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Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
La toxicomanie et la prise en charge de personnes dépendantes m’ont accompagné tout un long d’un quart de siècle, jusqu’en 2003, au Service vaudois de la santé publique. J’ai vécu de près les évolutions et controverses au sujet de leur prise en charge ainsi que les empoignades idéologiques. C’est dire que j’ai été très intéressé par ce numéro de la revue Dépendances. Une demi-douzaine de contributions substantielles s’adressent à la difficile question « maladie ou choix » dans l’addiction.
L’opinion prévalente depuis quelques décennies est qu’on est en présence de dépendants et que les toxicomanes ne sont guère libres de leur choix. Etant entendu que, si certains s’en sortaient par des modalités fermes vers l’abstinence, beaucoup d’autres avaient besoin de béquilles, type méthadone, pour épauler leur motivation.
Dans ce numéro, Jean-Félix Savary, secrétaire général du GREA, interviewe Nick Heather, professeur émérite à l’Université de Northumbria (UK). Il évoque l’« insatisfaction face à deux visions polarisées de l’addiction, qui empêchent les progrès dans la compréhension de celle-ci. D’un côté, l’idée que les dépendants n’ont pas d’autre choix que de faire ce qu’ils font. D’un autre côté, certains affirment que l’addiction est un choix libre (…) La vérité réside entre les deux. En fait, il s’agit d’un ‘trouble du choix’, le choix est déformé. Nous conservons le concept d’addiction mais voulons repenser sa signification. » Il relève que de vastes enquêtes ont montré que l’addiction peut être une difficulté dont les gens se remettent relativement rapidement. A cet égard, un exemple marquant a été la consommation massive d’héroïne par les soldats américains au Vietnam, que la plupart ont cessé sans grande difficulté à leur retour.
On sait qu’un problème important réside dans la stigmatisation des personnes touchées. Heather : « Il y a un paradoxe : les tenants du modèle de la maladie prétendent que c’est le seul capable d’inciter la société à cesser de blâmer les dépendants, point de vue qui séduit de nombreux politiciens. Je pense possible de parler de ‘trouble du choix’ sans que cela conduise pour autant à déprécier/juger les personnes, bien qu’on soit toujours susceptible d’être mal compris. » Une de ses enquêtes montre par ailleurs que le fait que l’alcoolisme soit considéré ou non comme maladie a peu d’influence sur l’attitude de la population. Sur ce point toutefois, un aspect pratique à signaler : aux USA par exemple, les assurances ne prendront en charge le traitement que si le problème est étiqueté «maladie».
Plus avant : « La perspective que je soutiens met l’accent sur la problématique du contrôle et de la régulation de soi. Certains penseront que nous sommes moralisateurs. Mais ce que nous disons, c’est que l’addiction est un problème de l’humanité, des conduites humaines. La notion d’addiction devrait être intégrée dans le concept plus large de la difficulté à changer un comportement reconnu par la personne comme dommageable.»
En guise de commentaire : vérité en deçà de la Manche, erreur au-delà ? En fait, il existe un polymorphisme de l’addiction, souvent compliquée par des co-morbidités et des circonstances de vie difficiles. Il n’y a donc pas de réponse catégorique à la question complexe évoquée. Mais l’existence de différents points de vue quant aux circonstances et aux mécanismes impliqués n’empêche pas d’œuvrer utilement au traitement des toxicomanes, par différents moyens et à différents moments de leurs trajectoires.
Dans la prise en charge de patients détenus en vue de leur renvoi, le rôle des médecins pénitentiaires est capital: ils constatent les éventuelles contre-indications à un refoulement et transmettent les résultats des examens. L'ASSM a actualisé et publié sur son site internet les documents requis à cet effet.
La nouvelle liste «Contre-indications médicales aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne» récapitule les principaux diagnostics à prendre en compte dans les transports par voie aérienne. Le «Rapport médical dans le domaine du retour / exécution du renvoi» actualisé, élaboré par la FMH, l'ASSM et la Conférence des médecins pénitentiaires suisses (CMPS), sert à la transmission des contre-indications. Celui-ci permet aux médecins pénitentiaires de faire part de leurs éventuelles constatations, dans la mesure où ils ont été déliés du secret médical.
Cette procédure, entrée en vigueur depuis avril 2015, permet une séparation claire des rôles du médecin pénitentiaire et du médecin qui accompagne le vol et décide de l'aptitude au transport. La Commission Centrale d'Ethique (CCE) de l'ASSM s'était engagée pour la clarification des responsabilités et le changement de système.
La brochure actualisée «Exercice de la médecine auprès des personnes détenues», ASSM, 29 pages, est également disponible en téléchargement.
De la grève générale jusqu’à nos jours en passant par l’AVS, cet ouvrage voyage à travers le passé. 167 photos et illustrations retracent l’évolution de la question de la vieillesse au cours du siècle écoulé, tandis que des portraits de personnalités ayant marqué l’histoire de Pro Senectute viennent compléter l’œuvre.
En 1917, à la fin de la Première Guerre mondiale, l’espérance de vie moyenne en Suisse s’élève à 57 ans pour les femmes et à 54 ans pour les hommes. Il n’existe ni réseau social ni prévoyance vieillesse. Pour la grande majorité de la population, travailler « jusqu’au bout » est une nécessité. Il y a 100 ans, la fondation « Pour la Vieillesse », aujourd’hui Pro Senectute, est créée en réponse à la forte précarité dont souffrent souvent les personnes âgées.
L’auteur, Kurt Seifert, raconte de manière accessible l’histoire du développement des institutions sociales en Suisse. Il retrace 100 ans d’histoire, depuis la grève générale en passant par la création de l’AVS jusqu’à notre époque, qui place au premier plan la longévité de la vie et la garantie de la prévoyance vieillesse, et dans laquelle Pro Senectute œuvre pour assurer aux personnes âgées une vie active et épanouie.
Le présent ouvrage illustre bien à quel point la question du vieillissement et de la vieillesse a évolué ces 100 dernières années et décrit le grand rôle joué par le développement d’un solide réseau social.
A noter que, à l’occasion du coup d’envoi des activités liées au 100e anniversaire de Pro Senectute, Toni Frisch a remis la présidence de la fondation à Eveline Widmer-Schlumpf.
Ils et elles ont moins de 20 ans ou plus de 60 ans. Chacune des 23 personnes qui témoignent dans ce livre a son histoire: un licenciement, un accident médical hors mandat, un divorce, une enfance tourmentée ou une situation professionnelle instable.
Toutes se sont retrouvées à un moment ou un autre dans un centre social régional pour demander l’aide sociale. Dans une période de grande vulnérabilité psychologique, se confronter à cette situation est une double peine: non seulement il faut désormais se mettre à nu face aux conseillers, mais en plus appréhender le regard des autres qui définissent par principe qu’il n’y a que des fainéants et des abuseurs de l’aide sociale. Mais qu’en sait-on vraiment? Qui sont ces gens? « Itinéraires entrecoupés » est un projet de portraits photographiques et de récits de vie. Il ouvre le dialogue et donne la parole à ceux qui se sentent brisés par la vie et par le regard des autres. Ils et elles pourraient être nous. Nous pourrions être eux. Sept personnalités s’expriment en deuxième partie de l’ouvrage sur leur parcours de vie. L’ouvrage est préfacé par Pierre-Yves Maillard.
Une exposition itinérante parcourt la Suisse romande depuis avril 2017 jusqu’en janvier 2018 :
En Suisse, la pauvreté touche particulièrement les familles monoparentales et les familles nombreuses. Directement confrontées à cette situation, les villes et les communes se doivent de réagir. Ces collectivités répondent à la pauvreté des familles par une grande diversité de prestations, financières ou non financières. Les villes et les communes assument actuellement une part essentielle de l’organisation et du financement de ces mesures.
La présente étude, lancée dans le cadre du Programme national contre la pauvreté, recense et évalue les stratégies, les mesures et les prestations adoptées dans certaines villes, pour en tirer des recommandations.
L’étude offre une vue d’ensemble des approches de prévention et de lutte contre la pauvreté des familles – leur spectre est large. Elle peut ainsi livrer aux villes et aux communes intéressées des indications et des suggestions sur les mesures de lutte contre la pauvreté des familles à mettre en œuvre et sur la façon de les coordonner, de les ajuster et de les développer.
Les auteur·e·s: Heidi Stutz, Livia Bannwart, Dr. Aurélien Abrassart, Melania Rudin, Victor Legler, Margaux Goumaz, Mattia Simion, Dr. Philipp Dubach
ndlr: dommage que l'étude soit en allemand, les francophones devront se contenter d'un résumé de 11 pages.
Ce document a été conçu et élaboré comme un outil pour les professionnels de l’information. Il est distribué à l’ensemble de la presse romande. Mais aux yeux de REISO, il est extrêmement utile à toutes les personnes qui s’intéressent aux questions d’asile et de migrations et il pourrait tout aussi bien s'intituler «Mémo[ts] pour parler d’asile et de migrations».
Son objectif n’est pas d’imposer un discours ou de le formater, mais de le dénuer de ses nombreux préjugés. Il se décline en trois volets :
Ce document est le fruit d’échanges menés avec des journalistes romands et des experts juridiques dans le cadre du projet Le Comptoir des médias, lancé en 2013 par Vivre Ensemble. Il a été réalisé avec le soutien du Bureau suisse du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). « Le pouvoir des mots, celui des images est considérable » rappelle Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme, qui espère que « ce glossaire puisse accompagner les journalistes sensibles à la nécessité de trouver, au-delà des faits à narrer, les mots justes pour le faire. »
Le Mémo[ts] peut être commandé en version papier ou téléchargé en version pdf.
L’âge des possibles prend l’adolescence au sérieux en considérant cette période comme un temps de la vie durant lequel les paradoxes s’intensifient et les limites se redéfinissent. Une accélération des changements mais aussi la possibilité constante d’une désorientation – dont la société se rend parfois complice – sont mises en jeu. Fabbrini et Melucci offrent une modalité particulièrement originale de décrire et d’analyser non seulement les expériences vives de l’adolescence, mais aussi les enjeux d’une nécessaire négociation entre adultes et jeune génération autour de la différence qui les sépare. De fait, la réception actuelle des phénomènes propres à l’adolescence, notamment une certaine fuite des responsabilités de l’adulte, est également questionnée.
L’âge des possibles (L’età dell’oro pour la version italienne) a rencontré un vif succès auprès des publics universitaires et professionnels du domaine éducatif et social. Anna Fabbrini propose une préface à cette version française revenant sur la manière dont l’ouvrage a posé certains nouveaux enjeux de la vie institutionnelle liée à l’adolescence lors des vingt dernières années.
A l’école, certains adolescents paraissent fermés, inaccessibles, figés dans leur opposition. Les apprentissages scolaires les horripilent, les ennuient, les effraient. Ils refusent d’apprendre, laissant aux enseignants un sentiment d’impuissance et de découragement les menant à s’agiter pédagogiquement, parfois aux limites de l’absurde.
C’est en convoquant l’usage de la littérature que Jessica Vilarroig questionne cet écueil classique de la vie scolaire contemporaine et façonne son expérience d’enseignante dont elle livre ici certains aspects frappants. Elle en tire profit pour donner chair à la souffrance psychique et à la révolte des adolescents, mais aussi pour renvoyer les enseignants à leurs postures et éclairer les impasses pédagogiques dans lesquelles les élèves tentent de les pousser. Enfin, toujours en puisant dans la littérature sa réflexion, l’auteure propose des outils qui permettent d’enclencher une mise en mouvement dialectique au service de la créativité de l’enseignement, mais aussi de la rigueur nécessaire à toute élaboration de la pensée de l’élève.
A travers une réflexion riche et exigeante, Les refus d’apprendre expose un geste pédagogique juste pour qu’apprendre ait du sens, et rend hommage aux adolescents et à leur puissance d’opposition, comme autant de promesses d’avenir.
Cet article de Vincent Artison dresse un état des lieux très complet du travail social de rue ou travail social hors murs (TSHM). Quelles sont ses origines et comment a-t-il été peu à peu introduit en Suisse? Quels enjeux particuliers soulève-t-il?
L'auteur explique comment, par sa nature, ce métier réinvente les manières d’investir les terrains de la pédagogie, l’éducation, la santé, la sécurité et la citoyenneté. Historiquement, le TSHM est encore souvent attaché à des institutions privées de type associatif ou fondation. Toutefois, depuis une bonne décennie, il est de plus en plus directement rattaché aux administrations communales afin de mettre en œuvre leur politique de la jeunesse ou de cohésion sociale. Une telle tendance n’est pas sans poser de questions pour un champ professionnel « atypique », explique le spécialiste. A noter aussi que ce métier se formalise peu à peu en Suisse avec l’élaboration de cahiers des charges, la mise sur pied d’espaces réflexifs et la publication de rapports d’activités, de travaux de recherche ou d’articles.
Vincent Artison décrit aussi le quotidien des travailleurs de rue qui ont pour rôle de tisser des liens avec la population en général et plus spécifiquement avec des jeunes et des adultes concernés par des situations d’exclusion, d’isolement, de précarité, de maltraitance ou de maladie. Dans leur pratique, ils sont attentifs à la détection et à l’intervention précoce ainsi qu'à la promotion de la santé tant au niveau individuel que collectif. L'auteur conclut sur l'importance de construire cette relation de confiance sur le terrain, avec la communauté de base, afin qu'un réel travail d’émancipation se mette en marche.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
À 36 ans, Paul Kalanithi apprend qu’il souffre d’un cancer pulmonaire avancé. Issu de parents de classe moyenne venus d’Inde, établis près de New York puis en Arizona, il a étudié la médecine à Yale avant de rejoindre Stanford où une brillante carrière l’attendait. Attiré par la langue et l’écriture (il avait aussi fait un master en littérature et histoire de la médecine), il a écrit ce livre-témoignage sur une situation classique mais toujours délicate: celle du médecin qui devient le patient.
La première partie de l’ouvrage évoque sa jeunesse et ses études, en soulignant sa constante recherche existentielle de sens à/dans la vie et son intérêt pour la relation. La deuxième est consacrée aux deux ans de maladie et traitements, aux multiples questions, espoirs et désillusions. Il parle de son passage du statut de médecin compétent et apprécié à celui de malade gravement atteint, dans le même hôpital – et des rapports avec ses confrères devenus ses thérapeutes. «A cet instant, mon identité de praticien n’importait plus (…) Au lieu d’incarner une figure pastorale de guide, je me retrouvais mouton, perdu et sans repère. (…) J’étais passé de la fonction de sujet des phrases de ma vie à celle de complément d’objet direct.»
La publication du livre a été rendue possible grâce à son épouse Lucy, qui rédige un substantiel épilogue: «Cet ouvrage, s’il est l’œuvre d’un travailleur acharné, reste néanmoins le témoignage d’un homme à court de temps, dans l’urgence de partager ses pensées les plus profondes.» Et aussi: «Paul s’appuya sur sa force intérieure et sur sa famille pour affronter chaque étape de sa maladie avec grâce – jamais d’aveuglement bravache ou de foi mal placée dans une guérison improbable – et une authenticité qui lui permirent de faire le deuil du futur qu’il avait prévu et de s’en forger un nouveau.» Mais encore: «Avec ce livre, nos amis seront surpris d’apprendre que Paul et moi avons traversé une période de troubles conjugaux. Mais j’en suis heureuse car ces problèmes constituent une partie de ce que nous avons dû redéfinir; en un mot une rédemption.»
Paul et Lucy ont débattu de manière approfondie le point de savoir si, lui étant malade, ils voulaient chercher à avoir un enfant. Choix très difficile, avec les questions qu’il pose sur le «meilleur intérêt», ultérieur, et le bien-être des uns et des autres. Ils l’ont fait, et leur fille Cady a illuminé les derniers mois de son père.
Dans la conclusion: « Loin du Paul brillant et solide dont j’étais tombée amoureuse, la version de mon mari qui me manque le plus reste celle de sa dernière année, celle de cet écrivain fragile (…) Ce qui est arrivé à Paul fut tragique mais lui-même ne le fut jamais.» A la dernière page : « Malgré le travail ardu et brutal qu’a représenté pour lui cette écriture, il ne faiblit jamais. Son œuvre est donc complète, aussi inachevée soit-elle.»
REISO a mis en ligne récemment d’autres récits de malades (1, 2). Les styles diffèrentvivement : chez Malzieu, musicien français, c’est l’humour et la poésie; chez Ogien, philosophe issu d’une famille venue d’Europe de l’Est, c’est la réflexion empreinte de sociologie médicale. Chez Kalanithi, descendant d’immigrés lui aussi, on sent la force du « Rêve américain», du «hardwork» qui permet de réussir, de la concentration sur une pratique impeccable de la médecine, sur le plan technique comme sur le plan de la relation au malade.
1. Mathias Malzieu.Journal d’un vampire en pyjama. Paris: Albin Michel, 2016. Recension sur REISO
2. Ruwen Ogien. Mes Mille et Une Nuits – La maladie comme drame et comme comédie. Paris: Albin Michel, 2017. Recension sur REISO
Ce numéro consacre son dossier à « La mise en œuvre de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées ». Il contient différents articles sur les thèmes de l’éducation, de la participation, du droit et de l’éthique. Au sommaire:
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
C’est la première fois qu’un ouvrage de Jonathan Glover est traduit en français. Les Editions Labor et Fides offrent ainsi la possibilité aux francophones de se familiariser avec le travail majeur de ce philosophe britannique. La publication originale, Causing Death and Saving Lives, date de 1977 mais le propos n’a pour l’essentiel pas vieilli.
Ce livre traite les questions « qui se posent lorsque l’on envisage d’éliminer ou, au contraire, de sauver des vies humaines », selon la première ligne pour le moins provocante de la préface. Tout en restant pluraliste, l’auteur présente des conceptions représentatives de la bioéthique anglo-saxonne d’orientation conséquentialiste/utilitariste, peu appréciée en Europe continentale par ceux dont l’approche est très déontologique où on tend à appliquer les principes indépendamment de leurs effets.
« Nos attitudes à l’égard du suicide, de l’euthanasie, de la peine de mort et de la guerre ne peuvent pas être traitées rationnellement si on les considère de façon radicalement séparée les unes des autres. » Une remarque étonnante mais fondamentalement correcte. Le but est « d’aboutir à un système de réponses non contradictoires couvrant l’ensemble des questions relatives au faire mourir». Glover propose trois raisons fondamentales de condamner l’homicide : il est immoral d’écourter une vie valant la peine d’être vécue ; il est immoral de faire mourir quiconque désire continuer à vivre ; toutes choses égales par ailleurs, il est moral de privilégier la décision ayant les meilleures conséquences pour le plus grand nombre (option utilitariste). La notion de « vie digne d’être vécue » est largement traitée. Sur ce sujet, l’auteur n’adhère pas à la doctrine de la vie sacrée, il lui préfère une approche fondée sur le respect de l’autonomie des personnes et sur la qualité de la vie qu’elles mènent.
L’essentiel de l’ouvrage est consacré à l’éthique appliquée. Parmi les sujets classiques : l’avortement. Il est traité du point de vue du fœtus (quand devient-on une personne ?) et du point de vue des femmes et de leurs droits. L’auteur rappelle à ce sujet un décret choquant du Saint-Office du 5 mai 1902 condamnant tout avortement d’un fœtus se développant hors de l’utérus, par exemple dans les trompes de Fallope, alors même que ne pas avorter dans ces circonstances aboutissait à la mort de la mère et du fœtus.
Pour Glover, « il ne fait aucun doute que nous n’avons pas encore suffisamment réfléchi à la question de savoir combien notre société devrait être prête à dépenser en vue de sauver des vies. » On sait que la considération de critères sociaux, en particulier s’agissant de transplantation d’organes, est un sujet difficile. Les textes légaux exigent que la sélection d’un receveur ne soit faite que sur la base de critères médicaux. Toutefois, appliqué de manière « étroite », cela mène à des situations mal acceptables du point de vue du simple bon sens. Par exemple à privilégier un malade de plus de 80 ans dont le dossier médical est marginalement plus « approprié » que celui d’une mère de famille de 35 ans. Le philosophe précise : « Si la vie de deux personnes est en jeu, il convient de considérer comme un critère très important le nombre de personnes dont chacune à la charge (…) [C’est une] très bonne raison de ne pas laisser le hasard décider ». Plus avant : « Une fois admis d’accorder une importance aux personnes à charge, faut-il prendre en considération des effets plus généraux tels que la contribution de chacun envers la société ? Il existe de bonnes raisons de ne pas choisir ce critère. » Et c’est bien la règle aujourd’hui puisqu’il ne peut exister de définition consensuelle sur la « valeur sociale » d’une personne.
Cet ouvrage permet finalement de comprendre l’approche anglo-saxonne dans les grands débats éthiques actuels, qu’il s’agisse de soins palliatifs, de suicide assisté ou de politiques de prévention santé.
La campagne 2017 des CSP est consacrée à la classe moyenne inférieure. Avec des revenus parfois proches du seuil de la pauvreté, mais qui ne donnent pas droit à des prestations d’aide sociale, elle est particulièrement vulnérable face aux coups durs de la vie. La campagne rappelle l’aide concrète apportée à ces personnes (28% de la population selon l'Office fédéral de la statistique) qui échappent au filet social et dessine également des pistes pour diminuer certains facteurs de précarisation.
Le filet social déployé aujourd’hui ne prévoit en effet pas beaucoup d’aides pour cette tranche de la population qui vit au quotidien sur le fil du rasoir. La campagne est ainsi l’occasion de revenir sur plusieurs des revendications des CSP :
Visible pendant un mois dans les principales villes et localités de Suisse romande, cette campagne sensibilise le public à des parcours de vie à la fois singuliers et emblématiques, chargés d’une douleur souvent silencieuse. Le portail internet des quatre organisations s'ouvre sur la campagne avec des vidéos en ligne et un aperçu quantitatif et qualitatif des prestations des CSP (nombre de consultations sociales et juridiques en un an, nombre de personnes accompagnées, paroles de pros).
Les cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel intensifient leurs collaborations dans le domaine de la santé et viennent de mettre sous toit la stratégie commune en matière de soins palliatifs pour les années 2017 à 2027.
Dans le prolongement des collaborations mises en place dès 2009, et de manière inédite à une échelle intercantonale, cette stratégie commune est déclinée sous forme de cinq orientations stratégiques, comportant 15 objectifs à atteindre par le biais de 35 mesures:
L’expérience ainsi que la recherche montrent que les soins palliatifs sont un élément indispensable pour une approche clinique de qualité, en particulier en fin de vie, et ceci à un prix acceptable. La (ré)admission en soins palliatifs plutôt qu’en soins aigus est de 13% à 51% moins coûteuse selon les études.
Stratégie BEJUNE en format pdf
La pratique du travail social hors murs (TSHM) se déploie au sein des collectivités locales au plus près de différents publics en situation de vulnérabilité. Peu connue, elle peut apparaître comme opaque aux yeux d’un observateur non averti.
Les praticiens eux-mêmes rencontrent parfois des difficultés à expliciter leur propre action au quotidien. Afin de rendre compte de la finesse de l’exercice de la pratique et de tenter de répondre à la question : comment fait-on du travail social hors murs, les professionnels de la Plateforme romande du travail social hors murs ont construit collectivement ce référentiel de pratiques.
Ce qui « fait référence » pour le travailleur social hors murs ne peut être mobilisé de manière statique, mécanique comme le prescrirait un guide de « bonnes pratiques ». Pour cette raison, au fil de cet ouvrage, le lecteur est invité à effectuer un aller-retour entre une typologie qui réduit volontairement la complexité des éléments de la pratique afin de mieux les identifier, et une série de récits rédigés par des professionnels romands du TSHM.
Des récits de pratiques qui, chacun à leur manière, témoignent du savoir-faire engagé dans la diversité des situations rencontrées sur le terrain.
L'initiative populaire fédérale pour l’introduction d’un congé paternité rémunéré de 4 semaines récolte actuellement des signatures. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs dizaines de propositions en faveur d’un congé parental ou paternité ont été avancées. Eclairages sur les enjeux d'un tel congé pour l'égalité entre hommes et femmes. Les quatre points-clés présentés par la chercheuse Isabel Valarino.
Le principal avantage de la contribution d'assistance: la possibilité d’engager du personnel selon ses propres critères, de définir le cahier des charges et les horaires selon ses besoins. Toutefois cela ne va pas sans son pendant de responsabilités. Car l’employeur, c’est la personne handicapée avec laquelle vous vivez, ou c’est vous, les parents. Il s’agira donc de recruter, d’établir un contrat de travail, de gérer les relations avec votre employé, de lui accorder les congés auxquels il a droit, de verser son salaire, tout cela dans le respect des obligations légales de tout employeur.
Les questions auxquelles répond ce mode d'emploi:
Le guide a été réalisé sur les conseils de Sophie Rais Pugin, responsable du service de Conseil spécialisé en assistance de Pro Infirmis.
Commentaire de Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
En Suisse, le droit de demander et de recevoir (ou de refuser) des soins est un droit dit strictement personnel. Le mineur l’exerce librement, y compris à l’insu ou contre le gré de ses parents. Des questions délicates à cet égard concernent en particulier la contraception et l’interruption de grossesse. Les réponses données varient selon les pays voire, en Suisse, selon les cantons. Ainsi, dans le canton de Vaud, dès les années 1950, une interruption de grossesse peut être pratiquée sur une mineure capable de discernement sans en informer les parents. D’autres interrogations éthiques concernent l’éventuel don d’organe par un donneur mineur vivant, ainsi que l’assistance au suicide. En Belgique en 2016, il a été admis qu’un mineur pouvait légitimement requérir un tel geste, y compris l’euthanasie.
Pour l’essentiel, la doctrine ne semble pas aujourd’hui poser problème chez nous. Raison pour laquelle il est intéressant de trouver, dans la dernière livraison du Hastings Center Report, un article détaillé d’une enseignante d’éthique de l’Université de St. Louis (USA). Elle prend le contre-pied de la pratique actuelle et estime que la décision devrait rester de la compétence des représentants légaux. Elle note que l’évidence scientifique est imprécise : « Les mêmes données psychologiques et neurologiques ayant été interprétées en soutien à des conclusions opposées, il parait prudent de réserver son jugement quant à ce qu’elles révèlent de la qualité de la prise de décision par les adolescents.»
Le propos est parfois simpliste : « Un enfant de 10 ans peut disposer du discernement voulu pour décider de recevoir un médicament en une ou plusieurs doses mais pas de la capacité de décider si sa jambe gangrenée doit être amputée.» Cette situation soulève pourtant un enjeu important. Lorsque je faisais des exposés sur ce thème, je prenais l’exemple de la contraception et de la stérilisation. En principe et sauf objection de conscience, le médecin peut/doit répondre à la demande de contraception d’une ado de 15 ans. Il doit aussi respecter le secret médical, y compris vis-à-vis des parents. Toutefois, il ne saurait obtempérer de la même manière si elle lui demandait de la stériliser, « parce que le monde va si mal et qu’elle ne voudra jamais d’enfant ». Le principe juridique et éthique est chez nous « en faveur » de l’ado, le praticien toutefois garde un devoir professionnel d’appréciation. Ici, en cas de désaccord ou de conflit, l’ado exerce son droit strictement personnel. Néanmoins, le dialogue doit être favorisé, chaque fois que c’est possible, en vue d’arriver à un assentiment des représentants légaux.
« Avec d’autres, dit Salter, j’argumente que, même vis-à-vis d’ados, les parents devraient garder l’autorité de décider. Je ne le dis pas parce que je croirais que la plupart des ados n’ont pas la capacité de discernement voulue [mais] parce que, en soi, la capacité de détermination d’un ado ne justifie pas/n’entraîne pas à mon sens que l’autorité de décider doive lui être remise. Confondre capacité et autorité néglige une raison centrale : les parents sont moralement et légalement responsables pour leurs enfants ». Aussi : « Il se pourrait que la science montre que certains ados prennent des décisions aussi bien que leurs adultes de référence. Mais savoir si les ados doivent se voir accorder l’autorité de décider est une question éthique qui n’est pas réductible à l’évidence scientifique. »
Il y a là une différence socio-culturelle manifeste. La société étatsunienne et ses valeurs ont des dimensions légalistes marquées. De plus, on observe un certain retour vers l’autorité de ceux qui la détenaient traditionnellement – à noter que Salter parle de la famille comme d’une unité « sacrée » de la société. En Suisse et en Europe, notamment nordique, l’éventail des références pertinentes montre un autre équilibre, une appréciation différente des intérêts et droits respectifs. Et je continue à penser que nous sommes mieux servis par la disposition du Code civil sur le droit strictement personnel librement exercé par l’ado (sauf exception), et par la position éthique prévalente, que par des règles sans souplesse. Curieusement, la demande de Salter de maintenir de routine l’autorité parentale de décider pour les ados se base sur des éléments comme l’âge chronologique et la majorité juridique, rigides par essence, alors que par ailleurs elle insiste sur le caractère éthique de la problématique. Un peu contradictoire, non ?
Salter E.K. Conflating capacity and authority : Why we’re asking the wrong questions in the adolescent decision-making debate. Hastings Center Report 2017, 47, No. 1, 32-41. En ligne
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Marylou Rey, rédactrice en chef de REISO
L’Ecole de santé de Suisse romande vient de réaliser une vidéo dans le cadre des cours. Elle explique en quelques images et conseils simples les principes de base de la réanimation cardiopulmonaire aux non professionnels de la santé.
Jetez un œil à cette courte vidéo : sa démarche pédagogique est à la fois pertinente et souriante. Surtout, elle est utile et peut sauver une vie…
La démarche a été coordonnée par Dr François Dupuis, directeur médical de l’Ecole de santé de Suisse romande ESSR
Doté de 5’000 CHF, ce prix permettra aux enfants de réaliser un projet de leur crû destiné à faire vivre les droits de l’enfant dans leur institution. Il sera décerné le 22 novembre à Genève, au cours d’une manifestation organisée par l’IDE et ses partenaires pour célébrer la Journée internationale des droits de l’enfant.
Il récompensera un projet efficace et réalisable initié par/avec des enfants et/ou des jeunes placés dans des institutions de Suisse romande, qui rende réels les droits de l’enfant dans leur lieu de vie/d’accueil. L’accent sera mis sur la participation effective des enfants (Art. 12 de la CDE), tant dans l’élaboration que dans la réalisation du projet, qui devra intervenir durant l’année 2017 et/ou 2018. Le projet pourra mettre à l’honneur un ou plusieurs droits de l’enfant.
Les projets soumis au concours peuvent être en cours de réalisation ou totalement nouveaux. Aucune forme particulière pour leur présentation n’est exigée et les supports sont libres. Délai de dépôt des projets : 1er septembre 2017.
Infos et règlement en ligne
L’usage de substances psychoactives – qu’elles soient légales ou illégales – dans notre société reste un sujet d’actualité. Tandis qu’une grande partie de la population consomme ces substances de manière non problématique, un quart fume et un cinquième boit trop ou trop souvent. De plus, environ 200’000 personnes ont consommé du cannabis durant le dernier mois. En outre, l’omniprésence d’internet pose problème à une partie de la population, tout comme certain-e-s perdent le contrôle sur les jeux d’argent.
Le Panorama Suisse des Addictions 2017 d’Addiction Suisse offre une vue d’ensemble de la situation et des tendances actuelles et soulève des questions critiques sur les substances psychoactives, l’addiction et la politique en la matière. Une question centrale est celle de la responsabilité des différents acteurs qui remet également en cause le rôle de l’Etat et de l’économie.
Avec des informations détaillées dans les domaines de l’alcool, du tabac, des drogues illégales, du jeu, de l’usage d’Internet et pour la première fois du mésusage de médicaments sous ordonnance ainsi qu’un communiqué principal, Addiction Suisse livre une analyse des évolutions dans ces domaines.
Panorama en format pdf
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
Philosophe analytique français, Ruwen Ogien a été opéré d’un cancer du pancréas et subi une demi-douzaine de chimiothérapies. Dans ce récit, il évoque son histoire individuelle mais fait aussi un tour d’horizon bien informé de sociologie médicale. Il décrit les relations soigné-soignant, les rapports entre soignants, la psychologie médicale et les ressentis du malade. Quelques extraits.
Vécu personnel. « Je suis atteint d’un cancer capricieux. Je crois être indifférent à ce qui m’arrive mais suis terriblement inquiet lorsque je dois aller chercher les résultats des analyses. Je me sens plein de compassion envers les autres malades mais ai du mal à supporter leur proximité physique. J’ai l’impression d’être de plus en plus étranger à mon corps alors que je m’intéresse sérieusement à son fonctionnement pour la première fois. Je prétends être ouvert à toutes les thérapies alternatives mais m’arrange pour n’en suivre aucune. J’éprouve de la gratitude et même de l’amour pour le personnel soignant mais ressens aussi souvent de la méfiance et de la crainte à son égard. »
Contre le dolorisme. Ogien s’en prend aux vues de certains auteurs et milieux, religieux par exemple. A son sens, ces réponses « contribuent à discréditer la souffrance des personnes atteintes de graves maladies, à renforcer la violence sociale à leur encontre [liée à ce qu’on voit à la souffrance une vertu « rédemptrice »], et à protéger certaines formes de paternalisme médical. » Il précise : « La souffrance physique est un fait brut qui n’a aucun sens, qu’on peut expliquer par des causes, mais qu’on ne peut pas justifier par des raisons. »
Le statut du malade. « J’avais l’impression que, si je ne voulais pas être perçu comme un ‘déchet’ ne méritant pas des efforts thérapeutiques, je devais présenter une certaine image : celle d’une personne résistant vaillamment, sincèrement désireuse de suivre les recommandations des médecins ».
Sur la résilience. « Au fond, la psychologie positive, dont la résilience est un des piliers, a un côté bêtement optimiste, répugnant aux yeux de tous ceux dont la vie est précaire, marquée par des échecs et des peines profondes. Elle tend à culpabiliser tous les défaitistes en pensée, ceux qui n’ont pas la force ou l’envie de surmonter leur désespoir (…). C’est pourquoi la tendance à présenter les maladies comme des défis susceptibles de nous faire grandir m’est devenue quasiment insupportable. Si résilience et autres notions positives méritent sans doute de retenir l’attention, il faut aussi entendre la crainte que ce discours puisse augmenter le malheur des ‘paumés’. »
Une idée iconoclaste. « Le fait que les médicaments anticancéreux n’ont pour objectif que de prolonger la survie donne l’impression d’un grand déficit de l’institution médicale. Ceci devrait être un aiguillon pour revenir à un but plus classique, la guérison. Mais l’invasion des maladies chroniques fait tellement les affaires de l’industrie pharmaceutique qu’on peut se demander si cette dernière ne contribue pas à laisser les choses en l’état. Certains chercheurs font même l’hypothèse que c’est la relative impuissance des médicaments à guérir la maladie qui en font tout le prix pour l’industrie. »
Enfin, un point délicat. « Sans tomber dans un utilitarisme calculateur, je me demande, comme devrait le faire tout citoyen ‘raisonnable’, si prolonger ma vie de quelques semaines au prix de dépenses énormes en vaut vraiment la peine (…) Est-ce que je trouverais juste de dépenser tout ce qui me reste à la banque pour cela, en privant ma famille ou une organisation caritative de cette somme qu’ils pourraient consacrer à un bien-être plus durable. Je suis en train de perdre mes certitudes ‘déontologiques’, ma croyance que l’impératif de me maintenir en vie prévaut sur toutes les autres considérations. »
Bibliographie. Il y a beaucoup d’érudition dans « Mes Mille et Une Nuits », y compris une bibliographie de 120 titres avec une sélection d’ouvrages académiques d’Europe et d’Amérique du Nord, les livres de l’Américain Talcott Parsons (Eléments pour une sociologie de l’action. Paris : Plon, 1955) et des Français Adam et Herzlich (Sociologie de la maladie et de la médecine. Paris : Armand Colin, 1994) et des classiques littéraires comme Mars, de notre compatriote Fritz Zorn, ou Une mort très douce, de Simone de Beauvoir.
Il suffit d’une vingtaine d’années pour que les sociétés occidentales passent du baby boom au baby bust. Le nombre d’enfants par famille augmente fortement dès la Seconde Guerre mondiale puis s’effondre à partir du milieu des années 1960 pour se stabiliser à une moyenne de 1,5 enfant au tournant des années 1970.
Quelles sont les raisons de cette transformation rapide et profonde de l’intimité familiale ?
Cet ouvrage cherche à éclairer cette révolution silencieuse au travers du cas de la Suisse romande pour les années 1955-1970. Il donne la parole à une cinquantaine d’individus devenus parents dans les villes de Lausanne et de Fribourg durant les années 1960. Accès à la contraception, discours médiatiques, religieux et politiques sur la famille et l’éducation : les deux villes offrent alors un environnement bien différents aux jeunes parents. Ce contraste met en lumière l’importance du contexte social et institutionnel sur les choix intimes.
Combinant sources institutionnelles, médiatiques et expériences individuelles, cet ouvrage éclaire les aspirations familiales et professionnelles d’une génération précurseuse de nos sociétés contemporaines. Le bien-être matériel et émotionnel de l’enfant et des parents devient un élément déterminant, renforçant l’idée de l’enfant précieux.
Recension par François-Xavier Audergon, président du Tribunal de la Sarine, Fribourg
Dans cet ouvrage, l’auteur actualise les concepts développés par le philosophe Paul-Michel Foucault et les applique au Travail social, fort de son expérience personnelle dans le domaine.
Une société conçue comme un ensemble d’individualités se dote de normes pour garantir son bon fonctionnement. Elle érige ainsi une « normalité » qui porte en elle une part indéniable d’arbitraire. Pour s’en convaincre, force est de relever la définition fluctuante de « normalité » au fil des ans, mais aussi dans les différentes cultures.
Pour ceux qui ne peuvent cependant s’insérer dans cette moyenne normative, qui vivent dans la marge, il appartient alors au pouvoir politique d’organiser des modes d’assistance, d’insertion, de contrôle, tâches qu’il a confiées aux travailleurs sociaux. Or, paradoxalement, le pouvoir exige toujours plus de résultats en la matière, pose de nouvelles exigences aux personnes dans le besoin, sans doter suffisamment en personnel ou en moyens l’action sociale, créant une asymétrie ambigüe.
Fort de ce constat, l’auteur, faisant siens les principes de Foucault, élabore une problématisation de l’action du travailleur social. Il s’interroge notamment sur la possible ou nécessaire cohabitation du contrôle et de l’aide dans le travail social, sur l’incidence du pouvoir en ce domaine, sur les différents types de savoir dans l’action sociale et leur objectif scientifique, sur la publicité à donner aux actions entreprises. Ce dernier point revêt une importance particulière, puisqu’en matière de travail social, il n’est en effet pas rare que les thématiques soient développées entre professionnels, à l’écart du public, informé des seuls abus ou alerté sur les seuls coûts engendrés par l’action sociale, non sur ses bénéfiques effets. Ce manque d’information peut alors avoir pour conséquence et contre toute logique que des normes qui fonctionnent pour 97 à 99% des situations soient, avec l’aval du peuple, abrogées ou durcies, en raison d’une infime proportion d’abus ou de surcoûts, provoquant par là-même une nouvelle et plus importante marginalisation, qui à son tour impliquera des nouveaux coûts et une nouvelle problématique !
L’auteur souligne également la tendance actuelle à responsabiliser la personne bénéficiaire de l’aide de l’Etat, à l’impliquer dans le processus, appliquant au travail social quelques principes du capitalisme, qui se retrouvent dans la notion de « contrat » avec le bénéficiaire. Cette vision peut cependant amener collatéralement à une forme de culpabilisation de l’individu. Respecter le droit à la différence, remettre en confiance l’usager, s’abstraire de jugements moraux sont autant de méthodes qui amènent à penser le changement individuel à partir de l’environnement dans lequel évolue la personne qui demande de l’aide. Il est essentiel que l’axe normatif soit représentatif pour que l’individu puisse se reconnaître dans les décisions et dans les valeurs qui ont inspiré cet axe normatif. Il appartient donc à la société de réduire ses marges tant que faire se peut, en optant pour des objectifs raisonnables, et non de creuser lesdites marges par des normes trop incisives, qui excluent plus qu’elles ne solutionnent.
Thierry Gutknecht signe avec son ouvrage une réflexion extrêmement bien structurée sur une problématique des plus actuelles, induite par l’augmentation croissante des inégalités et donc des personnes laissées en marge de la société. La fluidité des arguments guide le lecteur d’un bout à l’autre du livre. Au terme de cette passionnante lecture, il appartiendra à chacun d’envisager les solutions qu’il sied d’apporter aux problèmes soulevés et de repenser le travail social pour le rendre encore et toujours plus efficace.