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La force des liens ténus pour mieux vivre en ville

Lundi 22.01.2018
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Une étude menée à Genève a fait parler les aîné·e·s. De multiples liens, petits, imprévus et de hasard leur donnent l’impression d’habiter dans une zone familière et confortable. Ils expliquent ce sentiment d’appartenance à leur quartier.

Par Michael Deml, master en sociologie à l’Université de Genève, doctorant au Swiss Tropical and Public Health Institute, à Bâle

Comment la «familiarité publique», les «zones de confort» et les «liens ténus» influencent le vieillir en ville ? [1] Cette question a été posée dans le cadre d’une étude effectuée avec les étudiants du Master en sociologie à l’Université de Genève. La démarche méthodologique a inclus des entretiens semi-directifs classiques, des entretiens «en marchant» et des entretiens de photo-élucidation autour de photos prises par les personnes âgées (N=20, âgées de 64 à 91 ans) participant à l’étude. Cette recherche sur le vieillissement dans les espaces urbains s’est focalisée sur deux quartiers à Genève : la rue de Carouge et Chêne-Bougeries.

Quelques repères théoriques

Lorsque le lien entre capital social et interactions sociales des personnes âgées est abordé en gérontologie, la discussion tourne généralement autour de la famille, des amis, des animaux de compagnie, des concierges, du voisinage et de la participation sociale [2] [1-4]. Cependant, ce qui est absent dans cette littérature, ce sont les liens ténus, c’est-à-dire les liens entretenus avec des personnes que l’on reconnaît sans les connaître et qui participent à la création d’un sentiment de familiarité.

Liens ténus. Ce terme est une traduction de ce que Granovetter [5] appelle « absent ties » pour signifier les signes de reconnaissance et les interactions éphémères avec l’Autre abstrait. Par exemple, croiser quelqu’un dans la rue que l’on connaît de vue, mais pas forcément de nom, pourrait constituer un lien ténu.

Familiarité publique et zones de confort. Blokland et Nast [6] emploient ces deux termes pour examiner les mécanismes par lesquels, dans des contextes de mixité sociale, on parvient à se créer des perceptions d’appartenance sociale. Elles expliquent « l’importance des rencontres fluides, brèves et accidentelles » (p. 1145) dans la création des zones de confort à des fins de mixité sociale dans les espaces urbains. C’est en partie par ces rencontres éphémères que les habitant·e·s ont une perception de la diversité urbaine ainsi que des capacités sociales à faire face à l’altérité en ville. Ces rencontres peuvent en effet procurer un sentiment de familiarité, c’est-à-dire une reconnaissance mutuelle dans les espaces publics.

Les multiples manifestations des liens ténus

Dans les deux quartiers étudiés, les enquêtés soulignent les changements auxquels ils se trouvent confrontés, que ce soit dans la composition du voisinage, les services disponibles près de leurs domiciles ou dans l’aménagement même de l’espace urbain. Face à ces transformations, les aînés indiquent un besoin de garder des points de repères afin de ne pas être trop déstabilisés. Ils se sont manifestés sous des formes diverses.

Le «heureux hasard» et «l’imprévu». Ces termes sont appliqués pour analyser les aspects phénoménologiques du vécu des imprévus des aînés dans l’espace urbain, surtout quand ces moments procurent un sentiment de plaisir ou d’appartenance sociale chez eux. Une grande partie des imprévus se présente dans la rue ou dans les espaces publics où ces lieux sont propices à ce genre de rencontre.

Par exemple, Madame Lambert (80 ans, rue de Carouge) voit un commerçant qui nettoie le trottoir devant un magasin avec un tuyau d’arrosage et lui dit, en rigolant : « Vous ne voulez pas nous donner la douche ? » Elle explique ce dialogue plus tard : « Il faut un peu plaisanter avec les gens, parce que des fois, je trouve que les gens sont tristes ici. » Dans ce cas, cette aînée essaie de soigner sa perception d’une tristesse sociale, et ce, simplement en taquinant un commerçant inconnu dans la rue.

Les heureux hasards et les imprévus se présentent également quand les personnes âgées se déplacent en ville et notamment lorsqu’elles promèment leurs chiens. Par exemple, Madame Romano (68 ans, rue de Carouge) explique sa tendance à s’arrêter pour saluer et discuter avec certaines personnes dans la rue : « Je ne vais pas très loin, finalement », car croiser des gens dans la rue, de manière imprévue, l’empêche parfois de prolonger davantage son parcours. D’autres aînés ont même bâti un réseau d’amis suite à des rencontres de ce genre avec des amateurs de chiens lors de leurs promenades en ville. Ces échanges mènent à un sentiment de reconnaissance mutuelle augmenté au sein du quartier.

Les gens, les voisins, les passants

L’Autre générique. Lors des entretiens avec les enquêtés, ils ont souvent parlé d’un Autre générique en racontant des anecdotes sur la vie quotidienne. L’Autre générique fait référence aux énoncés dans lesquels les aînés parlent de ‘quelqu’un’ et d’un ‘on’ abstrait. Ils ne parviennent pas à identifier de qui ils parlent, même quand le chercheur insiste pour faire préciser le ‘quelqu’un’ ou le ‘on’. Par exemple, Monsieur Schmidt (72 ans, rue de Carouge) répond à une question visant à savoir si c’est un voisin qui l’aide à porter ces courses :

« J’ai été moi-même mais des gens m’aident, par exemple, si j’ai un voisin là, ils sont plus jeunes et tout. Je vais chercher un pack en action à moitié prix pour 6 bouteilles d’un litre et demi de Coca-Cola. […] Ça fait 20 kilos et tout. Alors, quelqu’un m’a aidé à porter mon chariot, à le tirer et tout ça. A mettre, à m’aider, et puis, c’est effectif que s’il y a quelque chose de lourd, j’ai le voisin d’en dessous aussi. Il est très gentil. »

Cet extrait montre le flou dans la description de celui, celle ou ceux qui aident Monsieur Schmidt à porter ses achats : il mentionne ‘des gens’, ‘un voisin’, ‘ils’, ‘quelqu’un’ et ‘le voisin’. Il est intéressant de souligner sa perception d’avoir recours à des Autres génériques variés en cas de besoin, surtout pour une tâche essentielle comme apporter ses achats à la maison.

D’autres aînés ont discuté de l’importance des interactions sociales en faisant leurs courses. Madame Kaufmann (77 ans) réfléchit sur les commerces qu’elle connaît à Chêne-Bougeries, en disant qu’elle n’en connaît guère : « Dans le temps, on connaissait bien le droguiste. On connaissait le boulanger mais c’est tout fini, tout ça. » En plus de la disparition ressentie des commerces locaux, les technologies changeantes modifient également les manière des personnes âgées de faire leurs achats et leurs rapports aux commerces et aux commerçants. En parlant de la technologie disponible dans les supermarchés, Madame Lambert (80 ans, rue de Carouge) préfère payer à la caisse avec un être humain et non pas en caisse self-service : « Les caissières, elles nous écoutent quand on est là. Voilà. Parce que faire les machines, c’est terrible. » Les témoignages des enquêtés par rapport à leurs expériences commerciales démontrent l’importance de l’interaction humaine ainsi que la présence des Autres qui proposent spontanément des coups de mains aux aînés lorsqu’ils font leurs achats.

Les migrants et la cohésion sociale

L’Altérité dans l’espace urbain. Dans les quartiers étudiés, l’altérité a été perçue de différentes façons par les personnes âgées. Il faut signaler que parler de l’Autre est également une façon de désigner sa propre subjectivité et son positionnement individuels. L’altérité évoquée ici reflète donc l’échantillon des enquêtés, composé seulement des personnes originaires de l’Europe de l’Ouest.

Pour certains, la diversité des habitants des quartiers s’avère une source de richesse. Madame Dufour (68 ans, rue de Carouge) explique : « J’ai des contacts avec des Portugais, des Espagnols, des Erythréens qui vivent dans le quartier, pas loin d’ici. Je trouve que c’est vraiment une richesse. Il y a des gens qui vivent 50 ans sans ce genre de contact. »

Cependant, pour d’autres personnes âgées, la présence des conflits dans leurs quartiers est souvent attribuée à des «populations dérangeantes», notamment les individus d’origine africaine et les Roms. Cela dit, d’autres aînés se sont habitués à leur présence et les acceptent comme faisant partie de la vie du quartier : « Des fois, quand il nous casse un peu les pieds parce qu’il crie […] on a bien envie de lui dire : ‘Maintenant, tu te tais, hein !’ Mais bon. Lui, il fait du mal à personne » (Madame Lambert, 80 ans, rue de Carouge).

Une grande surprise pour les étudiants menant cette étude s’est cristallisée sur l’attitude des aînés envers les migrants. Les personnes âgées tentent de bâtir une meilleure cohésion sociale au sein de leurs quartiers en reconnaissant et en interagissant avec ces figures d’altérité dans l’espace urbain. Madame Lacroix (75 ans, rue de Carouge), par exemple, raconte comment avec une copine, elles « partagent » des Roms dans le quartier. Elles s’intéressent aux vies de «leurs Roms» et se sentent une responsabilité envers eux ; en hiver en particulier. Madame Lacroix invite «sa Rom» dans un bistrot où elle lui paie un sandwich et un café afin qu’elle soit à l’abri du froid hivernal genevois. Ces efforts de la part des aînés relèvent probablement d’une tentative de mieux investir leurs sphères partagées afin de comprendre davantage ces populations et de mieux se positionner par rapport à elles.

Le sentiment de confort

Les liens ténus fournissent ainsi aux aînés un sentiment d’appartenance sociale au sein de l’espace urbain. Ils mènent à des sentiments de familiarité publique pour ensuite créer des zones de confort dans l’imaginaire des habitant·e·s. Ce qui compte dans la constitution d’une zone de confort, ce sont justement les sentiments d’appartenance qu’elle procure chez ses usagers et l’aise relative avec laquelle ils s’y comportent dans leur vie quotidienne. Les résultats de cette enquête démontrent que les zones de confort sont constitutives d’une ressource non négligeable, et même fondamentale, pour les personnes âgées dans les milieux urbains.

[1] Etude complète en ligne

[2] Bibliographie sélective 

1. Girardin Myriam et Widmer Eric D. (2015), Lay Definitions of Family and Social Capital in Later Life, Personal Relationships, 22, pp. 712-737.

2. Arkow Phil (2013), The Impact of Companion Animals on Social Capital and Community Violence : Setting Research, Policy and Program Agendas, The Journal of Sociology and Social Welfare, 40(4), pp. 33- 56.

3. Membrado Monique et Mantovani Jean (2014), Vieillir et voisiner : De la sociabilité aux solidarités ?, In : Hummel Cornelia, Mallon Isabelle et Caradec Vincent (Éds.), Vieillesses et vieillissements : Regards sociologiques, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, pp. 305-318.

4. Bickel Jean-François (2014), La participation sociale, une action située entre biographie, histoire et structures, In : Hummel Cornelia, Mallon Isabelle et Caradec Vincent (Éds.), Vieillesses et vieillissements : Regards sociologiques, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, pp. 207-228.

5. Granovetter Mark S. (1973), The Strength of Weak Ties, The American Journal of Sociology, 78(6), pp. 1360-1380.

6. Blokland Talja et Nast Julia (2014), From Public Familiarity to Comfort Zone : The Relevance of Absent Ties for Belonging in Berlin’s Mixed Neighbourhoods, International Journal of Urban and Regional Research, 38(4), pp. 1142-1159.

Cet article appartient au dossier Habiter ensemble

Comment citer cet article ?

Michael Deml, «La force des liens ténus pour mieux vivre en ville», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 22 janvier 2018, https://www.reiso.org/document/2589

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