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Genre et masculinités dans le travail social

Jeudi 02.11.2017
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Qu’est-ce que cela signifie d’être un homme dans un métier perçu comme majoritairement féminin ? Question posée dans une recherche menée auprès de dix assistants sociaux d’un service romand de protection de la jeunesse.

Par Vincent Bircher, travailleur social dans le domaine de la protection de l'enfance, mémoire de Master en travail social, HES-SO, Lausanne

A travers des entretiens qualitatifs, la recherche [1] a étudié les représentations de la masculinité chez des professionnels de la protection de la jeunesse et évalué si, et comment, elles contribuent à produire et reproduire des rapports sociaux de sexe.

Les hommes interrogés partagent une conception homogène de leur masculinité. Elle s’exprime par des manières de faire ou d’être qui selon eux expriment l’autorité, la protection d’autrui, la rationalité, la prise de risque, la compétition, le fait d’être dans l’action. Elle s’exprime aussi par ce qu’ils perçoivent comme un « côté féminin ». Ce dernier se traduit à leurs yeux par le fait d’être sensible, empathique, prévenant, attentionné et porté sur les aspects communicationnels et relationnels des rapports humains. En associant ces traits considérés comme masculins et féminins, les hommes interviewés revendiquent une identité hybride qu’ils valorisent, et qui les conduit à se sentir plus complets, plus entiers et singulièrement fonctionnels. Jean-Marc explique : «Bien sûr qu’on a une spécificité de genre. Mais je pense que laisser advenir notre part féminine pour les hommes, c’est peut-être mieux se connaitre et j’ai pour habitude de dire qu’on […] fonctionne mieux quand on se connait mieux.»

L’idéal égalitariste

La distinction entre des traits et activités «masculines» ou «féminines» est amenée avec prudence par ces travailleurs sociaux. Ils restent critiques vis-à-vis de la sexuation des rôles et des pratiques sociales. Pour eux, les catégories de sexe sont poreuses et en mutation : les pratiques et les territoires sociaux, auparavant réservés ou attribués à un sexe dans le travail ou les loisirs s’ouvriraient de plus en plus à l’autre sexe. En fonction d’un idéal égalitariste dont ils témoignent, par exemple en valorisant le partage des tâches, ces changements sont à leurs yeux synonymes de « progrès ».

Mais si « les catégories sont en mouvement » (Landry), aucun n’en parle comme d’une disparition prochaine. Même s’il n’y aurait (presque) plus d’activités réservées à un sexe ou qu’un homme peut avoir un côté féminin et une femme un côté masculin, des marqueurs maintiennent des différences en s’ancrant dans le corps, la génétique, l’anatomie. Ainsi, l’autorité des hommes provient du fait qu’ils ont plus de force ou de poils (« le seul moyen d’exprimer vraiment la masculinité », selon Pieter) et l’empathie des femmes du fait qu’elles seules peuvent enfanter : « Une femme portera toujours des enfants, un homme jamais », précise Manuel.

Si ces hommes valorisent les traits qu’ils attribuent aux femmes (la douceur, l’empathie, le calme, la diplomatie, la générosité), les connotations négatives à leur égard ne manquent pas : louvoyantes, séductrices, hystériques, bavardes, susceptibles « d’amener pas mal de bordel dans une équipe » (Colin) en diffusant des ragots. Si les côtés féminins-masculinisés sont valorisés, le féminin-féminin lui est rejeté, voire condamné. Ces hommes pensent ainsi « cumuler les atouts féminins [sensibilité, communication, capacité relationnelle], et les atouts masculins (autorité, fiabilité, charisme…) qu’ils pensent détenir "naturellement" du seul fait de leur catégorie de sexe » (Guichard-Claudic et Kergoat, 2007, p. 9) [2].

La «mauvaise» masculinité en muscles et en poils

Les travailleurs sociaux rencontrés considèrent que leur masculinité occupe une position intermédiaire entre le masculin et le féminin, ce qui les conduit à se distinguer d’autres hommes qu’ils côtoient et qui seraient exclusivement masculins. Les travailleurs sociaux présentent deux idéaux-types de la masculinité : d’un côté, une masculinité idéale, de laquelle ils se sentent proches, composée d’hommes de stature internationale (politicien, philosophe, grands cuisiniers) ou de super-héros (Superman), incarnant le sens de l’honneur, l’engagement et la protection envers les plus faibles, le leadership, le charisme, la prise de risque. A l’opposé, ils identifient une masculinité plus primaire et instinctive : « comme le yéti, le mâle beaucoup plus primitif, couvert de poils, un peu le sauvage » (Pieter). Cette masculinité très en muscles et en poils, bourrue, barbare, une masculinité que certains conçoivent, sans la nommer ainsi, comme la « nature profonde » des hommes n’est pas valorisée. Mais elle est contingente, faisant naturellement partie d’eux-mêmes, les conduisant parfois à être lâches, violents, agressifs, excessifs, machos ou « aussi con qu’un mec » (Manuel).

Au contraire d’autres hommes qui seraient faits d’un trop-plein de masculin, les travailleurs sociaux interrogés seraient parvenus à contrôler ou dominer cette primitivité, à force d’éducation, d’expériences, de travail sur eux-mêmes: « Je pense que j’ai un côté macho qui revient au galop quand je suis moins vigilant. J’ai travaillé là-dessus pour voir les choses de manière différente et j’ai progressé. En tout cas, je le suis moins » [3] (Manuel).

Ils cherchent à s’éloigner d’une hypermasculinité identifiée chez d’autres hommes de leur entourage : leur père pour certains, des amis ou des connaissances ou des hommes exerçant un métier conférant un pouvoir (policier, membre de l’administration). Ils les perçoivent comme étant « vieille école » (Paul), trop virils, dans l’action plus que dans la réflexion, un peu « bruts de décoffrage » (Mauro), voire bruts tout court. Leurs comportements et pratiques sexistes sont identifiées et dénoncées, notamment vis-à-vis des femmes : « Un homme va peut-être être plus respectueux avec un autre homme qu’avec une femme. Je donne cet exemple parce que ma femme s’est faite choper il y a deux ans par un policier municipal. Elle avait surtout été blessée par la façon dont ce policier l’avait traitée, c’est-à-dire de manière très supérieure, un peu comme si elle était la dernière des nulles » (Pascal).

La «bonne» masculinité comme un atout

Ces hommes conçoivent la bonne masculinité qu’ils sont sûrs d’incarner comme un atout ou un outil dans l’exercice de leur fonction. Elle les conduit par exemple à enseigner à certains usagers comment être un bon père, un bon mari ou un conjoint «alternatif». Ils considèrent que cet enseignement est facilité par le fait qu’un père machiste, par exemple, acceptera plus facilement les conseils d’un autre homme que d’une femme. « C’est parfois pour établir un lien avec des pères, tout simplement. Pour parler des émotions, de la violence, de la façon d’être un père avec ses enfants, d’être un homme dans le couple. Je pense que pour pas mal d’hommes, l’écoute est différente quand c’est une femme ou un homme qui leur parle de ça » (Colin).

La posture des hommes interrogés témoigne et reproduit donc un rapport social de sexe mais aussi un rapport social de classe qui s’imprègne d’une dimension raciale lorsqu’il s’agit d’être en relation avec des hommes venant « de cultures ou de sociétés beaucoup plus patriarcales qu’ici, beaucoup plus machistes qu’ici » (Jean-Marc). Ces préjugés sur le degré de machisme des bénéficiaires se traduisent aussi lors de l’attribution des nouvelles situations : les travailleuses sociales pourraient ainsi être dispensées de rencontrer certains hommes a priori considérés comme mal disposés à leur égard.

Si la masculinité qu’ils incarnent leur permet d’accompagner des usagers hommes « différemment » (Marc) sur la voie de la bonne masculinité que pourraient le faire leurs collègues femmes, les hommes rencontrés estiment en revanche que certaines questions, par exemple celles liées à la sexualité des femmes, seraient mieux traitées par des femmes. Certes, ils assurent (pouvoir) le faire, mais jamais aussi bien qu’elles. Enfin, la masculinité des travailleurs sociaux interviewés leur confère la possibilité de gérer des situations « explosives » (Colin), c’est-à-dire certains usagers potentiellement violents. Landry explique ainsi avoir « une autorité que je peux faire valoir plus facilement face un usager récalcitrant ». Pour certains, ces situations sont ressenties comme un coût lié à la masculinité: « Des collègues femmes me demandent d’être présent quand c’est vraiment des situations très compliquées et je suis alors quand même un peu tendu » (Landry).

Imaginer ce que pensent les bénéficiaires

Ces exemples traduisent une perception d’une réalité des rapports sociaux essentialisée et, en même temps, renforcée par l’idéologie de la complémentarité. Puisque femmes et hommes sont différents, il convient d’apporter, explique Paul, un « rééquilibrage égal des regards » afin de répondre au mieux aux attentes des bénéficiaires. Cette idéologie participe et renforce la division du travail en insistant sur les capacités naturelles attribuées à chaque sexe (aux hommes l’autorité, la gestion de la violence, aux femmes le soin et la maternité).

Ces stéréotypes sont entretenus dans une dialectique entre ce que pensent les travailleurs sociaux d’eux-mêmes et ce qu’ils pensent que pensent les bénéficiaires. Elle contribue à produire et reproduire des rapports stéréotypés et inégalitaires, avec une asymétrie avant tout externalisée et attribuée aux attentes des bénéficiaires (ou parfois du réseau).

Ces quelques exemples démontrent qu’un important travail reste à faire pour déconstruire les stéréotypes de genre dans le travail social. Ceux-ci impactent, voire modèlent, l’activité professionnelle, en particulier les relations avec les bénéficiaires. Ces stéréotypes sont non seulement en relation avec la position genrée qu’occupent les professionnels mais aussi à l’entrecroisement des rapports de race et de classe.

Renforcer les cursus de formation sur les rapports sociaux devrait permettre d’amener les professionnel-l-e-s à s’interroger sur ce qui leur semble si « naturel » afin de tendre vers l’idéal auquel ils et elles aspirent.

[1] Bircher, V. (2017). Masculinité et travail social. Mémoire de master en travail social, dirigé par Hélène Martin, Haute école spécialisée de Suisse occidentale, Lausanne, 76 p.

[2] Guichard-Claudic, Y., & Kergoat, D. (2007). Le corps aux prises avec l’avancée en mixité. (L'Harmattan, Éd.) Cahiers du Genre, 1(42). Consulté le janvier 31, 2017, en ligne

[3] REISO adapte légèrement les citations orales pour leur transcription écrite.

Comment citer cet article ?

Vincent Bircher, «Genre et masculinités dans le travail social», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 2 novembre 2017, https://www.reiso.org/document/2313

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