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Le soutien aux familles d’enfants autistes

Jeudi 18.04.2013
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Des pédagogues interviennent à domicile pour des enfants rencontrant des difficultés dans leur développement, dont des troubles du spectre autistique. Ces soutiens sont précieux, mais pas assez attentifs aux fratries.

Par Sophie Pralong, bachelor en travail social, et Sarah Dini, adjointe scientifique, Haute Ecole de travail social, HES-SO Valais-Wallis

Les troubles du spectre autistique (TSA) représentent un ensemble de troubles perturbant le développement de l’enfant dans les domaines des interactions sociales réciproques, des modalités de communication et du répertoire comportemental. L’enfant qui présente un TSA peine à entrer en interaction avec son entourage et parvient difficilement à effectuer des apprentissages, faute de tendance naturelle à l’imitation. De plus, l’acquisition de compétences sociales et comportementales de base est régulièrement entravée par la grande comorbidité souvent associée aux TSA (retard mental, hypersensibilité au bruit, à la lumière, hyperactivité, trouble oppositionnel). En l’absence de compétences pour exprimer ses besoins et ses émotions, l’enfant peut alors adopter ce que l’on nomme des comportements-défis (automutilation, agression, prise de risques…), qui mettent en danger l’enfant et son entourage.

Bien que le diagnostic de TSA puisse être posé dès l’âge de 3 ans, la détection de signes de retards de développement peut se faire de manière plus précoce, ce qui rend possible la mise en place d’une intervention bien avant l’entrée de l’enfant à l’école. Dans le canton de Vaud, peu de structures spécialisées accueillent ces enfants en bas âge dont les difficultés demandent une prise en charge bien spécifique. Les Services éducatifs itinérants (SEI) offrent toutefois un suivi hebdomadaire au domicile d’enfants de 0 à 6 ans rencontrant des difficultés dans leur développement, notamment dans le cas de TSA. Dans ce cadre, les professionnel∙le∙s du SEI, en intervenant à domicile, peuvent travailler en étroite collaboration avec les familles et soutenir ces dernières.

L’intervention sur le terrain

Cet article présente les résultats d’un travail de bachelor en éducation sociale, qui s’intéresse au soutien à domicile procuré par ces professionnel∙le∙s aux familles d’enfants porteurs d’un TSA. Afin d’y répondre, six pédagogues en éducation précoce spécialisée (peps) travaillant au sein des trois SEI du canton de Vaud ont été interrogés. Le contexte de prise en charge impliquant inévitablement de prendre en considération l’environnement de l’enfant, l’optique était de comprendre comment le soutien aux familles se concrétise durant l’intervention.

Comportements imprévisibles et incompréhensibles, difficulté à donner un sens et à se servir du langage verbal et non-verbal, ignorance des règles de réciprocité, centres d’intérêt restreints sont certaines des caractéristiques des TSA. Autant d’éléments qui rendent difficile la vie des parents et de la fratrie, qui peuvent vivre alors au quotidien des situations sources d’un stress important. Entre des parents souvent accaparés et épuisés par l’énorme investissement que demande l’éducation d’un enfant TSA, et une fratrie souvent délaissée ou mise à contribution dans les soins de leur frère ou de leur sœur, c’est toute la vie familiale qui se retrouve chamboulée.

Ces familles nécessitent donc bien souvent un soutien sur de nombreux plans, parmi lesquels on retrouve notamment le besoin d’être informés sur le trouble de l’enfant et les possibilités de prise en charge (Squillaci et Lanners, 2009). Par ailleurs, les travaux en psychologie de la santé montrent que, pour faire face à une situation source de stress, une personne peut chercher le soutien de l’entourage et/ou de professionnel∙le∙s si ses ressources personnelles ne sont pas suffisantes. Ainsi, il s’avère que des situations impliquant un stress important et chronique nécessitent un soutien « social » (Bruchon-Schweitzer, 2002). Cela se traduit par différents types de besoins, à savoir être informé, être écouté et rassuré, être valorisé ou encore disposer d’une aide matérielle et financière. Ainsi, il est question ici de mettre en évidence ces différents aspects du soutien, tel qu’il est dispensé non seulement auprès des parents, mais également auprès de la fratrie.

Le soutien à la fonction parentale

Dans les entretiens effectués, les peps relèvent qu’un des parents est généralement présent durant les séances avec l’enfant, ce qui lui permet de s’inspirer des gestes, des attitudes adoptés par l’intervenant∙e, ainsi que des exercices proposés à l’enfant et de les reproduire ensuite au quotidien. Les peps peuvent suggérer, par le biais de discussions régulières, des pistes de réflexion et/ou d’action en fonction des besoins et des questionnements des parents. A l’inverse, les parents sont consultés régulièrement et représentent pour les peps une source d’information importante. Ils connaissent leur enfant mieux que quiconque et sont considérés comme les plus à même de renseigner les professionnel∙le∙s en ce qui le concerne. Parents et professionnel∙le échangent donc régulièrement au sujet de l’enfant, du trouble et des possibilités de prise en charge. Les peps peuvent faire part aux parents des diverses associations ou groupes de parole auxquels ils peuvent adhérer en fonction du trouble et des difficultés de leur enfant. Certains proposent également d’accompagner les familles dans une démarche d’explication du trouble à l’entourage.

Au SEI, un accent particulier est mis sur le soutien à la fonction parentale. Il ressort des entretiens effectués que tous les aspects du soutien social, tel qu’il est conçu par la psychologie de la santé, sont globalement couverts. En effet, outre l’échange d’informations déjà évoqué, les peps apportent également un soutien émotionnel par une écoute active des ressentis des parents, ainsi qu’un soutien d’estime en rassurant et en valorisant les parents sur leurs compétences. Enfin, pour ce qui se rapporte à un soutien financier ou matériel, les peps peuvent parfois procurer aux parents un accompagnement dans les démarches administratives ou alors réorienter les parents vers le réseau approprié (par exemple les Besoins spéciaux de la petite enfance de Pro Infirmis Vaud ou Solidarité Jouets du Secrétariat d’Etat à l’économie).

Quant aux fratries, elles sont très peu prises en compte dans l’intervention. En effet, certaines sont absentes lors des séances alors que d’autres sont encore trop jeunes pour exprimer des difficultés face au trouble de leur frère ou de leur sœur. La littérature fait cependant état de difficultés observées chez un certain nombre de fratries d’enfants TSA : attitude de repli, d’effacement ou encore adoption d’un rôle parentifié sont souvent évoquées (Scelles, 2008). Ces difficultés dépendraient toutefois de facteurs multiples, tels que la gravité du trouble, le nombre d’enfants qui constituent la fratrie, l’environnement familial, le réseau de soutien, etc.

Les parents bénéficient d’un soutien important de la part des peps. Ils participent pleinement au projet de prise en charge de leur enfant, sont très impliqués dans l’intervention. Les peps interrogés proposent toutefois, pour améliorer le soutien aux parents, de partager leur intervention en deux étapes. Ils commenceraient par observer l’enfant en interaction avec son entourage, ce qui leur permettrait de baser leur action sur la considération du système familial dans son ensemble. Dans un deuxième temps, les parents seraient intégrés à la démarche d’évaluation de la situation et de prise en charge de leur enfant, permettant aux peps de prendre en compte leurs observations, leur connaissance de l’enfant et leurs compétences en ce qui concerne sa prise en charge.

Les fratries oubliées dans plusieurs cantons

La principale lacune identifiée dans la prise en charge offerte par les SEI concerne le soutien aux fratries qui sont peu présentes lors des interventions. Ici, une question fait débat : faut-il davantage sensibiliser et former les peps en ce qui concerne les questions de la fratrie ? Car ce soutien n’est pas inscrit dans le mandat du SEI. Quoi qu’il en soit, le soutien à la fratrie est à prendre en compte et il apparaît important d’explorer les services existants dans le canton qui offrent un soutien spécifique à ces fratries et de vérifier si le soutien offert est suffisant et adapté aux problématiques réelles rencontrées par les frères et sœurs d’enfants avec un TSA. L’association de proches de personnes handicapées mentales Insieme Vaud propose, par exemple, un groupe de parole pour frères et sœurs mineurs d’enfants en situation de handicap, mais ce groupe vise uniquement les enfants de 6 à 11 ans, le groupe de parole pour les « proches adultes » étant accessible dès 16 ans. Dépendant du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), le Service Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (SUPEA) propose également des groupes d’entraide pour frères et sœurs. Ces groupes ne sont cependant pas spécifiques à des fratries d’enfants TSA.

En ce qui concerne le canton de Genève, suite au constat d’une demande croissante d’un appui pour les frères et sœurs, l’association Autisme Genève a monté récemment (juin 2012) un projet de groupes de parole « fratries », dont les intervenants travaillent dans le milieu de l’autisme. Ces groupes sont ouverts aux enfants entre 5 et 16 ans et se réunissent trois fois par année. A ce jour, il n’existe cependant aucune mesure de soutien aux fratries organisée par l’Etat. En Valais, bien que les parents aient la possibilité de s’adresser au Centre pour le Développement et la Thérapie de l’Enfant et de l’Adolescent en cas de besoin, aucune structure n’est spécialisée dans le soutien aux fratries d’enfants TSA.

Il semble donc que le soutien offert aux fratries d’enfants TSA en Suisse romande reste aujourd’hui très lacunaire. Espérons que des projets comme celui monté récemment par Autisme Genève permettront d’appuyer les besoins de ces fratries et de mettre en place davantage de structures spécialisées pour y répondre.

Références
- Autisme Suisse romande (2013). Association de parents, amis et professionnels concernés par l’autisme.En ligne.
- Bruchon-Schweitzer Marilou (2002). Psychologie de la santé – Modèles, concepts et méthodes. Paris : Dunod.
- Insieme Vaud (2012). Association de proches de personnes handicapées mentales. En ligne.
- Pralong Sophie (2012). Troubles du spectre autistique : soutenir les enfants, soutenir les familles. Sierre : Travail de bachelor en travail social, Haute école spécialisée du Valais.
- Scelles Régine (2008). Les adolescents et les adultes – Frères et sœurs face au handicap, de l’enfance à l’âge adulte. In C. Bert, La fratrie à l’épreuve du handicap (pp 89-108). Érès : « Connaissance de la diversité »
- Squillaci Lanners Myriam, Lanners Roger (2010). Impact de l’autisme sur la famille : apport des recherches génétiques et psychosociales.En ligne.

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