Répit pour les mesures médicales de l’AI
Les familles des enfants en situation de handicap ou souffrant d’une infirmité congénitale ont été partiellement entendues. L’évaluation fédérale des « mesures médicales » de l’AI reconnaît l’importance de ces prestations.
Par Nathalie Bluteau, cheffe de service et case manager, Pro Infirmis Vaud
Le contexte
La remise en cause politique des « mesures médicales » de l’assurance invalidité a inquiété les familles des enfants en situation de handicap ou souffrant d’une infirmité congénitale. Ces craintes ont été décrites dans l’article Quel avenir pour les mesures médicales de l’AI ? publié par REISO le 14 janvier 2013. Sophie Rohner-Bascsinszky y soulignait les importants enjeux, notamment financiers (692 millions en 2010) sur cette prestation méconnue [1]. Le rapport final détaillé du Contrôle fédéral des finances [2] permet de rassurer, du moins en partie, les familles concernées et les institutions qui les soutiennent. La prise de position et les commentaires de Pro Infirmis Vaud sur cette évaluation fédérale.
En 2012, Pro Infirmis Vaud a été audité par le Contrôle fédéral des Finances ; trois cadres et une assistante sociale ont rencontré les auteurs de ce rapport d’évaluation. Pro Infirmis a été sollicité pour sa connaissance des mesures médicales et parce que le conseil social précoce est particulièrement développé dans le canton de Vaud. Intervenant souvent juste après une annonce de diagnostic, le service Besoins spéciaux de la petite enfance (BSPE) rencontre chaque année environ 140 nouveaux enfants atteints dans leur santé, entre la naissance et l’âge de 7 ans. Pro Infirmis peut donc légitimement apporter son expertise dans le cadre de l’application des mesures médicales.
Autisme, paralysie cérébrale et prématurité
Il est intéressant de faire des parallèles entre plusieurs éléments saillants du rapport du Contrôle fédéral des Finances et les observations faites par notre service spécialisé ces dix dernières années. Prenons plus particulièrement les exemples suivants :
• Sur l’ensemble de la liste de l’Ordonnance concernant les infirmités congénitales (OIC), une quinzaine de maladies dont l’autisme (troubles du spectre autistique), les paralysies cérébrales et les mesures médicales pour la prématurité représentent à elles seules 60% de l’augmentation des coûts. Les mineurs avec une épilepsie, une paralysie cérébrale ou des troubles du spectre autistique ne concernent que 10% des mesures médicales octroyées alors que leurs coûts sont équivalents à 40% de l’ensemble des prestations. A relever que ces enfants bénéficient également d’une allocation pour mineurs impotent et de moyens auxiliaires.
• En 2010, les plus grandes dépenses pour les mesures médicales sont engendrées par les assurés ayant une paralysie cérébrale, soit plus de 65 millions de francs.
Les statistiques du conseil social précoce de Pro Infirmis Vaud permettent d’observer très précisément la forte augmentation des enfants ayant un diagnostic de troubles du spectre autistique. En 2012, cette population a représenté 17% des quelque 500 enfants suivis dans l’année, soit la proportion la plus importante des nouveaux enfants suivis. Nous observons également clairement une augmentation du nombre d’enfants ayant une paralysie cérébrale (souvent un polyhandicap) et une épilepsie.
Sur les indications des Offices cantonaux de l’AI, le rapport du Contrôle fédéral des Finances mentionne à plusieurs reprises la complexité de la gestion de ces cas, tout en relevant une grande disparité dans le management de ces situations d’un canton à l’autre. Il est évident qu’elles sont fort complexes à gérer, non seulement en raison de la pluri-pathologie de ces diagnostics, mais également en lien avec l’évolution de la médecine et de la prise en charge de ces affections congénitales. Prenons l’exemple du chiffre OIC 387 (épilepsie) qui requiert parfois une prise en charge à réadapter sans cesse ; la chirurgie de l’épilepsie ainsi que les régimes cétogènes font partie désormais des pistes de traitement des épilepsies réfractaires. Les enfants concernés ont besoin de prises en charge multiples, chroniques et coûteuses. Et s’y ajoutent presque systématiquement d’autres prestations de l’AI, une allocation pour mineur impotent, l’octroi de moyens auxiliaires voire des moyens de traitement.
Vers des décisions plus claires et plus justes
Nous ne pouvons que saluer certaines observations et recommandations du Contrôle fédéral des Finances. Par exemple la recommandation de « revisiter la liste des infirmités congénitales ». Cela devrait permettre, à notre sens, non seulement aux médecins attribuant un chiffre de la liste OIC mais également aux Offices AI d’être moins confrontés à une sorte de « codage » des infirmités parfois peu clair, voire soumis à des interprétations variables. Toujours à notre sens, le stress et souvent l’incompréhension vécus par les parents dans la lecture des décisions de l’Assurance Invalidité seraient probablement moins violents.
Il n’est pas anodin de constater que les décisions de l’AI sont souvent très peu claires pour les parents et qu’elles contribuent à leur sentiment de colère et de traitement injuste. Des ressentis qui, selon notre expérience, sont contre-productifs dans le chemin d’adaptation qu’ils aménagent jour après jour.
De manière générale, nous constatons les mêmes disparités que le Contrôle fédéral des Finances, avec de grandes différences dans l’application des mesures médicales selon les cantons.
Nous nous rallions également à la proposition d’un nécessaire pilotage très clair de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). A ce propos, saluons la recommandation qui précise que « l’OFAS doit veiller à ce que les cas complexes soient identifiés et suivis de manière cohérente et systématique », avec à la clé la mise en place d’un système de gestion de type case management. Cette pratique est déjà répandue à Pro Infirmis et appliquée de plus en plus fréquemment dans la consultation sociale. Elle amène un réel bénéfice pour les personnes en situation de handicap ; Pro Infirmis pourrait sans aucun doute apporter ses compétences et son expertise pour la gestion des situations complexes.
Organisation de défense des droits des personnes en situation de handicap, Pro Infirmis doit s’inquiéter d’un éventuel transfert de charges des mesures médicales de l’Assurance Invalidité à la LAMal. Un tel report de charges risque non seulement d’augmenter les primes des assurances maladie de base mais surtout d’aboutir à une diminution drastique des prestations pour les enfants concernés. Dans son rapport final, le Contrôle fédéral des Finances semble peu favorable à ce transfert de l’AI vers la LAMal, mais il faut rester attentif car ce changement n’est pas pour autant clairement exclu…
[1] Rappelons que ces prestations englobent les mesures de réadaptation (à ne pas confondre avec les traitements médicaux proprement dit) et les mesures nécessaires au traitement des infirmités congénitales (définie dans une liste exhaustive) pour les personnes jusqu’à 20 ans.
[2] Présentation de ce rapport final sur REISO.