Le droit à l’école pour TOUS les enfants
Quels que soient leurs papiers et leur statut, les enfants ont le droit d’aller à l’école. Ce beau principe ne s’est pas imposé sans luttes sociales. Aujourd’hui encore, il est contesté. Eclairages.
Par Marianne Halle, chargée de la communication et des relations extérieures, Centre de Contact Suisses-Immigrés, Genève
Le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur statut, est garanti par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, dont la Suisse est signataire depuis 1997 [1]. Pour le Centre de Contact Suisses-Immigrés de Genève (CCSI), ce droit n’est pas qu’un concept théorique : il est au cœur des luttes menées par le Centre depuis sa fondation et dont l’une des issues a été l’accès aux écoles genevoises pour tous les enfants en 1991. Une soirée, une table ronde, une exposition et des brochures ont célébré ce combat en 2011.
Un combat courageux
Le droit à l’éducation pour tous n’est pas tombé du ciel. Il est le résultat du courage et de l’engagement sans relâche de citoyen-ne-s, ainsi que d’associations de défense des migrant-e-s. Tout commence en 1980, quand les associations prennent conscience de la présence « illégale » en Suisse d’enfants de saisonniers. Le permis de saisonnier ne donnant pas le droit au regroupement familial, de nombreux enfants vivaient alors en Suisse de manière clandestine, enfermés chez eux, sans accès à l’école.
C’est pour remédier à cette situation intenable que le CCSI, en lien avec d’autres partenaires, crée alors l’Association pour la reconnaissance et l’encadrement des enfants sans statut légal (AGRES) qui donne naissance à La Petite École : une école clandestine, pour des enfants clandestins. Au fil des ans, ses défenseurs deviennent plus visibles, grignotent peu à peu des droits, et continuent de faire pression sur les autorités. Leur combat est finalement couronné de succès en 1991 quand l’école genevoise accueille officiellement tous les enfants sans aucune exception. Le canton de Genève fait alors preuve d’un courage certain, puisque c’est contre l’avis de Berne et celui d’une grande partie de l’opinion publique qu’il choisit de prendre les devants sur la question du respect du droit à l’éducation.
Élèves sans-papier en 2011
Dans sa permanence École et suivi social, le CCSI reçoit les familles sans permis de séjour dont les enfants fréquentent l’école primaire. Depuis toujours, des personnes quittent leur pays pour chercher ailleurs une vie meilleure et, tout comme les saisonniers à l’époque, certaines arrivent à Genève avec leurs enfants. Le rôle du CCSI, aujourd’hui comme hier, est de défendre les droits de ces enfants et de leurs familles. Un travail souvent complexe, tant les facteurs dont dépendent le bien-être des enfants sont multiples.
Ainsi, le statut légal du/des parent-s et la politique migratoire de la Suisse ont des répercussions sur les enfants ou adolescents et peuvent les rendre plus vulnérables, notamment en fragilisant l’accès à leurs droits. La peur d’être découvert, la précarité, l’insécurité, l’isolement social, la difficulté de se projeter dans l’avenir sont autant d’éléments qui peuvent nuire au développement psychique, physique et social de l’enfant.
Tous les jours, le CCSI doit se battre non seulement pour faire respecter les droits de ces enfants – dont certains sont menacés, voire violés – mais aussi pour empêcher tout retour en arrière et pour tenter d’ouvrir de nouvelles perspectives. Difficile à assumer dans un climat politique particulièrement hostile, cette tâche doit impérativement être menée à bien pour assurer aux enfants sans statut légal la vie qui devrait être celle de tout enfant partout dans le monde : une vie sereine, dans la sécurité matérielle et affective, auprès de sa famille.
Pour y parvenir, de nombreuses questions se posent encore : dans la pratique, que signifie réellement le respect de la Convention relative aux droits de l’enfant ? Comment mieux faire respecter les droits de l’enfant en Suisse et à Genève ? Ne doit-on pas exiger une régularisation facilitée des familles ?
Osons prendre les routes signalées sans issues
Prenons exemple sur celles et ceux qui, il y 20 ans, malgré les lois et l’opinion générale, ont cru en l’éducation pour toutes et tous. Soyons convaincu-e-s que les droits humains, dont les droits de l’enfant font partie, sont au-dessus de tout. Les enfants sans-papiers doivent être protégés de toute forme de discrimination : défendre la dignité de personnes vulnérables, c’est aussi défendre la nôtre.
- Lire aussi sur REISO : « Quelle formation pour les jeunes sans statut légal ? » et « L’encouragement précoce pour TOUS les enfants »
[1] Face aux récentes déclarations du conseiller d’Etat valaisan Oskar Freysinger, quatre personnes ont demandé à REISO de republier un article de 2011 qui commémorait l’école pour TOUS les enfants. Re-voici donc l’article de Marianne Halle