] Lamprecht, Markus, Bürgi, Rahel et Stamm, Hanspeter (2020): Sport Suisse 2020. Activité et consommation sportives de la population suisse. Macolin: Office fédéral du sport OFSPO.
[3] [3] OFSPO, étude SOPHYA, 2022
[4] Gray, P. (2011). The Decline of Play and the Rise of Psychopathology in Children and Adolescents. American Journal of Play, 3(4), 443-463 in Initiative en faveur du jeu libre créatif en suisse, la maison de la créativité en partenariat avec le social brain institute, 2017. Disponible en ligne.
[5] Idem
[6] Apovian, 2016; Chan & Chen, 2009 in Rapport national sur la santé 2020.
[7] OFSPO, étude SOPHYA, 2022
[8] Voir la page du programme Youp’là bouge
[9] Voir la page internet dédiée à Bouge en famille
[10] En savoir plus https://www.courverte.ch/
[11] En savoir plus : https://pedibus.ch/fr/
[12] En savoir plus : https://www.lasalleouverte.ch/fr/
[13] En savoir plus : https://www.ideesport.ch/fr/
[14] Témoignage de la cheffe de projet.
[15] Voir résumé de l’évaluation du projet. Roger Federer, partner paper no. 10. Cours de récréation et de jeux proches de la nature. 2023. Disponible en ligne.
[16] Préaux en tous genres, pistes de réflexion et d’action pour des préaux plus inclusifs, Ville de Lausanne et Université de Lausanne (2022-2023). Disponibles en ligne.
Lire également :
- Mathilde Hyvärinen et al., «Favoriser l’activité physique entre générations?», REISO, Revue d'information sociale, publié le 12 septembre 2024
- Alexandra Bersier-Balz et Carine Vuitel, «Enfance: faire rimer activité physique et sécurité», REISO, Revue d'information sociale, publié le 29 août 2024
- Stéphane Tercier et Philippe Furrer, «Susciter l’envie de bouger au cœur de la ville», REISO, Revue d'information sociale, publié le 25 janvier 2024
Cet article appartient au dossier Sport et mouvement
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Magali Grossenbacher et Louisa Sang, «Enfants en mouvement, avenir en santé», REISO, Revue d'information sociale, publié le 23 décembre 2024, https://www.reiso.org/document/13513