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Dans la préface du psychiatre Patrick Lemoine: « Cet ouvrage est complètement original et apporte un éclairage nouveau à la difficile question de la position existentielle des aidants. Ni métier, ni bénévolat, leur mission est à haut risque, leur désarroi n’est pas une fiction […] Le conseil de l’auteur est simple et lumineux : chercher à adopter une juste et salutaire distance professionnelle afin de ne pas s’épuiser, pour être des facilitateurs de vie et de soins. Cette manière d’être ressemble à une mystique existentielle et demande un ’chavirement’ dans sa manière d’être. »
André Marro, enseignant universitaire à Nice, est paléo-anthropologue et formateur, surtout dans le domaine médico-social, en sciences et techniques de communication (tout en ayant « un goût certain pour le silence »).
Son ouvrage s’ouvre sur la « Posture de l’aidant face au mystère de la souffrance et de la fin de vie ». Les aspects de la souffrance sont évoqués par sa métaphysique, des textes français récents sur la fin de vie (loi Leonetti, rapport Sicard de 2012), la distance professionnelle et sociale (proxémie), les mécanismes de défense que les soignants tendent à mettre en place dans leur relation avec les malades. Puis sont abordées diverses techniques de « pleine conscience », méditation, marche consciente, zen, yoga, les états de conscience modifiés et l’énergie vitale.
La deuxième partie consiste en « Réflexions anthropo-philosophiques ». L’auteur précise : « Si la vie a du sens, elle se devine au cœur de l’étonnement d’exister. Le seul choix possible est de tenter de comprendre la meilleure manière d’exister […] Tout dans l’univers, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, est oscillation. D’un côté, nous avons un goût certain pour l’imagination, de l’autre nous manions la froide pensée et la réflexion rationnelle. » Après la voie théologique qui discute les croyances religieuses depuis la préhistoire et leurs mécanismes puis la voie matérialiste ou positiviste, la voie médiane ou de spiritualité laïque cite notamment Spinoza, Nietzsche, Bergson ainsi que les philosophes grecs. Cette partie qui met l’accent sur notre nature, existence et essence, est sans références directes aux soins prodigués aux malades. On y cherche, dit l’auteur, « à amenuiser la dimension inconsolable et inquiète de notre espèce en errance face à son irrévocable condition mortelle ». Quelques extraits.
Si l’ouvrage évoque un peu la pratique au lit du patient en fin de vie, l’essentiel est fait de réflexions sur la condition, non pas de malade, mais de soignant/aidant ; sur sa posture et la lutte contre l’épuisement. Les soins aux malades n’apparaissent guère et on comprend l’auteur dans son préambule disant : « Cet ouvrage peut être considéré comme un manuel pour les soignants comme pour tous ceux qui cherchent leur véritable liberté. » Il eût été judicieux d’indiquer qu’est peu traitée l’activité quotidienne aux côtés de personnes vivant l’ultime étape de leur vie. En fait, le sous-titre actuel de l’ouvrage aurait pu avantageusement être choisi comme son titre.
La Suisse compte 1,8 million de personnes handicapées. L’apport économique des proches soignants et aidants est considérable, au point que notre système de santé ne pourrait tout simplement plus s’en passer.
Mais lorsqu’il s’agit d’ausculter leur réalité quotidienne et de prendre en compte leurs propres besoins de soutien, ils passent au second plan. La présente édition de «Handicap & politique» donne la parole à ces mères, enfants et conjoints qui atteignent souvent leurs limites. Analyses et témoignages.
Source : Agile
Les chômeurs de plus de 55 ans ont beaucoup de difficultés à retrouver un emploi. Un nouveau modèle a été développé par la CSIAS pour remédier à cette situation.
L’aide sociale. Entre 2010 et 2016, le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale de plus de 55 ans a augmenté de plus de 50 %, alors que la proportion des 55-64 ans dans la population totale n'a augmenté que de 12%. Le soutien de l'aide sociale débute au moment où le processus de désintégration professionnelle est déjà bien avancé et le retour sur le marché régulier du travail s’avère souvent impossible.
L’assurance-chômage. Selon la CSIAS, il serait nettement plus judicieux de veiller à ce que les personnes de plus de 55 ans n’arrivent plus en fin de droit à l’assurance-chômage. Selon le modèle développé, ces personnes devraient rester affiliées à l’assurance-chômage jusqu’à l’atteinte de l’âge de la retraite et continuer à être placées sur le marché du travail par les Offices régionaux de placement.
Cette solution permettrait une meilleure et plus rapide réinsertion sur le marché de l’emploi et déchargerait par ailleurs l’aide sociale. La réglementation proposée profitera aux personnes ayant travaillé au moins 20 ans, qui perdent leur emploi à partir de 55 ans et restent inscrites auprès des ORP à des fins de placement. Pour ces personnes, le modèle de la CSIAS prévoit un soutien par l’assurance-chômage conformément à l’approche des prestations complémentaires. La CSIAS part du principe que le modèle proposé n’engendre pas de coûts supplémentaires.
La Plateforme d’information humanrights a documenté les conditions d’accueil des requérant-e-s d’asile mineur-e-s non accompagné-e-s (RMNA) qui déposent une demande d’asile en Suisse, soit plus de 2000 demandes en 2016. Le canton de Genève en comptait 195 au 1er mars 2017.
Fin novembre dernier, des enseignant·e·s et des travailleurs et travailleuses sociales ont écrit leurs inquiétudes sur les modalités de l’accueil : environ 1 éducateur pour 20 jeunes, un lieu (le Foyer de l’Etoile) mal conçu pour des jeunes, des punitions inadaptées, une scolarisation insuffisante, etc. La task force mise sur pied par le Conseil d’Etat en 2013 parvient à des conclusions proches. Des améliorations ont été introduites mais le problème reste grave et reconnu par le Conseil d’Etat. Le gouvernement a notamment calculé que le forfait global versé par la Confédération était de loin insuffisant pour couvrir les frais d’accompagnement demandé par la même Confédération.
Le dossier établi par humanrights donne de précieuses informations comparatives sur les expériences des cantons de Vaud et du Valais en matière d’accueil des RMNA, sur le contenu de diverses conventions et sur les responsabilités des Etats envers ces enfants et adolescent·e·s. Il met également à disposition les liens à tous les documents utiles sur ce thème.
L’objectif de ce guide est de soutenir les petites et moyennes communes dans le développement et la mise en œuvre de concepts et de stratégies dans le domaine de l’encouragement précoce. Le projet « Les communes en tant que plateforme stratégique et réseaux dans le domaine de l’encouragement précoce » est mis en œuvre conjointement par le Programme national contre la pauvreté et l’Association des communes suisses, en collaboration étroite avec l’Union des villes suisses et d’autres partenaires.
Sur la base d’une enquête en ligne recensant les offres, les concepts et les stratégies disponibles dans les communes, l’OFAS a établi un état des lieux des bases techniques et stratégiques de l’encouragement précoce.
Le guide est disponible en format pdf. Il sera également diffusé dans le cadre de séminaires régionaux organisés à l’intention des petites et moyennes communes.
Ndlr : à noter, en page 26, une liste de 16 exemples de stratégies communales d’encouragement précoce, tous de Suisse alémanique. Que faut-il en conclure ?
Le premier numéro 2018 de Procap Magazine se penche sur les transports publics.
Offrir aux personnes avec handicap des transports publics sans obstacles est l’un des objectifs de la loi sur l’égalité pour les handicapés (LHand). Alors que chacun doit pouvoir voyager sans obstacles en Suisse d’ici à 2023, les sociétés de transport accumulent les retards.
Dans ce numéro, Procap examine où en sont les adaptations requises et interroge des usagers avec handicap et des spécialistes sur les principaux problèmes encore à résoudre. Le magazine conte aussi des histoires à succès : celle d’une compagnie ferroviaire régionale formant régulièrement son personnel à l’accueil des passagers avec handicap et celle d’une société de transport qui, par conviction, a offert son aide pour adapter une halte importante.
Les solutions existent, pour peu que chacun y mette du sien. L’association de et pour les personnes avec handicap en Suisse en est sûre : les transports sans obstacles ne bénéficient pas aux seules personnes avec handicap, mais aussi aux autres groupes d’usagers et aux sociétés de transport. Source : Procap
Cette carte interactive permet de comparer les prestations sociales des pays européens dans deux analyses différentes: par rapport au nombre d’habitants et par rapport au PIB.
Comparées aux cinq pays les plus peuplés d’Europe, les dépenses sociales de la Suisse sont relativement élevées si elles sont exprimées par habitant. Légèrement supérieures à celles de l’Allemagne et de la France, elles devancent clairement celles du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Espagne notamment.
La part des prestations sociales dans le PIB indique le poids relatif des prestations sociales par rapport à l’économie du pays. Exprimées dans cette unité de mesure, les dépenses sociales suisses sont inférieures à celles de quatre des cinq pays retenus: le niveau élevé du PIB par habitant de la Suisse en est aussi la raison.
La place d’un détenu ne semble jamais la bonne dans l’imaginaire collectif. Face à la même infraction, certains estiment qu’une peine d’emprisonnement ne sera jamais assez longue, quand d’autres l’estimeront inutile. Comment appréhender la réponse carcérale et surtout pour qui : les victimes ou leurs auteurs ? Punir les uns, protéger les autres ? Réinsérer et préparer la sortie ?
Mais comment vit-on dans une prison ? Quels sont les droits et les devoirs d’un détenu ? D’un surveillant ? De l’administration pénitentiaire ? D’un travailleur social ?
L’auteure introduit le lecteur dans l’univers carcéral et raconte la manière dont elle exerce sa fonction d’assistante sociale dans le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Dans un récit à la première personne, elle brosse le portrait de détenus qui demandent son aide. Elle montre comment elle contribue à créer un espace de sécurité psychique propice à la réflexion sur le passage à l’acte délictueux, à maintenir les liens avec les proches et avec l’extérieur de la prison (aide aux démarches administratives, et autres).
Charline Olivier a été assistante sociale pendant douze ans dans un centre d’action sociale d’un quartier sensible. Après avoir exercé des missions pour le tribunal et la gendarmerie, elle a travaillé deux ans dans un service pénitentiaire d’insertion et de probation, dans une prison d’hommes à Rennes. Elle travaille aujourd’hui dans une association auprès de personnes sortant de prison.
Cet ouvrage porte un regard critique sur l'institutionnalisation de l'éducation et propose des pistes et témoignages afin d'en sortir. Un appel à la piraterie éducative!
Quatre ans après une première publication, les éditions Écocociété proposent une nouvelle édition de cet ouvrage de Thierry Pardo, chercheur indépendant associé au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté de l’Université du Québec à Montréal.
Ce livre propose de dissocier l'éducation de l'école en questionnant la légitimité de l'État dans son rôle d'éducation et de normalisation des masses. À la lumière des grandes théories de la pédagogie, Thierry Pardo soutient que les parents sont souvent les mieux placés pour éduquer leurs enfants.
Il examine diverses alternatives éducatives: la transmission du savoir dans les sociétés traditionnelles et autochtones, l'éducation à domicile et celle favorisée par les voyages. Cet ouvrage au souffle poétique et libertaire est traversé par la métaphore du pirate, alliance de l’imagination et de la révolte, de l’utopie et de l’aventure. Sa proposition, inscrite dans le champ de l’éducation relative à l’environnement, s’appuie notamment sur le contact avec la nature et l’insertion dans un réseau social fécond.
Un ouvrage qui n'est pas passé inaperçu à la rédaction de la revue romande Moins! (revue de presse en ligne).
Recension par Olivier BAUD, secrétaire général de la Fondation officielle de la jeunesse, Genève
Yves Delessert maître d’enseignement à la Haute Ecole de travail social de Genève, titulaire d’un master en droit et diplômé en travail social a remis à jour son livre de référence « Mineurs : confiés : risques majeurs ? » qui avait été édité en 2001.
Ce livre est une véritable « bible » et permet aux néophytes de mieux décoder le sens du concept de préjudice mais aussi de la responsabilité civile et pénale dans le cadre professionnel.
Le vocabulaire utilisé est simple et précis. Chaque animateur, chaque éducateur ou professionnel de l’éducation devrait lire ce livre afin de pouvoir faire des choix dans les activités proposées et sur le sens de sa responsabilité engagée. L’exemple cité en page 309 sur les lésions corporelles par négligence démontre que la simple nuance de contrôler ou non la mise de gilets de sauvetage fait toute la différence dans l'appréciation de la situation par la justice.
Un nouveau chapitre sur les infractions commises au moyen de médias électroniques redonne des réponses à ces différents risques dont le vidéolynchage (happy slapping) qui peut être poursuivi selon plusieurs articles du code pénal.
Yves Delessert ne veut en aucun cas faire peur. Il désire simplement éclairer de ses connaissances et des dernières jurisprudences tous les professionnels de l’éducation et de l’animation socio-culturelle. L’action éducative et socio-culturelle sera toujours une prise de risque mais il est important de mieux connaître nos responsabilités sans tabou.
Une recherche germano-suisse va étudier les bénéfices de l'éducation musicale chez des personnes âgées, novices en musique. Objectif: combattre le déclin cognitif lié à l'âge, obstacle majeur au vieillissement en bonne santé.
La partie suisse de l'étude «Train the brain with music», dirigée par Clara James, violoniste professionnelle, neuroscientifique et professeure à la Haute école de santé Genève, propose d’examiner les avantages d’une musicothérapie innovante sur des aptitudes habituellement vouées à décliner lors d’un vieillissement normal: la mémoire de travail, les fonctions exécutives, l'écoute dans une ambiance bruyante, la motricité fine, le bien-être, ainsi que sur la structure et le fonctionnement du cerveau.
Concrètement, la recherche comporte :
Les scientifiques recherchent des participants femmes et hommes entre 64 et 76 ans, en bonne santé, retraités, francophones, droitiers et non-musiciens. De plus, il ne faut pas porter d’appareil auditif et ne pas souffrir de claustrophobie. Pré-inscriptions dès le 1er février par mail à ou au 022 388 56 13 (tous les jours sauf mercredi). Entretiens et inscriptions définitives dès le 1er avril.
Clara James : «Mes recherches précédentes sur de jeunes adultes ont mis en évidence le fait que la pratique musicale impacte progressivement la cognition et le fonctionnement du cerveau. Dans cette nouvelle recherche appliquée, les cours de musique vont servir d’outil pour contrecarrer le déclin cognitif et cérébral lié à l’âge.
Les avantages de l'exercice musical agissent spécifiquement sur des aptitudes habituellement vouées à décliner lors d’un vieillissement normal: la mémoire de travail, les fonctions exécutives, l'écoute sélective, l’attention auditive et la motricité fine, ainsi que sur la morphologie et la plasticité cérébrales. En outre, cet entraînement artistique stimule la créativité.»
Le projet est dirigé par une équipe de psychologues, neuroscientifiques, médecins neurologues et psychiatres, ingénieurs en imagerie cérébrale et musiciens professionnels (Clara James, violoniste et, pour le volet allemand, Eckart Altenmüller, flûtiste). Il a remporté le prix de la Fondation Dalle Molle en 2017.
L'étude a été approuvée par la commission éthique de la recherche du canton de Genève. Elle est financée par le Fonds national suisse de la recherche ainsi que par les fondations Dr. med. Kurt Fries, Maryon et Dalle Molle.
A fin 2017 a été publié le Rapport de synthèse du Programme national de recherche 67 (disponible en ligne). Financé par le Fonds national, il a duré cinq ans, avec 33 projets. Plusieurs éléments méritent particulièrement de retenir l’attention.
Décisions en fin de vie. «Dans 4 cas sur 5 de morts ‘non inattendues’, les médecins prennent une ou plusieurs décisions au risque ou avec l’intention d’abréger la survie. Une telle décision a été plus souvent prise que voici seulement douze ans. Dans 3 décès sur 10, la raison en était la lutte contre les symptômes ou les douleurs.»
Aspects éthiques et juridiques. « Les institutions et les associations professionnelles doivent assurer la mise en place de principes médico-éthiques, par exemple le respect de l’autodétermination, et encourager la prise de décision partagée. » « Dans la prise en compte de la volonté du patient, la capacité de discernement joue un rôle central. Aucun instrument valable pour évaluer cette capacité n’a été établi ; de nombreux médecins se sentent dépassés par cette tâche. Il faut donc clarifier avec précision les critères employés. » Notons ici qu’il en va de même quand la loi dit qu’il convient de tenir compte de la « volonté présumée » de la personne en fin de vie et de ses « intérêts » objectifs. Il s’agit donc bien de distinguer ces deux aspects.
Ne pas vouloir être une charge. « Le sentiment d’être une charge est fréquent chez les personnes gravement malades (…) Il s’accompagne de sentiments de faute, de honte voire de haine de soi, mais aussi de souci ou d’amour pour les proches. »
Proches aidants. « Les proches contribuent largement à la prise en charge et à éviter des erreurs de traitement - mais ils se sentent souvent fatigués, livrés à eux-mêmes et incompris. Il faut à cet effet des décisions politiques pour soutenir les proches aidants sur les plans financier, émotionnel et pratique. »
Soins intensifs ? « Une interface importante à l’hôpital se situe entre la médecine interne et la médecine intensive : dans quelles conditions et pourquoi un patient à un stade avancé est-il transféré en sons intensifs ? Selon une étude aux HUG (Genève), les critères comprennent l’indication médicale mais aussi des facteurs contextuels, la volonté du patient et la qualité de la communication entre les médecins. »
Soins palliatifs. « Les soins palliatifs doivent être mieux ancrés en Suisse. Les divers acteurs importants ne sont bien connectés entre eux que dans de rares régions et la prise en charge est fragmentée. Le personnel de santé possède souvent des connaissances insuffisante.» Précisons que les soins palliatifs comprennent aussi l’accompagnement psychosocial et spirituel. « Les conceptions exprimées en soins palliatifs montrent que des éléments tels que maîtrise de la douleur, conservation de la qualité de vie, adieux et réconciliation, communication et conscience sont tenus en haute estime. »
Sédation profonde. « Un nombre notable de patients meurent sous sédation profonde continue. En 2013, c’était le cas pour une personne en fin de vie sur six. Cette sédation dure jusqu’à la mort et va de pair avec un arrêt des apports en nourriture et en liquides. »
Religiosité alternative. « Les conceptions et pratiques de religiosité alternative prennent de plus en plus d’importance. De nouvelles conceptions de la fin de vie et de la mort se répandent, avec des systèmes de valeurs et des idéaux hétérogènes – liés au relâchement des liens avec l’Eglise et à l’accent mis sur l’individualité (…) L’assistance spirituelle classique de l’Eglise est en général ressentie comme une aide, à condition que le patient lui donne son accord et que les assistants spirituels aient assez de temps et de compétences. »
Défi sociétal. Vu l’évolution démographique, la prise en charge des personnes en fin de vie aura de plus en plus d’importance. «Tout individuelle que soit la fin de vie, elle est très influencée par les conditions politiques, économiques et culturelles. Elle est un défi qui demande une réponse collective et réfléchie. » Le chapitre conclusif du rapport, avec onze impulsions, souligne que c’est à la société qu’il incombe de permettre à ses citoyen-ne-s de pouvoir mourir dans la dignité et l’autodétermination, en bénéficiant d’un accompagnement approprié et autant que possible libérés des peurs et des souffrances.
Publié pour la première fois en 1968, puis réédité à plusieurs reprises, The Social Organization of Juvenile Justice (titre original) d’Aaron Cicourel appartient à la catégorie des classiques de la littérature sociologique. Près d’un demi-siècle après, en voici une traduction en français.
Observer les trajectoires des mineurs, supposément délinquants, pris qu’ils sont dans les mailles de leur justice; vivre au plus près – sur quatre ans et en partageant leur quotidien – ceux qui les suivent : policiers et personnel du contrôle judiciaire. C’est-à-dire retracer, d’un entretien à l’autre, d’un rapport au suivant, l’avancée des dossiers que ces services constituent sur ces jeunes, traquant ainsi ce qui tout à la fois éloigne du théâtre originel des frasques et permet de boucler leur «cas». La singularité du livre consiste à aborder la sociologie de la délinquance non par les délinquants, mais par les services qui les définissent comme tels et ainsi les génèrent.
Ce livre d’Aaron Cicourel a fait date non seulement dans le champ de la sociologie de la déviance, mais dans l’histoire même de la sociologie. L’auteur présente un entrelacs réflexif entre singularité d’objet et potentiels des diverses méthodologies susceptibles d’honorer cette singularité. Un pied dans les communities studies ; un autre dans la grille analytique de l’ethnométhodologie sans oublier les approches statistiques.
Après un premier livre sur les adultes aînés et la formation continue, Roland J. Campiche reprend son bâton de pèlerin. Malgré le slogan national «la formation la vie durant», presque rien n’a été réalisé en Suisse. Même la récente loi fédérale sur le sujet n’a pas prévu que les cursus couvrent la vie entière.
En prenant appui sur le parcours fictif de Magdalena R., les auteurs de ce petit livre agréable à lire montrent comment le fait d’acquérir de nouveaux savoirs et d’utiliser son expérience tout en nouant de nouvelles relations débouche sur une nouvelle confiance en soi et donne du sens à cette tranche de vie. Le livre documente les apports des échanges intergénérationnels et ceux de l’activité bénévole assurée par les retraité·e·s. Il contredit avec pertinence celles et ceux qui pensent encore qu’après l’activité professionnelle rémunérée, toute personne est un poids pour la société. Il contredit aussi l’image de la vieillesse réduite à une sorte de «maladie».
Un argument est particulièrement documenté dans cet ouvrage, celui de l’effet de la formation sur la santé. Le chiffre à retenir : le niveau de formation contribue à hauteur de 50% au sentiment de bonne santé, quel que soit l’âge de la personne concernée.
Pour Roger Darioli, auteur du chapitre «La formation continue: vecteur de santé la vie durant», médecin et président de Connaissance 3, plus la formation est poussée et continue, plus les chances de vivre longtemps en bonne santé sont grandes. «Avoir un bon réseau de relations sociales et avoir le sentiment de maîtriser sa vie engendrent un effet favorable sur la santé. Or, les personnes ne disposant pas ou de peu de formation post-obligatoire sont nettement plus souvent démunies de soutien social que les personnes au bénéfice d’une formation tertiaire.» Et même si les inégalités sociales sont déterminantes, le niveau de formation qui en découle est un levier sur lequel il est possible d’agir en tout temps.
Pour Yves Dunant, médecin, associé à de grandes études européennes sur Alzheimer, il convient de ne pas se focaliser uniquement sur les ressources médicales et pharmaceutiques : chaque adulte peut se constituer une «réserve cognitive» susceptible de retarder, voire d’éviter les maladies neurodégénératives tant redoutées.
Face à l’explosion des coûts de l’assurance maladie, les autorités politiques et législatives accordent beaucoup d’importance (et d’argent) à la prévention et à la promotion de la santé. Faire du sport et s’alimenter sainement : c’est bien. Mais en négligeant la formation, les campagnes nationales ratent une autre piste pour assurer le bien-être des habitant·e·s et prévenir des dépenses sanitaires, tous âges et classes sociales confondus. Espérons que cet argument financier saura prochainement inciter les élus politiques à prendre le slogan «la formation la vie durant» au sérieux!
Lire aussi le commentaire de Roland J. Campiche sur l’âge de l’AVS et le temps de formation paru le 2 septembre 2020 dans Le Courrier: «Le travail ne se résume pas au salaire».
La justice restaurative œuvre à la réparation des liens endommagés par l’infraction. C’est une justice de responsabilisation et d’inclusion qui prend le contre-pied des politiques du tout sécuritaire.
Ses défenseurs, tant juristes que criminologues, psychologues ou travailleurs sociaux, sont de plus en plus nombreux.
Le présent ouvrage constitue la synthèse de la première Journée de Justice restaurative organisée à l’Université de Fribourg en février 2017 par le Département de droit pénal et la Section suisse de la Commission Internationale de juristes.
Il soulève des questions fondamentales de société et de justice et s’adresse à toute personne préoccupée par l’orientation des politiques criminelles, la résolution des conflits et la défense des victimes.
Éditeurs :
Sur ce sujet important, lire : Catherine Jaccottet Tissot et Pascale Haldimann, «Une justice restaurative pour aider les victimes», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 5 février 2018.
Le nombre de personnes atteintes de démence est en augmentation dans les établissements médico-sociaux et les institutions pour personnes handicapées. CURAVIVA Suisse et INSOS Suisse mettent à la disposition du personnel spécialisé et des personnes intéressées un pool de connaissances et un soutien dans la pratique.
Contenu. La box démence a choisi délibérément de ne pas proposer de conseils d’intervention sur ce qu’il est «bon» de faire dans une situation concrète. Elle vise davantage à aider les professionnels et les personnes intéressées à s’informer dans ce domaine complexe et à se documenter de manière ciblée sur certains sujets. Le contenu est avant tout destiné au personnel du domaine stationnaire de longue durée et des institutions pour personnes handicapées. Il s’adresse aussi à un large public de professionnels, tant dans le domaine social que des soins ainsi qu’au personnel spécialisé du domaine socio-pédagogique.
Handicap. L’espérance de vie des personnes handicapées mentales est aujourd’hui en moyenne de 70 ans. Elles souffrent plus tôt et plus souvent que les autres de démence, en particulier les personnes porteuses de trisomie 21. Il n’existe que peu de concepts spécifiques à la démence dans ce domaine et le dossier rassemble les informations disponibles.
Interactif. Les idées novatrices et les propositions issues de la pratique sont les bienvenues et sont regroupées sous la rubrique « Exemples de bonnes pratiques ».
Les thèmes
Faire le point sur les différentes modalités de scolarisation des élèves autistes dans les pays francophones, en France, en Belgique, au Québec, au Canada ou en Suisse romande, et comparer les pratiques en prenant comme repère et point de mire cette « école inclusive » dont il est beaucoup question aujourd’hui. D’où ces questions : jusqu’où et selon quelles modalités ces différents pays s’engagent dans ce qu’il faut considérer moins comme un objectif à atteindre que comme un processus sans fin et un défi permanent ? Dans ce dossier nous explorons les différentes dimensions de l’inclusion scolaire, que ce soit la dimension politique qui s’appuie sur les textes légaux et réglementaires de chaque pays, la dimension philosophique et éthique de ce nouveau paradigme, sans oublier la dimension pédagogique sans laquelle ce processus inclusif ne saurait aboutir.
Sommaire du dossier :
Sur un sujet de grande importance clinique et de santé publique, près de 80 auteurs ont contribué à ce livre fourni, précis. Moitié de femmes et moitié d’hommes, attachés à des services du CHUV pour deux tiers d’entre eux. La plupart sont psychiatres-psychothérapeutes. Une trentaine sont d’autres disciplines : notamment psychologues-psychothérapeutes, infirmiers, quelques médecins non-psychiatres.
La première partie présente le contexte global du suicide, la seconde le modèle de rencontre, d’évaluation et d’intervention utilisé. On différencie trois niveaux : la prévention universelle (visant toute la population), la prévention sélective (à l’endroit de groupes à risque) et la prévention dite indiquée (pour ceux à risque manifeste). Sont évoqués l’intervention scolaire, les programmes sentinelles (gatekeepers) formant des bénévoles ou des professionnels, la coopération avec les médias, la prévention situationnelle (limitation de l’accès aux moyens - considération majeure de santé publique, qu’il s’agisse de médicaments , d’alcool ou d’endroits qui se prêtent au suicide). Les auteurs insistent sur l’importance d’inscrire programmes et mesures dans une stratégie globale et dans la durée - ce qui implique d’anticiper les obstacles et les enjeux financiers et d’obtenir un soutien politique au meilleur niveau.
Les parties suivantes abordent chacune une problématique spécifique du suicide, en fonction des périodes de la vie, de problèmes de santé et des dispositifs de soins. Sont également présentés les possibles déterminants sociaux et politiques ; la postvention pour limiter la récidive ou la contagion ; l’impact du suicide auprès de l’entourage, chez les proches, les professionnels, en milieu scolaire. Parmi les sujets moins « classiques » : spiritualité, formation, incarcération, migration, LGBT, violence contre autrui, addiction à des substances, aux jeux de hasard et d’argent, troubles du comportement alimentaire, périnatalité.
Chacune de ces « pièces d’un large puzzle » commence avec une vignette clinique puis fait le point sur les connaissances, les particularités de la situation clinique présentée, les modes d’intervention, les erreurs à éviter, le suivi et l’issue de l’histoire présentée.
Les auteurs de la préface : «Dans chaque cas, le lecteur est confronté à une situation spécifique qui lui montre la prévention en mouvement, de l’impasse d’une souffrance insurmontable à l’ouverture d’un chemin qui préserve la vie. […] Il nous est aisé de faire partager notre enthousiasme. Ouvrage homogène et plein de vie, avec une colonne vertébrale robuste […] Le lecteur est sensibilisé à la vulnérabilité suicidaire, telle qu’elle apparaît aux professionnels de la santé et du social […] Les auteurs partagent le même référentiel d’évaluation, en distinguant le risque, l’urgence et la dangerosité suicidaires - langage commun de transversalité. » Le choix de procéder per entrées multiples permet à des acteurs différents d’accéder rapidement à des connaissances et recommandations pertinentes.
Une question, en toute humilité : dans un ouvrage sur la prévention, il est logique que les cas présentés se terminent habituellement bien, ou pour le moins permettent d’espérer une stabilisation. Aurait-il été pertinent de discuter des situations où des efforts compétents d’aide et de prévention n’ont pas rencontré le succès ? Cette démarche a été partiellement réalisée à propos de postvention.
A noter enfin que le dernier chapitre traite du suicide assisté. J’ai (J.M.) apprécié, en huit pages, une présentation basée sur l’expérience professionnelle et humaine de l’auteur, factuelle, non-jugeante, équilibrée quant aux enjeux éthiques et pratiques que pose cette problématique - qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’ignorer, ni de vouer aux gémonies.
A propos de: «Les associations boliviennes à Genève. Culture(s) et interculturalité», mémoire de master HES-SO en Travail social, sous la direction de Laurence Ossipow Wuest, 2017, 192 pages. Par Emmanuel Deonna*
De nombreux débats agitent le monde de la recherche et la sphère publique à propos du multiculturalisme et des politiques dites d’intégration des populations migrantes, au double sens de leur insertion socio-professionnelle et de leur intégration culturelle. Une enquête socio-anthropologique de dix-huit mois, menée auprès d’associations boliviennes et suisses engagées dans un dialogue social et culturel à Genève, canton où résident plus de 40% d’étrangers, a permis de dégager à cet égard plusieurs enseignements.
La recherche s’est basée sur la participation en position d’observateur à une quinzaine d’activités menées par les associations boliviennes et suisses et sur la conduite d’une dizaine d’entretiens semi-directifs.
Régularisations. Le statut politique et juridique dégradé des populations sans statut légal à Genève semble faciliter le maintien de certaines discriminations. L’annonce d’une politique de régularisation de grande envergure par les autorités genevoises au début 2017 (« Opération Papyrus ») est susceptible d'apporter du changement car la communauté bolivienne abrite un grand nombre de personnes sans statut légal. Cependant, il est encore trop tôt pour mesurer concrètement les effets de cette mesure. Jusqu’ici, les associations boliviennes semblent interagir relativement peu avec les autorités politiques et les intervenants sociaux.
Apprentissages. Ces organisations sont sous-dotées au niveau de leurs ressources. Les pratiques artistiques des migrants boliviens – en l’occurrence la musique et la danse – offrent cependant de réelles perspectives en termes de bien commun et d’intérêt général. Les contraintes matérielles et logistiques imposent d’improviser une partie des activités. Leur développement n’en représente pas moins une véritable action culturelle, fondée sur l’ingénuité, l’apprentissage à partir de l’expérience et l’intuition. Ces façons d’apprendre et d’enseigner ont pour effet de rendre le processus créatif moins intimidant.
Pratiques artistiques. Il ressort également des observations participantes effectuées lors des manifestations privées (réunions de comité des associations, fêtes internes à la communauté) et des manifestations publiques organisées par les associations boliviennes (Fête de l’Unité, Fiesta de Alasitas) que les pratiques artistiques ont eu une place importante dans la panoplie de stratégies d’affirmation identitaire et d’intégration développées par les associations d’immigrés boliviens. Elles représentent non seulement d’importants vecteurs d’affirmation collective, mais également d’échange interculturel (Martiniello, Barth). Quant à la difficulté rencontrée par les associations boliviennes à organiser une parade interculturelle en ville de Genève, elle peut être interprétée comme un «déni de reconnaissance» (Fraser).
* Animateur socio-culturel, chercheur en sciences sociales et journaliste indépendant
Bibliographie sélective
Les problèmes relatifs à la protection des mineurs confiés à des tiers n’ont cessé de croitre depuis vingt ans. Aujourd'hui, ces sujets sont plus que jamais d'actualité. Les questions, voire les drames, ne cessent de faire la UNE de la presse. Yves Delessert aborde le travail et les responsabilités – souvent méconnus mais indispensables – des acteurs socio-éducatifs, et les conséquences légales de leurs actions ou omissions. Cette étude de droit suisse porte ainsi sur la responsabilité civile, contractuelle et pénale des adultes qui prennent en charge des mineurs hors du cadre familial.
Les professionnels trouveront dans la version actualisée de Mineurs confiés : risques majeurs ? une ressource à la fois juridiquement pointue, pragmatique et ancrée dans de nombreuses situations pratiques.
L’arrivée au jardin d’enfants représente pour le petit d’homme un des premiers grands défis de la socialisation et un véritable rite de passage souvent insécurisant. Pour le professionnel, il s’agit d’un travail éducatif bien éloigné du gardiennage.
En construisant par induction une pédagogie qui prend sa source dans son enfance même, Yolande Hauser a développé avec conviction son credo : valoriser chaque fois que possible la liberté d’expression et le potentiel créatif de l’enfant. La narration de quelque quarante ans de pratique réflexive offre un témoignage précieux sur l’évolution du métier de «jardinière d’enfants» et sa professionnalisation, ainsi qu’une source d’inspiration en termes de dispositifs et d’outils développés.
Stéphane Michaud, pédagogue, enseignant et formateur d’adultes, a longuement écouté Yolande dans le récit de sa vie. Ensemble, ils ont structuré son jardin d’idées et explicité les enjeux de l’identité et de la posture professionnelle d’une éducatrice de la petite enfance. De ce dialogue pédagogique à partir du journal de terrain de Yolande est sortie la dimension analytique du récit.
Ainsi ce livre conte avec bon sens, audace et poésie, l’histoire d’un parcours de vie au service des enfants. Cet engagement empirique, réflexif, militant et éthique d’une modernité exemplaire donne l’essentiel du grain pédagogique à moudre pour les professionnels de la petite enfance d’aujourd’hui et de demain.
Une rencontre avec l’auteure Yolande Hauser est organisée le mardi 27 février 2018 de 18h à 19h30. Lieu : Genève, HETS, CAWA, Bâtiment C. Participation gratuite sans inscription.
La Fureur de voir, le dernier film de Manuel von Stürler, réalisateur du multirécompensé Hiver nomade, sort en salle.
Ce superbe documentaire présente l'histoire très personnelle du cinéaste qui, menacé de cécité, se lance à corps perdu dans une quête sur ce que signifie la perception visuelle. Sa «fureur de voir» alimente un parcours initiatique qui plonge le spectateur dans l'univers de la vision, et tente de répondre à la question : qu'est-ce que voir ?
Avec Frédéric Chavane, neurobiologiste à l’Institut de Neurosciences de la Timone à Marseille, où il dirige l’équipe « Inférence et comportements visuels». Ce chercheur de haut niveau, a été primé par la Fondation de l’œil (fondation de France) en 2014. Il est aussi un ami proche du narrateur.
Avec Letisha Abraham et Roddy Robert, Océanie, souffrant tous deux d'achromatopsie; Sylvie Chokron, neuropsychologue et directrice de recherche au CNRS; Jean Lorenceau, directeur de recherche au CNRS et à l’ENS; Catherine Le Clech, qui teste l'implant rétinien, Brigitte Kuthy Salvi, qui raconte sa rencontre forcée avec la cécité...
Jean Fonjallaz est docteur en droit et juge fédéral. Jacques Gasser est professeur à la Faculté de médecine de Lausanne et directeur du Département de psychiatrie du CHUV. Leur livre répond à des manques persistants dans la formation des professionnels impliqués, du domaine juridique (procureurs, juges, avocats) et du domaine médical, deux champs professionnels qui se connaissent trop peu. Leur ouvrage clair et bien structuré apporte une foule d’informations et est utilement complété par une bibliographie choisie, le texte des normes légales concernées et un exemple-type de questionnaire auquel la justice pénale souhaite qu’un expert réponde.
L'irresponsabilité et la gestion du risque
« Les plus anciennes législations considéraient la folie comme un motif d’exemption de punition […] On estimait que l’on ne pouvait pas imputer une faute à quelqu’un dont l’esprit est aliéné et il en allait de même pour l’enfant, l’animal ou la tuile qui tombe d’un toit. » Les choses ont changé et les questions de responsabilité (entière, restreinte ou nulle) se sont complexifiées, avec l’élaboration et la diversification des codes pénaux. Evolution influencée aussi par l’accent croissant mis sur le respect des droits humains.
« En une quinzaine d’années, la justice pénale - du moins le législateur - est passé d’une logique de punition et de réinsertion sociale à un modèle de gestion du risque mettant au centre la protection de la société.» L’intérêt des milieux professionnels, politiques et médiatiques s’est déplacé de la problématique de la responsabilité à celle du risque de récidive, avec une intensification des réflexions sur la dangerosité.
Ce changement « est à la racine des difficultés des experts psychiatres qui doivent se prononcer non seulement sur ce qu’ils savent faire (diagnostiquer, proposer des thérapeutiques, apprécier la responsabilité), mais également sur des aspects beaucoup plus flous et éloignés de leurs préoccupations habituelles, qui sont ceux relevant de la sécurité publique. » Il n’en reste pas moins que la maîtrise de la sécurité constitue une préoccupation forte, en particulier celle de savoir quels sont les risques acceptables – si l’on admet que le risque zéro n’est pas réalisable.
La thérapie et l’expertise
« En premier lieu, l’expertisé doit être averti que le médecin n’est pas dans son rôle habituel de thérapeute mais qu’il agit sur mandat d’une autorité judiciaire à laquelle il devrait communiquer tous les éléments nécessaires, et qu’il n’est donc pas soumis au secret médical dans cette fonction. » Et l’ouvrage d’insister sur la nécessité de procéder à une expertise à deux. Elle permet de « travailler les éventuels désaccords, non pas pour les gommer, mais pour les expliciter et trouver la meilleure solution. » Autre précision importante : « Dans le cas où la façon dont les fait sont survenus jouerait un rôle quant aux réponses à donner, l’expert doit prendre en compte séparément les diverses possibilités. Ce n’est pas à lui de choisir la ‘meilleure’ version. Il peut ainsi être amené à donner deux versions de ses conclusions en fonction des ‘réalités’ différentes décrites par l’accusation et le prévenu. »
Présentée dans le rapport psychiatrique, la partie «discussion» est la plus importante de l’expertise. « Elle représente l’interface entre le monde médical et le monde juridique. C’est là qu’il s’agit de chercher s’il existe un lien de causalité entre les éléments cliniques observés et les actes reprochés à l‘expertisé, ce qui revient à mettre en évidence un éventuel déterminisme pathologique. L’expert doit transposer ses observations en langage compréhensible pour les non-spécialistes. »
Le libre arbitre et le déterminisme
« Le droit pénal est fondé sur la conception que chacun est en principe libre d’agir. C’est le libre arbitre, la conscience et la volonté sont présumées […] En revanche la psychiatrie a observé que le comportement d’un individu est conditionné par différents éléments liés à son état mental et à son histoire. C’est le déterminisme ». Aussi : « Le droit fonctionne le plus souvent par catégories et concepts distincts, alors que les psychiatres voient leurs observations dans une certaine globalité et un certain continuum ». A propos de ce continuum, l’auteur de cette recension, en tant que médecin cantonal, a bien souvent constaté et expliqué comment le droit est contraint de voir les choses en noir ou blanc, alors que le médecin, les soignants ou les travailleurs sociaux sont contraints de voir la vie en nuances de gris, du plus clair au plus foncé.
Est-ce que comprendre, c’est excuser ? Excellente question posée à la fin du livre. « Comprendre est de l’ordre de la connaissance, c’est l’action qui vise à accéder au sens, à chercher les mécanicismes ou déterminants significatifs d’un acte […] En aucune façon le psychiatre ne devra se prononcer sur la valeur positive ou négative de l’acte. Sanctionner, en revanche, est une action d’un autre ordre, qui a pour fin d’appliquer la loi que s’est donnée la collectivité. »
Un ouvrage qui prouve que le dialogue entre un juge et un psychiatre peut «déboucher sur un résultat concret et utile, aux confins de deux matières dont les fondements et fonctionnements sont diamétralement divergents mais dont l’interaction devrait servir le vivre ensemble. »
Et si nous désobéissions, si nous cessions d’être de sages consommateurs ? Paul Ariès nous invite à suivre les réflexions des objecteurs de croissance, de l’alimentation à la désobéissance civile, en passant par la publicité, le rationnement et la gratuité. Quand 20 % des humains s’approprient 86 % des ressources disponibles sur Terre, parler de décroissance devient une nécessité.
Égratignant à la fois spéculateurs environnementaux et vendeurs de développement durable, il appelle à la « croissance » de l’imaginaire et des liens sociaux, pour s’offrir collectivement une vie plus libre, plus signifiante et, finalement, plus humaine. Il revient sur 10 ans de combats de la décroissance qu’il aime décrire comme un « chemin de crête », dont pourraient découler le pire et le meilleur.
Politologue, Paul Ariès est rédacteur en chef de la revue Les Zindigné(e)s, directeur de l’Observatoire international de la gratuité et auteur de nombreux ouvrages dont Écologie et cultures populaires, les modes de vie populaires au secours de la planète (Utopia, 2015) et Une histoire politique de l’alimentation de la préhistoire à nos jours (Max Milo, 2016).
Le Tribunal fédéral a refusé de soutenir la scolarisation inclusive comme l’exige pourtant la Convention relative aux droits des personnes handicapées que la Suisse a signée. Analyse de la Plateforme humanrights.ch.
L’analyse s’ouvre sur la situation d’un enfant en Thurgovie. Atteint de trisomie 21, il avait été intégré dans un jardin d’enfant classique et s’était ensuite vu refuser l’inclusion à l’école primaire ordinaire. L’Office thurgovien de l’instruction publique avait en effet décrété – contre la volonté de ses parents – son admission dans une école spécialisée. Le jeune concerné et ses parents ont fait recours auprès du Tribunal fédéral qui a donc décidé de rejeter leur plainte et de ne pas favoriser la scolarisation inclusive.
Ce jugement important est soigneusement documenté tant au niveau juridique, avec toutes les références, que du vocabulaire. Le dossier recense également les réactions de Inclusion Handicap et Insieme et se termine par un panorama de la scolarisation dans les cantons qui ont des pratiques extrêmement diversifiées. Le Valais est le canton le plus intégratif, avec un taux de séparation de 1.1% seulement. En revanche, Neuchâtel et Genève «peinent à abandonner leur culture de l’école spécialisée, malgré des tentatives de changements».