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Ados: hausse des consommations problématiques

Lundi 28.10.2024
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En Suisse, les jeunes de 11 à 15 ans se portent moins bien en 2022 qu’en 2018. La consommation de nicotine et l’usage problématique des réseaux sociaux sont aussi plus répandus, montre une étude internationale.

Par Valentine Schmidhauser, collaboratrice scientifique, et Marina Delgrande Jordan, co-responsable du secteur recherche, Addiction Suisse, Lausanne

Depuis 1986, l’étude internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) dresse tous les quatre ans un bilan en matière de comportements de santé chez les élèves de 11 à 15 ans [1], et des facteurs qui l’influencent. En 2022, 74,2% des 857 classes sélectionnées au hasard en Suisse ont rempli le questionnaire standardisé de l’enquête, donnant lieu à un échantillon national représentatif de 9’345 élèves. Le présent article se focalise sur les élèves de 15 ans, chez qui les comportements à risque décrits dans cet article sont les plus répandus.

Comment se portaient les jeunes en 2022?

L’adolescence se présente comme une période particulière du développement, marquée par d’importants et rapides changements aux niveaux physique, social et psychique. Avec l’enfance, c’est à cet âge que la plupart des maladies psychiques apparaissent (McGrath et al., 2013), celles-ci pouvant persister jusqu’à l’âge adulte si elles ne sont pas repérées et traitées suffisamment tôt.

L’étude HBSC 2022 a donné la parole aux jeunes afin de savoir comment ces personnes se sentaient, et comment elles avaient vécu la pandémie de Covid-19. Ainsi, parmi les jeunes de 15 ans, 89% des garçons et 73% des filles ont évalué leur santé comme bonne à excellente, et, respectivement, 59% et 34% ont qualifié leur vie de très satisfaisante. Néanmoins, la part de ceux et celles qui ont rapporté ne pas se sentir bien s’est accrue depuis 2018, en particulier chez les filles. Par exemple, les symptômes récurrents ou chroniques — qui peuvent refléter un mal-être et impacter considérablement le bien-être, la vie sociale et la scolarité des jeunes — s’avèrent particulièrement répandus en 2022 : 37% des garçons et 69% des filles disent avoir ressenti plusieurs fois par semaine, au cours des six mois précédant l’enquête, au moins deux symptômes psychoaffectifs (fatigue, irritabilité, nervosité, tristesse, colère, anxiété ou difficultés à s’endormir). Respectivement 8% et 28% ont souffert, à cette fréquence, d’au moins deux douleurs physiques (tête, dos ou ventre). En parallèle, 30% des garçons et 52% des filles de 15 ans se sont senti·es assez ou très stressé·es par le travail scolaire.

Si les indicateurs de la santé psychique et du bien-être étaient restés globalement stables depuis une vingtaine d’années, l’enquête 2022 documente ainsi une nette dégradation par rapport à 2018, où de premiers signes avaient déjà été relevés chez les filles. Cette évolution n’est dès lors pas uniquement imputable à la pandémie de Covid-19, bien qu’elle ait indéniablement eu un impact considérable pour les jeunes.

Certaines interrogations de l’étude ont porté directement sur les conséquences de la pandémie. À ce sujet, 13% des garçons et 33% des filles de 15 ans se sont en effet dit·es plutôt d’accord ou d’accord qu’en raison du coronavirus, ils·elles s’étaient senti·es la plupart du temps déprimé·es ou désespéré·es, et respectivement 9% et 24% très anxieux·ses et nerveux·ses. Quelque 36% des garçons et 50% des filles ayant fait part de ces ressentis avaient d’ailleurs demandé de l’aide à leur famille ou ami·es, et respectivement 25% et 32% avaient sollicité un soutien professionnel. Certain·es répondant·es y ont à l’inverse vu des conséquences positives, comme de nouveaux hobbies ou intérêts, ou une meilleure gestion des émotions et des difficultés.

Alcool, cigarette et cannabis illégal restent répandus

L’adolescence constitue aussi une période d’exploration et de découvertes, propice à la mise en place de comportements à risque, notamment les consommations de substances psychoactives (Amstad et al., 2022). Le remodelage progressif du cerveau, qui s’achève vers l’âge de 25 ans, le rend d’ailleurs plus vulnérable à leurs effets toxiques que celui des adultes (Ewing et al., 2014). Le risque de développer une addiction s’en trouve accru, si bien que les adolescent·es ne devraient pas en consommer du tout. C’est pourquoi, au niveau fédéral et/ou cantonal, le législateur a prévu des limites d’âge pour la vente et la remise des produits légaux que sont l’alcool et la nicotine.

En 2022, 43% des jeunes de 15 ans avaient consommé de l’alcool dans les 30 jours précédant l’enquête, l’écart entre les filles et les garçons s’étant estompé par rapport à 2018. Environ 2% en avaient bu de manière fréquente (≥ 10 jours dans les 30 derniers jours), tandis que la consommation quotidienne était quasi inexistante à cet âge. De plus, environ un quart d’entre elles et eux avaient bu au moins une fois dans les 30 derniers jours cinq boissons alcooliques ou plus lors d’une même occasion et dans un court laps de temps (excès ponctuel). Si cette proportion n’a pas évolué depuis 2018, elle reste néanmoins élevée.

Le constat n’est guère différent pour la consommation de la cigarette conventionnelle au cours des 30 derniers jours : bien que stable depuis 2018, elle s’élève à 14% des garçons et 17% des filles en 2022. L’usage fréquent concerne 6% des jeunes de 15 ans, et 3% en consomment quotidiennement.

Enfin, 12% des garçons et 8% des filles de 15 ans avaient consommé du cannabis illégal (car il contient ≥1% de THC) dans les 30 derniers jours, soit à nouveau des valeurs proches de celles de 2018. La consommation fréquente concerne 2% des filles et 3% des garçons, la consommation quotidienne étant quant à elle très rare.

Autres produits du tabac: forte hausse

La situation concernant les autres produits du tabac et/ou de la nicotine est toute autre : l’usage dans le mois précédant l’enquête de l’e-cigarette, des produits du tabac à chauffer et du snus a fortement augmenté en 2022 chez les jeunes de 15 ans, en particulier chez les filles. La pipe à eau est en revanche à la baisse.

En 2022, 25% de cette population — sans différence de sexe/genre — avait utilisé l’e-cigarette dans les 30 derniers jours. L’usage fréquent a aussi fortement augmenté par rapport à 2018, passant de 3% à 7%. Finalement, 4% des garçons et 3% des filles avaient utilisé des produits du tabac à chauffer au cours dans ce même laps de temps, respectivement 13% et 6% pour le snus.

L’utilisation de tels produits ne remplace donc pas la consommation de la cigarette conventionnelle, mais vient plutôt s’y ajouter. De fait, pas moins de 10% des garçons et 11% des filles de 15 ans avaient consommé de manière fréquente la cigarette conventionnelle, l’e-cigarette ou/et des produits du tabac à chauffer dans les 30 derniers jours, ce qui représente une nette hausse chez les filles (en 2018, chez ces dernières, le taux était de 6%).

Usages parfois problématiques des activités en ligne

Incontournable, le monde numérique offre de nouvelles opportunités, mais présente aussi des risques. Les jeunes peuvent notamment se trouver exposé·es à des contenus inadaptés à leur âge, tels que de la violence et de la pornographie, à des images de corps idéalisés ou au cyberharcèlement. Il existe aussi un risque de perte de contrôle du temps consacré à certaines activités en ligne. Dans le cadre de l’étude HBSC, une telle perte de contrôle, associée à des répercussions négatives importantes pour la santé, les relations avec l’entourage proche et la scolarité, est appelée « usage problématique ». Ce dernier peut, dans certains cas, aller jusqu’à l’addiction [2]. Ce sont avant tout certains mécanismes intégrés par les développeurs aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux qui sont suspectés d’en être à l’origine (Stortz & Perissinotto, 2024) : des interfaces truquées (dark patterns) visent à influencer les comportements des utilisateur·rices en renforçant la pression à rester connecté·e, notamment afin qu’ils·elles y dépensent de l’argent.

En 2022, l’étude HBSC s’est intéressée pour la première fois à l’usage problématique des jeux vidéo, et relève que 3% des joueur∙euses de 15 ans seraient concerné·es. Ils∙elles sont 18% à jouer souvent pour soulager une humeur négative.

Par ailleurs, cette étude met en exergue un usage problématique des réseaux sociaux pour 7% des jeunes de 15 ans, les filles (10%) bien plus que les garçons (4%). Cela constitue une hausse par rapport à 2018 (le taux était alors de 4%). Environ la moitié des jeunes de 15 ans ont indiqué avoir souvent utilisé les réseaux sociaux pour échapper à des sentiments négatifs.

Renforcer la prévention et l’intervention précoce

Si l’adolescence se présente comme une période de développement et de transition majeure, elle constitue aussi une fenêtre d’opportunités pour des interventions préventives ou de promotion de la santé puisque les habitudes développées durant cette période tendent à se maintenir à long terme (Amstad et al., 2022).

Les résultats de l’enquête HBSC 2022 rappellent combien il est important d’assurer un accès aisé aux offres de prise en charge pour les jeunes emprunts de difficultés sur le plan psychique. Dans l’immédiat, les besoins en matière de prévention sont élevés, et le repérage précoce des problèmes s’avère essentiel pour éviter une évolution vers une forme sévère. Ces mesures devraient aussi bénéficier à la prévention des addictions, pour laquelle des efforts de régulation supplémentaires — telles que la réduction de l’accessibilité et de l’attractivité des produits psychoactifs — sont indispensables pour retarder l’âge d’initiation et éviter l’installation dans un usage régulier.

Les rapports de recherche, feuilles-infos et tableaux statistiques standards concernant l’enquête 2022 sont disponibles sur le site de l’étude et incluent les résultats complets pour les 11 à 15 ans.

Bibliographie

  • Amstad, F., Suris, J., Barrense-Dias, Y., Dratva, J., Meyer, M., Nordström, K., Weber, D., Bernath, J., Süss, D., Suggs, S., Bucher Della Torre, S., Wieber, F., von Wyl, A., Zysset, A., Schiftan, R. & Wittgenstein Mani, A.-F. (2022). Promotion de la santé pour et avec les adolescent-e-s et les jeunes adultes — Résultats scientifiques et recommandations pour la pratique. Rapport 9. Promotion Santé Suisse.
  • Ewing, S. W., Sakhardande, A. & Blakemore, S. J. (2014). The effect of alcohol consumption on the adolescent brain: A systematic review of MRI and fMRI studies of alcohol-using youth. Neuroimage: Clinical, 5, 420-37.
  • McGrath JJ, Al-Hamzawi A, Alonso J, Altwaijri Y, Andrade LH, Bromet EJ et al. (2023). Age of onset and cumulative risk of mental disorders: a cross-national analysis of population surveys from 29 countries. Lancet Psychiatry, 10(9), 668–81. doi:10.1016/S2215-0366(23)00193-1.
  • Stortz, C. und Perissinotto, C. (2024): «Problematische/Risikoreiche Bildschirmnutzung» in der Schweiz. Erkenntnisse und Empfehlungen der nationalen Expert:innengruppe «Onlinesucht». Synthesebericht 2021-2024, Zürich/Lausanne.
  • World Health Organization (WHO) (2019). International statistical classification of diseases and related health problems (11th ed.) World Health Organization : Genève.

[1] En Suisse, cela concerne donc les élèves de la 7e à la 11e année HarmoS.

[2] La Classification internationale des maladies (CIM-11) inclut le diagnostic du trouble (de type addictif) de l’usage des jeux vidéo (WHO, 2019). Elle n’inclut en revanche pas de diagnostic spécifique pour les réseaux sociaux. Un diagnostic de trouble addictif doit être posé dans le contexte clinique et ne peut dès lors être déduit des réponses données par les élèves à l’occasion d’une enquête telle que HBSC.


Lire également :

Comment citer cet article ?

Valentine Schmidhauser et Marina Delgrande Jordan, «Ados: hausse des consommations problématiques», REISO, Revue d'information sociale, publié le 28 octobre 2024, https://www.reiso.org/document/13281

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