Le profil méconnu de l’assistant·e socio-éducatif·ve
Quel est le rôle des assistantes et assistants socio-éducatifs ? Une enquête menée dans les EMS fribourgeois montre que les contours de cette profession restent flous et touchent au travail social, aux soins et à la transdisciplinarité.
Par Catherine Fleury Meizoso, travail de bachelor à la HETS Fribourg
Avec l’introduction, en automne 2008 [1], de postes d’assistante et d’assistant socio-éducatif (ASE) dans les équipes professionnelles accompagnants les enfants, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées en institution, de nombreuses questions sont soulevées. En effet, ce nouveau métier du social, reconnu par un certificat fédéral de capacité, vient modifier le profil des équipes et fait émerger de nouveaux enjeux.
Selon deux articles [2] parus en 2009 et 2012, l’impact de cette modification est plus marqué dans les établissements médico-sociaux (EMS) que dans les autres milieux. Il apparaît que l’identité de l’ASE en EMS est non seulement en construction et en négociation, mais que, de plus, les directions ne savent pas encore si elles doivent rattacher ces professionnel-le-s au secteur des soins ou à celui de l’animation. Un des articles relève le fait que la collaboration des ASE avec leurs collègues semble plus complexe dans les EMS que dans les crèches ou les foyers pour personnes en situation de handicap. Qu’en est-il aujourd’hui, avec quelques années d’expérience supplémentaires ?
En 2015, une enquête de terrain menée dans le cadre d’un travail de bachelor en travail social [3] a mis en lumière la situation actuelle de la pratique des ASE en EMS dans le canton de Fribourg, tout en interrogeant leur identité et leur reconnaissance au sein de l’institution, leur collaboration avec les équipes, ainsi que les difficultés d’intégration qui subsistent à ce jour.
Premièrement, le choix du secteur adéquat semble plus clair aujourd’hui qu’il y a quelques années, du moins dans les institutions fribourgeoises étudiées. En effet, de nombreux EMS ont choisi de placer les ASE en animation et non pas dans les soins. Cette décision convient-elle aux professionnel·le·s ? Les ASE interrogé·e·s ont régulièrement soulevé que leur formation n’est pas en adéquation avec la réalité de terrain, les règlements de la dotation en personnel et les exigences de financement. A leurs yeux, soit leur formation comporte trop de cours sur les soins pour travailler ensuite en animation, soit elle n’en compte pas assez pour rivaliser avec les assistant-e-s en soins et santé communautaire (ASSC) du secteur des soins (autre formation CFC).
Selon les entretiens menés, la presque totalité des ASE ne souhaitent pas travailler dans les soins. Ce secteur d’activités est peu apprécié et les répondant·e·s semblent s’attendre à travailler dans un autre domaine, l’animation en particulier. Ces constats ont mis en lumière un questionnement plus général sur la reconnaissance et l’identité de ce métier.
Connaissance et reconnaissance de la fonction d’ASE
Plusieurs indicateurs montrent que la fonction de l’ASE est peu connue ou peu reconnue dans les EMS. Ce manque de « re-connaissance » se révèle notamment par le fait que la grande majorité des ASE n’ait reçu ni cahier des charges, ni descriptif de fonction correspondant à leur métier.
Autre indice : la plupart des collègues – et parfois même les directions – ne les différencient pas des animateurs et animatrices œuvrant au sein de l’institution.
Dernier indice, le plus intéressant probablement : les ASE ont de la peine à décrire leur propre fonction et à se différencier des autres professionnel·le·s de l’institution. En effet, non seulement les personnes interrogées ont des difficultés à donner une définition de l’accompagnement socio-éducatif, mais elles ont en plus une forte tendance à assimiler leur travail à celui des animateurs et animatrices, parfois même sous forme de lapsus, se qualifiant d’animateurs et animatrices. Une personne interrogée a souligné que cette formation a été appelée CFC d’assistant·e socio-éducatif·ve, mais qu’elle aurait tout aussi bien pu s’appeler CFC d’animateur·trice.
Les enjeux sont là importants : le rôle de l’animateur·trice n’est en effet pas identique à celui d’ASE, sa fonction non plus. A leur tour, les ASE méconnaissent les formations de leurs collègues et peuvent donc difficilement différencier les compétences inhérentes aux diverses tâches développées dans le travail quotidien. Une définition ainsi qu’une reconnaissance des compétences des autres professionnel·le·s sont pourtant des conditions pour un certain confort dans le travail en équipe [4].
Des collaborations pas toujours aisées
Dans les EMS, la collaboration devient fortement interdisciplinaire. Les ASE collaborent principalement avec les professionnel·le·s des soins, mais aussi avec celles et ceux de l’intendance, de la cuisine et de l’administration. Avec les personnes des secteurs de l’intendance ou de la cuisine, la collaboration semble plutôt aisée. Elle permet aux ASE de mettre en œuvre leurs projets d’accompagnement pour les résident·e·s parce qu’elle facilite leurs diverses démarches en lien avec l’accompagnement, notamment au niveau logistique ou organisationnel. Avec l’équipe soignante, la collaboration semble plus complexe bien que plus fréquente. L’équipe soignante joue un rôle complémentaire dans le travail de l’ASE parce qu’elle permet une prise en compte plus globale et pose un autre regard sur les résident·e·s. Elle vient compléter et enrichir les prestations de l’accompagnement socio-éducatif.
Les ASE évoquent cependant des tensions régulières avec les soignant-e-s, dues en grande partie à des logiques professionnelles différentes ou alors à la non reconnaissance de leur travail. Durant les entretiens, elles et ils ont souligné à maintes reprises que leur travail est peu connu et, donc, peu reconnu. Comme l’introduction de cette profession dans les établissements pour personnes âgées est récente, elles et ils doivent constamment se battre pour se faire entendre et justifier l’accompagnement proposé au sein de l’établissement. Les ASE ont l’impression que ce manque de reconnaissance provient principalement, mais pas uniquement, des soignant·e·s. L’accompagnement proposé est parfois mal considéré et les collègues des soins auraient le sentiment qu’il s’agit simplement de sorties, d’activités ludiques ou de passe-temps, sans se rendre compte du but « thérapeutique » qui justifie leurs prestations. Les ASE doivent donc se défendre dans les colloques de soins, et argumenter sur les accompagnements proposés.
Entre soins et social, quelle complémentarité ?
Le métier d’ASE est toujours en recherche d’identité. Les besoins sociaux des résident·e·s en EMS apparaissent de plus en plus distinctement. L’Association fribourgeoise des institutions pour personnes âgées et les directions des homes sont en pleine réflexion quant à la dotation du personnel médico-social. C’est sur un rythme lent que les employeurs engagent des personnes du domaine social, domaine dont les représentations évoluent actuellement. Les ASE en font partie et entrent dans un milieu encore dominé par l’approche médicale. Le défi majeur pour ce nouveau métier sera donc de motiver les partenaires à construire un profil professionnel solide et des références auxquelles se fier pour mener à bien sa mission.
[1] En 2008 dans le canton de Fribourg, un peu plus tôt dans le reste de la Romandie.
[2] Perriard, V., & Castelli Dransdart D.A. (2012). Développement de la nouvelle profession d’assistant socio-éducatif. Actualité sociale, 41. Berne, Suisse : AvenirSocial. 3-5.
Perriard, V., Castelli Dransdart D.A., & Zbinden Sapin V. (2009). Une identité à construire. Actualité sociale, 22. Berne, Suisse : AvenirSocial. 4-5.
[3] Fleury Meizoso, C. (2015). La pratique des ASE et leur collaboration avec les équipes professionnelles dans les établissements médico-sociaux du canton de Fribourg : des enjeux sociaux en milieu médical (travail de Bachelor). Haute école de travail social Fribourg, Givisiez, Suisse. Disponible en format pdf sur le site internet du Gérontopôle Fribourg
[4] Mucchielli, R. (2013). Le travail en équipe : clés pour une meilleure efficacité collective. Issy-les-Moulineaux, France : ESF.
Merci pour cet éclairage très intéressant.
Florence Chappuis, Aubonne