Plein essor de l’entraide autogérée en Suisse
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Renforcer les compétences en santé des patient·es grâce à une collaboration entre des groupes d’entraide autogérés et des «Hôpitaux favorables à l’entraide» représente une démarche bénéfique pour les patient·es et leurs proches.
Par Sylviane Fellay, chargée de projet Centre Info-Entraide Vaud c/o Bénévolat Vaud, Lausanne, et Elena Konstantinidis, responsable de projet et directrice adjointe Fondation Info-Entraide Suisse, Bâle
L’entraide autogérée en Suisse est un phénomène en pleine expansion. Environ 2’800 groupes d’entraide existent actuellement dans l’ensemble du pays, couvrant une large gamme de thématiques. Quelque 75% d’entre eux sont liés à la santé physique et mentale et sont animés par des personnes concernées par les mêmes défis. Elles y partagent leurs expériences et se soutiennent mutuellement.
En Suisse, les vingt-deux centres et antennes d’Info-Entraide jouent un rôle crucial au déploiement de ces groupes d’entraide autogérés, en leur offrant des ressources, des formations et un accompagnement. Ces centres facilitent également la création de nouveaux groupes et assurent leur visibilité et leur reconnaissance auprès du public et des professionnel·les de santé notamment [1].
Différentes formes de groupes
Les groupes d’entraide autogérés en Suisse sont souvent initiés par des personnes concernées ou leurs proches. Ils peuvent être informels ou disposer d’une charte qui en définit les règles. Le leadership est généralement partagé ou tournant, afin de maintenir un esprit d’égalité et de solidarité. Ces groupes couvrent près de 300 thématiques en Suisse, dans les domaines de la santé mentale, des maladies chroniques, des addictions, ou encore des problèmes sociaux ou familiaux [2].
Rejoindre ce groupe d’entraide a été une bouée de sauvetage pour moi. Partager mes peurs et mes espoirs avec des personnes qui traversent les mêmes épreuves m’a apporté un soutien inestimable. Nous échangeons des conseils pratiques, mais surtout, nous nous comprenons sans jugement. (Marie, membre d’un groupe de soutien pour les personnes atteintes de cancer)
Intégrer l’entraide dans le parcours de soins
Le projet « Hôpitaux favorables à l’entraide » est une initiative visant à intégrer l’entraide autogérée dans le cadre hospitalier, afin d’améliorer la qualité de vie des patient·es et de leurs proches. Lancé par la Fondation Info-Entraide Suisse, il s’appuie sur un modèle de coopération entre les hôpitaux, les centres d’Info-Entraide régionaux et les groupes d’entraide eux-mêmes [3], [4].
En promouvant l’entraide autogérée en milieu hospitalier, son objectif principal est de renforcer les compétences en santé des patient·es, de favoriser leur autonomie et d’améliorer leur capacité à gérer leur propre santé. Pour atteindre ces buts, les hôpitaux et les centres Info-Entraide signent une convention de coopération définissant un cadre de collaboration et un catalogue de mesures à mettre en œuvre. Cette dernière est basée sur six critères de qualité [5] qui doivent être atteints. En parallèle, la Haute école spécialisée de Lucerne évalue la mise en œuvre du projet, et la diffusion du modèle « Hôpital favorable à l’entraide » dans toute la Suisse.
Une collaboration et un modèle de convention
Pour structurer cette coopération, un modèle de convention a été élaboré entre les hôpitaux et les centres Info-Entraide. Cette convention repose sur un engagement mutuel et définit les engagements respectifs de chaque partie prenante. Elle mentionne également les objectifs communs, comme l’amélioration du bien-être des patient·es et le renforcement des compétences en santé, ainsi que les modalités pratiques de collaboration, incluant la mise à disposition d’espaces, l’organisation d’événements conjoints et les modalités de communication. Enfin, il est prévu une évaluation continue, avec la mise en place de procédures visant à mesurer l’impact des groupes d’entraide sur le bien-être des patient·es. Ces évaluations contribuent à adapter les actions en conséquence.
La formation continue parmi les différentes mesures
Pour concrétiser les objectifs du projet, un catalogue de mesures est développé avec les membres du « triangle de coopération », composé par des représentant·es de groupes ou associations d’entraide, l’hôpital, ainsi que le Centre Info-Entraide régional. en complément au modèle de convention. Résidant au cœur de la démarche, ce support inclut des actions spécifiques pour faciliter l’intégration et l’accès aux groupes d’entraide dans les hôpitaux ; c’est ce catalogue qui permettra d’obtenir la certification « Hôpital favorable à l’entraide » si tous les critères sont atteints. Il y figure par exemple la création d’espaces dédiés (réservation de salles dans les hôpitaux pour les réunions des groupes d’entraide), les sessions d’information (pour les patient·es et leurs familles sur les avantages de l’entraide autogérée), la formation continue du personnel hospitalier sur l’importance des groupes d’entraide et leur rôle dans le soutien aux patient·es, ou encore la collaboration étroite et régulière entre les coordinateur·trices des groupes d’entraide et les services hospitaliers. Enfin, le catalogue de mesures insiste sur l’accès aux ressources, comme la distribution aux patient·es de brochures et de guides pratiques sur les groupes d’entraide disponibles.
Témoignages et exemples de mises en œuvre
1. Centre hospitalier de Bienne : le Centre hospitalier Bienne [6] est le premier avec une patientèle romande à avoir obtenu la certification « Hôpital favorable à l’entraide » pour l’ensemble de l’institution. Son engagement dans ce projet a permis d’améliorer la communication entre les patient·es, les proches et le personnel médical, créant ainsi un environnement propice à l’entraide et au soutien mutuel.
2. Service de radiologie du Réseau hospitalier neuchâtelois : Une vidéo [7] illustre comment ce service a intégré le modèle « Hôpital favorable à l’entraide », facilitant ainsi l’accès des patient·es à des groupes d’entraide et améliorant leur parcours de soins.
Ces exemples témoignent de l’atout précieux pour les hôpitaux que représente l’entraide autogérée, laquelle contribue non seulement à la santé et au bien-être des patient·es, mais aussi à l’efficacité et la continuité des soins prodigués.
Coopération avec les membres des groupes d’entraide
La coopération avec les membres des groupes d’entraide représente un élément clé du succès de ce projet. Ces personnes peuvent s’emparer de plusieurs rôles essentiels au fonctionnement d’un groupe. Par exemple, les facilitateur·trices prennent en charge la facilitation des réunions, aidant à structurer les discussions et à assurer une participation équitable. Cette fonction est généralement assurée par des membres expérimentés.
Les ambassadeurs et ambassadrices de l’entraide participent à des sessions d’information pour partager leurs témoignages et encourager d’autres patient·es à rejoindre les groupes. Enfin, les contributeurs et contributrices aux formations partagent leur vécu et leur perspective personnels lors des formations continues des professionnel·les des soins dans les hôpitaux.
Avis unanimement positifs
Le premier rapport intermédiaire [8] montrent des résultats prometteurs. Il en ressort notamment des collaborations avec l’entraide désormais ancrées dans la durée. Celles-ci permettent aux professionnel·les et aux groupes de se rencontrer sur un pied d’égalité, favorisant l’acquisition de nouvelles compétences [9] pour chaque personne impliquée.
Ainsi, les retours positifs des participants et des professionnel·les de santé encouragent l’expansion de l’initiative « Hôpitaux favorables à l’entraide ». Il est envisagé d’étendre le projet à d’autres hôpitaux et organisations de santé en Suisse, avec un accent particulier sur la formation continue du personnel pour intégrer pleinement la culture de l’entraide autogérée dans le parcours de soins.
Amélioration du soutien aux patient·es
L’entraide autogérée en Suisse et le projet des « Hôpitaux favorables à l’entraide » représentent une avancée significative dans le soutien aux patient·es. En intégrant les principes de solidarité et de partage d’expériences dans le milieu hospitalier, ces initiatives montrent comment la collaboration entre professionnel·les de la santé et groupes d’entraide peut enrichir le parcours de soins et renforcer les compétences en santé des patient·es.
L’avenir de ces initiatives repose sur la reconnaissance continue de l’importance de l’entraide autogérée et sur l’engagement des institutions de santé à soutenir et promouvoir ces pratiques. Au vu des retours documentés dans les évaluations, ce dernier s’annonce positif.
[1] Voir aussi dans le magazine Competence – article paru le 4.10.2022
[2] Liste des sujets de groupe – site internet d’Info-Entraide Suisse
[3] Ce projet bénéficie d’un appui financier de Promotion Santé Suisse jusqu’à fin 2025. Promotion Santé Suisse
[4] PSS – Soutien au projet
[5] Pour des informations détaillées ou télécharger la brochure, voir le site
[6] Article de blog du 31.08.2023
[8] Lire le rapport intermédiaire
[9] Des déclarations sur l’effet du modèle à l’hôpital – article du magazine Soins infirmiers 11-2023
Lire également :
- Rémi Bays, «Grâce aux pair·e·s, la vie peut reprendre son cours», REISO, Revue d'information sociale, publié le 9 novembre 2023
- Marie Torres et Yaël Liebkind, «Des cercles d’écoute au service du bien-être social», REISO, Revue d'information sociale, publié le 7 juillet 2022
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Comment citer cet article ?
Sylviane Fellay et Elena Konstantinidis, «Plein essor de l’entraide autogérée en Suisse», REISO, Revue d'information sociale, publié le 19 août 2024,https://www.reiso.org/document/12924