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Échanger pour rassurer sur l’éducation sexuelle

Lundi 02.12.2024
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En Valais, les cours d’éducation sexuelle dans les écoles sont précédés par des soirées d’échange avec les parents. Ces moments permettent de les rassurer, tout en les encourageant à endosser leur rôle d’éducation en la matière.

Par Sarah Dini, professeure associée, Gloria Repond, collaboratrice scientifique, Haute école et École supérieure de travail social, HES-SO Valais-Wallis, Sierre, et Edith Schupbach, éducatrice et formatrice en éducation sexuelle, SIPE, Valais.

L’éducation sexuelle est dispensée de manière hétérogène en Suisse [1]. Du côté alémanique, ce sont souvent des enseignant∙es qui s’en chargent, de manière diverse, allant de la biologie et la reproduction aux aspects relationnels et sociaux. En Suisse romande, les cours d’éducation sexuelle sont intégrés au programme scolaire romand et majoritairement dispensés par des spécialistes en santé sexuelle éducation-formation-conseil, reconnu∙es par Santé sexuelle Suisse [2]. L’objectif est d’agir en prévention sur les questions en lien avec la santé sexuelle.

En Valais, le secteur d’éducation sexuelle du SIPE [3] est mandaté par le Département de l’économie et de la formation pour dispenser ces cours dans différents degrés scolaires [4]. Les thématiques varient en fonction de l’âge des élèves, allant de la prise de conscience de zones intimes du corps et des gestes inappropriés d’autrui, à la construction de soi, de son rapport au corps et aux aspects relationnels et sociaux. Avant d’intervenir en classe, les intervenant·es du SIPE offrent aux parents la possibilité d’assister à une soirée d’information.

Dans le cadre d’une recherche HES en travail social [5], cinq soirées d’informations pour des parents d’enfants de 6H et 8H ont été observées. Ensuite, quatre spécialistes et huit parents ont été interrogé·es. Il s’agissait de cerner la manière dont les professionnel·les conçoivent ces réunions et présentent l’éducation sexuelle, ainsi que de recueillir le vécu des parents. Cet article synthétise les résultats de ces observations et entretiens.

Informer et rassurer sur l’éducation sexuelle…

Lors de ces soirées parents 6/8H, les conseillers et conseillères en santé sexuelle présentent différents éléments, comme le mandat donné par l’État, le développement psychosexuel de l’enfant, des exemples de questions d’élèves et le programme concret du cours donné en classe.

Après cette rencontre, les parents interrogés se sont dit rassurés sur plusieurs aspects. L’un d’eux est le fait que les cours d’éducation sexuelle soient mandatés et pensés par des spécialistes, et enseignés par des professionnel·les spécifiquement formé·es. Un parent témoigne : « ça m’a sécurisé dans le sens où… ça m’a permis d’avoir encore plus confiance. »

Les informations sur le développement psychosexuel et le processus de sexualisation, enrichis d’exemples de questions concrètes recueillis lors de précédentes interventions, ont permis à certains parents de prendre conscience du degré de maturité des enfants par rapport à la sexualité, et de la signification de la sexualité pour un enfant. Une mère l’exprime : « Je trouve bien parce que… ça dédramatise et puis …ça montre que pour les enfants… ça a une autre valeur, un autre impact pour eux. C’est totalement dénué du sens lourd, grave …ou stressant qu’on peut y mettre, nous, les adultes. » Ces parents-là prennent ainsi conscience que l’enfant grandit et traverse des changements physiologiques, et que la sexualité est un aspect naturel du développement tout au long de la vie.

Enfin, le fait de connaître plus précisément les thèmes discutés en cours d’éducation sexuelle et la manière dont ils sont abordés avec les élèves est rassurant. Un parent explique : « C’est sous une forme d’histoire qu’un enfant de leur âge comprend. Ils ne vont pas parler de ça comme nous on pense de l’abus, à notre âge. » En effet, le thème de l’abus sexuel est abordé sous l’angle des bons et des mauvais secrets, ce qui est autorisé ou non, du consentement de l’enfant (« j’ai le droit de dire non ») ou encore de l’importance d’avoir un adulte de confiance.

Durant les soirées observées, les intervenant∙es ont insisté sur l’importance de se baser sur les connaissances des enfants pour transmettre des informations et explications adaptées devant les élèves, et sur leur rôle de recadrage dans les discussions en classe. Ce point rejoint des inquiétudes parentales de voir leur enfant apprendre des choses trop avancées pour son âge : « Ce sera plutôt une discussion avec les enfants et… adaptée en fonction des connaissances des enfants…. Ils vont cadrer le débat…. C’est l’occasion d’apprendre des choses mais ce serait dommage… qu’ils apprennent des choses qui ne sont pas de leur âge par le biais de cette intervention. »

Ces précisions sont importantes pour les parents interrogés qui déplorent que ces cours soient nommés « éducation sexuelle » — ils préféreraient « intimité » —, car cette appellation suscite des interrogations, voire des inquiétudes d’aborder ce sujet avec des enfants. Ils encouragent d’autres parents à venir assister à ces soirées d’information : « Je pense que beaucoup de parents seraient rassurés ou auraient plus conscience de ce cours, de ce que ça a l’air. C’est juste une porte ouverte au dialogue, ça amène juste quelques petits outils. » En effet, la majorité des parents repartent rassurés de ces soirées, même si certains restent mal à l’aise avec la thématique.

… mais aussi pour co-éduquer, collaborer et conseiller

Durant les présentations, la notion de co-éducation est mise en évidence par les conseillers et conseillères en santé sexuelle, qui se placent comme des partenaires travaillant en collaboration avec les parents. Ils et elles considèrent leur rôle comme « un petit coup de pouce » aux parents, qui demeurent les premiers éducateurs sur les questions de sexualité. Une professionnelle explique : « c’est aussi pour redonner aux parents leurs compétences car l’éducation sexuelle, pour nous, ça appartient aux parents… On n’est pas là pour faire à leur place. »

Ces soirées représentent dès lors l’occasion d’amener des outils aux parents pour évoquer la thématique de la sexualité avec leur(s) enfant(s), tout en incluant la dimension émotionnelle que ce sujet peut susciter chez les adultes (gêne, sentiment d’être pris au dépourvu). Le recours à un livre est un des outils proposés, avec la mise à disposition d’une bibliographie sur leur site internet et des ouvrages à consulter en fin de soirée. Des parents estiment en effet que ces livres sont un support précieux pour aborder des sujets délicats, en adéquation avec les connaissances et l’âge de l’enfant.

Durant ces soirées, les spécialistes donnent également des conseils sur la manière de nommer la sexualité avec leur(s) enfant(s). Par exemple, ils et elles recommandent de recourir à un vocabulaire précis pour parler des parties du corps (comme le mot « vulve » pour les filles), afin d’éviter des tabous ou des qui pro quo lorsque d’autres mots sont utilisés. Si ce conseil trouve écho chez certains parents, d’autres affirment procéder selon ce qui fait sens pour eux et leurs visions éducatives. En effet, la question des normes et des valeurs peut impliquer des divergences d’opinions entre parents et intervenant·es. Ces soirées sont l’opportunité d’en discuter. Les conseillères et conseiller en santé sexuelle interrogé·es soulignent l’importance de ces moments de partage, conviviaux et participatifs, remplis d’anecdotes personnelles ou issus des cours précédents et amenés avec humour. L’humour s’avère d’ailleurs un outil de travail très utile pour les professionnel·les, qui aide à dédramatiser et à aborder avec simplicité des sujets intimes, pouvant paraître graves et souvent tabous.

Les présentations sont conclues par un moment de questions et de discussion collective. Les intervenant·es restent également disponibles à la fin de la soirée pour les parents souhaitant poser des questions de manière individuelle. Plusieurs parents disent d’ailleurs apprécier la disponibilité des professionnel·les et leur expérience pour les conseiller sur la manière d’aborder des situations délicates, certains d’entre eux recherchant une validation de « faire juste ». Parfois, des discussions débouchent sur une prise de rendez-vous ou sur une orientation dans le réseau, selon les besoins exprimés.

Prendre conscience, valoriser, déculpabiliser

L’éducation sexuelle peut interpeller et provoquer des inquiétudes chez les parents. Ces soirées sont donc importantes pour échanger sur les ressentis et les doutes. Les intervenant·es n’hésitent d’ailleurs pas à partager leurs expériences professionnelles et personnelles, dans le but de « normaliser » les difficultés que pourraient rencontrer certains adultes. Les parents interrogés confirment que ces propos contribuent à enlever la pression du parent « parfait », et les rassure de voir que tout n’est pas simple, ni pour leurs pairs, ni pour les intervenant·es. De plus, le fait que les professionnel·les soient également parents engendre chez les parents le sentiment d’être compris et impliqués dans l’éducation sexuelle de leur enfant.

Les cours d’éducation sexuelle offrent un tremplin pour aborder l’intimité, sujet qui nécessite un travail de prévention de la part de tous les acteurs. Selon les parents, ces soirées sont ainsi rassurantes quant au message transmis aux enfants et contribuent à se sentir valorisés dans leur rôle. Sensibiliser les enfants et leurs parents aux sujets de la sexualité est un enjeu majeur en matière de santé sexuelle et plus largement de santé publique, soutenu et reconnu par les cantons romands. Ces soirées d’information y participent en rassurant les parents afin de mieux collaborer avec eux, car, comme le soulignent les intervenant∙es du SIPE : « L’éducation sexuelle, c’est avant tout les parents. »

[1] Jacot-Descombes, C. (2019). Tour d’horizon et enjeux de l’éducation sexuelle en Suisse. Éducation Santé, 1-7.

[2] Ces spécialistes sont titulaires d’un DAS en santé sexuelle ou d’un autre titre équivalent, reconnu par Santé sexuelle Suisse, organisation faîtière des centres de santé sexuelle et des services d’éducation sexuelle dans tout le pays. Santé sexuelle Suisse promeut une éducation sexuelle holistique selon les standards OMS Europe.

[3] Les centres SIPE (sexualité, information, prévention, éducation), regroupés en fédération, sont reconnus par le canton du Valais comme l’organisme officiel chargé des thématiques liées à la santé sexuelle, au planning familial, aux couples et à l’aide à la grossesse.

[4] 2H-4H-6H-8H, 9CO, 10CO, 11CO ou dernière année de scolarité obligatoire, ainsi que dans le post-obligatoire

[5] Dini, S., et Repond, G. (2023). Le développement du pouvoir d’agir dans les pratiques d’accompagnement à la parentalité [rapport non publié]. Haute Ecole et Ecole Supérieure de Travail Social, HES-SO Valais-Wallis.


Lire également :

Comment citer cet article ?

Sarah Dini, Gloria Repond, et Edith Schupbach, «Échanger pour rassurer sur l’éducation sexuelle», REISO, Revue d'information sociale, publié le 2 décembre 2024, https://www.reiso.org/document/13429

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