Pour allier éducation alimentaire et mixité sociale
Le projet «Graine solidaire» va éclore au cœur d’un quartier populaire de Lausanne. Dans un jardin collectif, les enfants, les adultes et les seniors de toutes origines et conditions vont se rencontrer autour d’aliments de qualité.
Par Sonia El Rhazi, chargée du projet Graine Solidaire, et Claire Attinger, déléguée à la politique familiale, Ville de Lausanne
Porté par le Bureau lausannois pour les familles, le projet « Graine solidaire » est le fruit d’une réflexion menée par le Service social de Lausanne, le Bureau lausannois pour les immigrés et le Département de promotion de la santé et prévention d’Unisanté. Le projet a été imaginé pour intégrer à la fois des dimensions sociales, éducatives et sanitaires. Il s’adresse aux habitant·e·s d’un quartier populaire de Lausanne et aspire à mettre en œuvre plusieurs dimensions du concept d’«éducation alimentaire».
Graine solidaire s’inscrit dans le cadre du Programme d’encouragement pour le développement durable lancé par l’Office fédéral du développement territorial. Ce dernier tend à répondre à l’Agenda 2030 [1] de l’ONU en mettant en application plusieurs objectifs. Parmi eux, citons en particulier celui sur l’égalité des chances en matière de santé (ODD 3) puisque le projet permet à des personnes en situation précaire de cultiver, de consommer des aliments de qualité et de bénéficier de conseils avisés de professionnel·le·s. Citons aussi la réduction des inégalités (ODD 10) et la consommation responsable (ODD 12).
Le plantage urbain
Dans un premier temps, le projet prend place au Patio. Cet immeuble géré par le Service social de la Ville est composé de 61 logements et dispose d’un jardin. Il s’agira donc de transformer ce potager en un plantage urbain. Il sera agrandi et rendu accessible à l’ensemble des habitant·e·s du quartier. Cela passera non seulement par un réaménagement « physique », mais également par l’intervention de professionnel·le·s qui sensibiliseront les jeunes, adultes et seniors à l’art de cultiver et aux principes d’une alimentation durable.
Pour ce faire, une diététicienne dispensera des ateliers de cuisine et de sensibilisation alimentaire. Elle animera des échanges autour des différents modes de consommation et sensibilisera les participant·e·s à l’importance de la saisonnalité, de la consommation « locale », de la variété et de l’équilibre alimentaire nécessaire à une alimentation saine. Consciente que le mode de consommation des personnes dépend en partie de leurs conditions socio-économiques, elle proposera par exemple un atelier pour aborder le thème « alimentation équilibrée et variée à petit prix ».
Les repas festifs et les enfants
Un autre aspect de l’aventure réside dans la volonté d’organiser des repas festifs entre voisins réalisés par les participant·e·s à partir des produits du plantage et de la récupération d’invendus des magasins du quartier. La démarche promeut ainsi un autre aspect central : la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ces repas auront également pour vocation de créer une vie de quartier pour que les habitant·e·s se rencontrent.
Au cœur du projet se trouvent les enfants. Ils auront la possibilité d’apprendre dès leur plus jeune âge à cultiver et à apprêter les légumes et les herbes aromatiques qu’ils consomment. Graine solidaire poursuit ainsi les efforts mis en place dans le plan de restauration collective durable destiné à améliorer la qualité gustative et nutritionnelles des repas servis aux enfants inscrits dans les garderies, les APEMS (Accueil pour enfants en milieu scolaire) et les réfectoires scolaires. La dimension durable de l’alimentation préparée dans les lieux collectifs accompagnera les enfants jusqu’à leur table familiale.
Avec ce projet, toute la chaîne de l’alimentation est intégrée : de la production de légumes jusqu’aux repas de fête. La dimension éducative est également présente et, au-delà du projet lui-même, elle espère influencer la manière de consommer des participant·e·s.
Le vivre ensemble
Le plantage urbain est conçu pour s’étendre du Patio à l’ensemble du quartier. L’enjeu est donc de parvenir à lier ces deux territoires afin d’éviter une forme de ghettoïsation des locataires de l’immeuble et de favoriser le « vivre ensemble ». Il vise à créer des liens entre les habitant·e·s d’un même quartier, réunis autour d’un projet commun tout en intégrant une population fragile et potentiellement isolée.
En lançant ce projet dans un quartier peuplé de familles, le Bureau lausannois pour les familles leur donne accès à une parcelle de terre cultivable. En allant à la rencontre de son public et de personnes pour qui l’accès à certains canaux d’information peut s’avérer complexe, l’équipe leur donnera aussi accès à des renseignements précis sur les différentes prestations qui leurs sont destinées.
Finalement, ce projet contribue à la mixité sociale, intergénérationnelle et interculturelle en fédérant les habitant·e·s du quartier autour d’un projet commun.
[1] Objectifs du développement durable, en ligne sur le site de l’ONU.
Cet article appartient au dossier À table!
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Sonia El Rhazi et Claire Attinger, «Pour allier éducation alimentaire et mixité sociale», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 30 mars 2020, https://www.reiso.org/document/5755