Prévention du jeu excessif avec Rien ne va plus
Créé en 2000, Rien ne va plus est un centre de prévention spécialisé, unique à Genève, pour les personnes concernées par les problèmes de jeu d’argent et leurs proches.
Par Gwenaëlle Sidibé, coordinatrice, Rien ne va plus, Genève
Rien ne va plus (RNVP) [1] a pour objectifs d’informer et de sensibiliser le public et les professionnels ainsi que d’orienter les demandes d’aide et de contribuer à une réflexion sur l’éthique de l’offre de jeu dans la société. Par l’accueil et l’écoute, l’association vise à offrir, sur une base gratuite et confidentielle, un accès précoce au réseau d’aide disponible.
L’orientation s’effectue sur la base d’une excellente connaissance des ressources existantes et d’une action de proximité soutenue auprès de l’ensemble des partenaires des secteurs sociaux, sanitaires, éducatifs et juridiques, ainsi que des opérateurs de l’industrie des jeux. L’association travaille en collaboration avec le réseau psychosocial de Genève, les autres cantons romands, la France voisine et d’autres centres spécialisés en Europe. L’antenne de premier recours fonde son action sur les grands principes de la prévention primaire et secondaire, en lien avec l’évolution de l’offre de jeu et de son incidence sur la population.
Notre association est composée d’un comité de membres bénévoles et actifs dans le champ médico-social et d’une équipe d’intervenant·e·s spécialisé·e·s dans le domaine des addictions. Les projets qu’elle développe tendent à favoriser une meilleure reconnaissance du jeu excessif en tant que problème de santé publique.
Rien ne va plus gère également le numéro romand 0800.801.381 sur mandat du Programme intercantonal de lutte contre la dépendance du jeu [2]. Ce numéro gratuit et anonyme est accessible 24h/24 (avec le relais de la Main Tendue). Il permet ainsi de saisir comment évolue l’intégration des jeux dans le tissu social et quelles sont les problématiques soulevées. En 2011, sur un total de 490 appels téléphoniques, 218 appels ont représenté des demandes d’aide de joueurs et de proches, 272 appels ont eu pour origine le réseau professionnel.
L’information et la formation
Nous proposons de nombreuses autres prestations comme un espace d’accueil collectif, des entretiens individuels, du matériel d’information et de la formation. Dans ce dernier registre, depuis 2005, Rien ne va plus intervient dans le programme de cours « Jeu responsable » de la Loterie Romande auprès des dépositaires de distributeurs de loterie électronique. De plus, des intervenant·e·s forment tout au long de l’année des étudiant·e·s (Ecole de soins infirmiers, Centre de formation professionnelle de santé et du social, HETS, etc.) et des professionnel·le·s de terrain. Des sensibilisations ont aussi lieu dans les réseaux sociaux, les milieux scolaires et les centres d’animation.
A noter que 2013 sera l’année de lancement d’un nouveau centre des addictions à Genève, Carrefour AddictionS, une faîtière qui va regrouper les associations RNVP (jeu), CIPRET (tabagisme) et FEGPA (alcoolisme). Ce centre sera un « lieu ressource » sur la question des addictions, un pôle d’expertise à l’origine d’activités nouvelles et transversales à destination des personnes concernées, des professionnels et du grand public.
L’essor des jeux en ligne et le projet LIVE
Depuis 2011, Rien ne va plus s’est doté de nouvelles compétences sur la question des jeux en ligne. Qu’il s’agisse de jeux d’argent ou de jeux vidéo, ces offres ont en effet énormément augmenté sur internet. Concernant les jeux vidéos, notre but est de sensibiliser à la problématique du jeux excessif virtuel en formant les professionnel·e·s des milieux éducatifs et socioculturels, mais également en intervenant dans les lieux d’offre d’accès à internet, pour susciter un dialogue avec les parents et les jeunes touchés par ce phénomène.
Sur ces jeux en ligne, nous avons trois objectifs principaux :
- transmettre aux multiplicateurs de la prévention les outils leur permettant de mettre en place ou de poursuivre des actions de prévention ;
- donner la parole aux jeunes en leur permettant d’intervenir comme « experts » de la pratique du jeux virtuels et animer des espaces d’échanges entre eux et avec les adultes ;
- utiliser l’outil culturel pour faire passer des messages préventifs auprès du grand public et principalement des jeunes.
Un vaste projet de prévention du jeu virtuel intitulé « LIVE », acronyme de Liens virtuels excessifs, se met en place pour 2013 avec de nombreux partenaires. Dans un premier temps, c’est sous la forme de l’histoire de Yoko-ni (« en marge » en japonais) que le public sera amené à réfléchir. Cette pièce de théâtre, montée par la compagnie « Les voyages extraordinaires » [3] et le théâtre Alchimic, aborde l’histoire d’un de ces « retranchés », Yoko-ni, à travers sa vie virtuelle et sa quête désespérée pour ne jamais avoir à la quitter. L’histoire commence sous forme de conte, dans un monde merveilleux où tout est possible. Le personnage principal est un héros populaire, un combattant hors pair, entouré d’amis fidèles et de femmes aimantes. Peu à peu, le conte s’estompe et apparaissent les écrans qui envahissent la chambre du héros, isolé du monde depuis plusieurs mois. Nous suivons ses derniers jours, ses tentatives de survivre, gâchées par son incapacité à se supporter. Entouré par d’autres joueurs occasionnels, Yoko-ni ne parvient pas à gérer son addiction et perd pied. Si elle finit tragiquement, l’histoire est aussi drôle et enlevée, les personnages changeant sans cesse de physique et de jeu, passant du combat sanglant à une scène de foyer virtuel, avec femme, enfants et soucis de bureau.
Cette pièce de théâtre fournit la base sur laquelle l’association Rien Ne Va Plus et ses partenaires – la compagnie, le théâtre, la Maison de Quartier des Accacias et Infor’jeune – vont s’appuyer pour développer les actions et les réflexions. Par l’élaboration de matériel de prévention, le projet LIVE entamera le second acte : animations de groupes de discussion en lien avec le spectacle, cafés-parents, ateliers dans les classes, groupes de discussion dans les maisons de quartier, etc.
Accessible partout et à toute heure…
Les jeux d’argent en ligne constituent un facteur d’aggravation de la dépendance au jeu. Ils sont pratiqués de manière croissante chez les personnes que nous recevons en consultation. Les nouveaux casinos en ligne et les sites de paris accessibles partout et tout le temps (par ordinateur, téléphone mobile, tablette) provoquent un risque d’addiction accru et, de plus, facilitent l’accès des mineurs qui sont ainsi exposés très tôt au risque d’addiction ainsi qu’à celui de l’endettement. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Rien ne va plus projette de s’adjoindre tous les partenaires du réseau pour former une veille active et constante sur l’évolution de ces jeux en ligne.
- Vignette photo : Extraite de Yoko-ni Dedale of Mina © Daniel Balmat, Brian Tornay et Christian Denisart.
[1] Rien ne va plus : site internet.
[2] Lire le dernier dossier du Programme intercantonal de lutte contre la dépendance du jeu : « Jeux d’argent et société - trois recherches novatrices ». Communiqué et vidéos en ligne.
[3] Les voyages extraordinaires : site internet.