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Donner un rein à un proche pour lui redonner vie

Lundi 17.10.2022
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Donner l’un de ses reins de son vivant est une expérience éprouvante et intime, qui permet à la personne malade de recommencer à vivre, loin de l’angoisse et des appareils de dialyse. Témoignage d’un fils et de son père.

Par Michael et George Duruz, fils et père, donneur et receveur d’une greffe de rein

« Durant l’été 2020, au sortir du semi-confinement imposé pour lutter contre le Covid-19, nous avons appris que mon papa, George, atteignait le stade terminal de la maladie des reins. Lorsque l’on se trouve à ce stade, il ne reste plus beaucoup d’options : soit on peut recevoir une greffe, soit on s’astreint à des dialyses jusqu’à la fin de ses jours (lire l’encadré ci-dessous).

Face à cette annonce, notre famille s’est immédiatement mobilisée. Les deux sœurs de mon papa se sont proposées les premières et se sont soumises aux examens préliminaires consistant en l’analyse du groupe sanguin et de quelques données basiques éliminatoires. De son côté, mon papa a dû effectuer des examens approfondis afin d’évaluer sa santé et la possibilité de recevoir une greffe.

Mais en décembre 2020, la situation s’aggrave. Mon père, George, est hospitalisé en urgence. Ses tests sanguins montrent un niveau de créatinine élevé, ce qui déclenche la préparation pour la dialyse et la pose d’un cathéter (permcath).

En janvier 2021, j’effectue les premiers examens pour vérifier la compatibilité entre lui et moi, Michael. Il m’est en effet inconcevable de ne pas venir en aide à l’un de mes parents malades. Cette décision apparaît comme une évidence, malgré les inquiétudes ou les questionnements qui se bousculent dans ma tête. Peu de temps après, nous apprenons que ni l’une ni l’autre de mes tantes ne peut être donneuse. L’une s’avère incompatible au niveau du groupe sanguin, et le risque pour la santé de l’autre est trop important.

Cette période d’incertitudes et de questionnements a été difficile à vivre pour toute la famille, et particulièrement pour mon papa. Pour lui, il était inimaginable que l’un de ses deux enfants lui donne un rein : cela allait à l’encontre de ses valeurs et de son éthique. Comme il l’a souvent dit, « on ne met pas un enfant au monde pour ensuite lui prélever des pièces ». Malgré cette résistance, j’ai continué la démarche et les tests de compatibilité.

Ma sœur voulait également se lancer dans la procédure des tests. Cependant, les médecins ont expliqué qu’il est délicat de donner un rein pour une jeune femme, par ailleurs déjà maman d’une petite fille, en âge d’enfanter. Cette opération aurait engendré des conséquences non-souhaitées pour ma jeune nièce si les choses devaient mal se passer. Pour notre famille, cela représentait un risque supplémentaire qu’il n’était pas concevable de prendre.

Une interminable attente

Tout ce laps de temps d’attente, d’examens et de discussions en famille afin de trouver une solution a été complexe. Le fait que cela se déroule durant une période sanitaire instable n’a pas aidé. Comme mon papa rentrait dans la catégorie des personnes à risque à cause de sa maladie rénale, nous avons dû prendre beaucoup de précautions, notamment en diminuant le nombre de contacts avec des personnes extérieures à la famille. Cette distance imposée, sur cette longue durée, n’a pas été facile à supporter.

En août 2021, les résultats de mes analyses tombent enfin. Les examens montrent que la compatibilité entre nous deux est très bonne et que je suis en parfaite santé. Pour l’équipe médicale du centre de transplantation, il n’existe aucune contre-indication médicale au projet de greffe. Après de longues discussions en famille, entre mon papa et moi, avec les médecins et les psychologues, mon père finit par accepter, malgré les difficultés émotionnelles et psychologiques que cela représente pour lui.

Après plusieurs mois d’attente et d’incertitude, une date d’opération est donc fixée en décembre 2021. Mais, alors que nous nous étions préparés psychologiquement et professionnellement pendant plusieurs mois, l’opération se trouve annulée à cause de la pandémie. Gros coup de massue... Cette annonce assomme toute la famille ; nous attendions depuis déjà longtemps que cette étape puisse avoir lieu et ne savions pas quand cela pourrait être à nouveau planifié. Finalement, un mois plus tard, l’opération est agendée au 18 février 2022.

Une greffe, un nouveau départ

Ce long processus a duré un peu plus d’une année et demie. Il a représenté une intense épreuve pour notre famille, et particulièrement pour ma conjointe, ma mère et ma sœur qui nous ont accompagnés à chaque instant et qui se sont fait beaucoup de soucis. Toutefois, aussi pénible que cela ait pu l’être, ce coup du sort a renforcé les liens entre chacun·e d’entre nous. La relation entre mon papa et moi s’est également modifiée, car nous avons vécu ensemble une expérience très particulière. Il n’est pas toujours facile de mettre des mots sur des sentiments ou des changements qui s’opèrent à l’intérieur de nous. Ce n’est pas toujours facile non plus de dire à nos proches à quel point on tient à elles et eux. On dit souvent que des actes valent mieux que mille mots ; ce que nous avons vécu mon père et moi en est un joli exemple. Cette greffe a permis que l’on montre la force des sentiments que l’on ressent l’un envers l’autre, bien mieux que nous aurions su le faire avec des mots. Cela crée un lien fort et intime, qu’il est difficilement possible d’appréhender avec des mots.

Tout au long de ce chemin, l’équipe du centre de transplantation du CHUV s’est révélée vraiment géniale. La rencontre avec les chirurgien·ne·s et les anesthésistes avant l’opération nous a mis en confiance. Nous avons reçu beaucoup de soutien et de bienveillance de leur part, ce qui a été très précieux. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Les opérations se sont bien déroulées et les périodes de récupération également, malgré le contrecoup lié à l’incertitude et à l’attente. Le suivi post-opératoire s’est mis en place pour mon papa. Il s’agit avant tout de s’assurer que le nouveau rein fonctionne bien et que son corps ne tente pas de le rejeter comme un intrus. Une protection par médicaments est active et une vérification périodique du sang et des urines renseigne sur l’évolution.

Pour mon papa, cette greffe de rein représente une forme de renaissance, une nouvelle vie qui permet de regarder vers le futur et qui offre la possibilité de se projeter à nouveau dans des projets. « Mon fils a ouvert la porte de ma prison sanitaire, il m’a libéré d’une contrainte à laquelle je n’aurais pas pu me résigner. C’est un sentiment de profonde gratitude qui va bien au-delà des mots pour le décrire. Avec le recul, on remarque que tout ce chemin est une expérience familiale intime et une victoire collective. »

Sauver une vie grâce au don d’organe, c’est un cadeau pour le receveur mais aussi pour le donneur. Offrir un rein à un membre de sa famille c’est redonner la vie à une personne qui nous est chère, c’est la voir se réjouir à l’aube de chaque nouveau jour en réintégrant la vie sociale et en reprenant les activités qu’elle pensait perdues à jamais. »

La maladie rénale et son stade terminal

Il n’existe pas de thérapie réparatrice pour le rein. On ne peut pas guérir de la maladie rénale, on ne peut que ralentir un peu son déclin. Cette notion est parfois difficile à comprendre, d’autant plus qu’on ne perçoit pas de douleurs.

Lorsque que l’on atteint le stade terminal de l’insuffisance rénale, les reins fonctionnent à moins de 15% de la capacité normale, le sang n’étant plus correctement et suffisamment filtré, l’organisme s’encrasse et la régulation de la chimie du corps est affectée. La fonction urinaire est progressivement réduite et il devient nécessaire de retirer l’excédent de liquides du corps par voie de dialyse.

Quelles sont les options à disposition ?

  • Substituer la fonctionnalité du rein par des séances de dialyse de quatre heures à raison de trois fois par semaine. Cette option, bien que salvatrice, inflige une contrainte lourde et inflexible qui lie à jamais le malade à sa machine, comme le galérien à sa rame. En plus, même si la dialyse représente une évolution technologique extraordinaire de performances, qui permet de garder en vie les personnes atteintes de l’insuffisance rénale chronique, elle ne remplace pas les reins à 100%.
  • Espérer obtenir la greffe d’un nouveau rein. Celui-ci peut provenir de deux sources distinctes :
    • Se mettre en liste d’attente sur le registre suisse qui gère la liste des candidat·e·s à la greffe et la liste des organes disponibles. Le temps d’attente moyen dans ce cas de figure est de cinq ans.
    • Obtenir un rein d’une personne vivante et en bonne santé. Don spontané, souvent dans le cadre familial ou intime.

 

Cet article appartient au dossier Intimité(S)

Comment citer cet article ?

Michael et George Duruz, «Donner un rein à un·e proche pour lui redonner vie», REISO, Revue d'information sociale, publié le 17 octobre 2022, https://www.reiso.org/document/9743

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